QUOTAS, RATIONNEMENTS ET RÉQUISITIONS

Il y avait plusieurs types de réquisitions :

  • La réquisition officielle, payée par l'Occupant un prix négocié avec le Ravitaillement Général, honteusement favorable au Reich et acceptée par la force des "choses".

  • La réquisition officieuse encore payée, mais à un prix nettement inférieur au prix officiel, vécue sans broncher : Le vainqueur (armé) a toujours raison.

  • Le vol, vécu à juste titre comme une injustice.


Ces réquisitions prennent la direction des entrepôts du Ravitaillement Général afin de nourrir les citadins Français, ou prennent la direction de l'Allemagne quand ils ne sont pas à destination de l'Armée Occupante…

Ainsi, ce sont des milliers de tonnes de viande (sur patte ou non), de volaille, de pommes de terres et des millions d'oeufs qui sont prélevés annuellement. Des millions de litres de lait aussi, des milliers de tonnes de beurre… Une production de lait qui diminua tout au long des quatre ans d'Occupation. La réquisition des vaches (!!!) et du fourrage fit diminuer constamment la production de lait, donc de beurre, donc de fromage.

La mauvaise volonté des producteurs, les détournements au profit du marché noir et les aléas climatiques font que les quotas sont peu respectés et sont sanctionnés par des amendes, notamment pour les communes ayant livré moins de 60% de leur quota.

Le quota humain naquit dès le début 1942. Au début, ce sont des travailleurs volontaires motivés par l'appât du gain et de meilleures conditions de vie. En Juin 1942, la fibre nationale est titillée par la promesse de la "relève" qui consiste à renvoyer dans ses foyer un prisonnier de guerre pour trois volontaires pour le travail en Allemagne. Mais les Allemands ne tiennent pas promesse et ont besoin d'encore plus de main d'oeuvre.

Les Allemands imposèrent au gouvernement de Vichy que les ouvriers Français qui ne travaillaient pas directement pour l'Allemagne puissent être recrutés par les autorités préfectorales Françaises et envoyés en Allemagne par train spécial. Cette décision du 1er Février 1943 concernait toutes les femmes sans enfants de 18 à 45 ans et tous les hommes de 16 à 60 ans.

Enfin, le 16 Février 1943, une loi imposa le Service du Travail Obligatoire (STO). Tous les jeunes gens âgés de 20 à 22 ans étaient susceptibles d'être envoyés de force en Allemagne pour y effectuer un travail rémunéré (!). Les réfractaires qui s'y soustrayaient venaient grossir les maquis et les rangs de la France Libre.

C'est plus de 3 millions de Français (Prisonniers de guerre, volontaires, requis du STO, employés de l'industrie) qui travaillèrent directement pour l'Allemagne.

La pêche, elle aussi était soumise à quotas. Tout le poisson ou presque était réquisitionné et la godaille surveillée. L'augmentation du prix des matériels de rechange, des filets et des cordages, le prix et la rareté du carburant ajoutés aux dangers des sorties en mer, firent du métier de pêcheur un statut peu envié.

Les conserveries étaient affectées par la pénurie de matière première, huile et fer blanc... Tout le poisson pêché était mis en boîtes. Puis la conserve de viande ne tarda pas à être interdite. Le tiers de la production des conserves de légumes et de poisson fut "réservé" à la consommation de la Werhmacht.

Les chevaux furent réquisitionnés pour leur viande, leur graisse et comme animal de trait, notamment sur les fronts de l'Est. Ainsi, c'est presque 450 chevaux de trait avec harnachement qui furent réquisitionnés pendant les derniers mois de 1940, en plus des bêtes d'abattage, des jeunes chevaux et étalons !

Les mois suivants, au vu des quotas céréaliers non respectés, des dérogations furent accordées aux goëmoniers et aux paysans qui ne possédaient qu'un cheval : Leur labeur devenu impossible, comment auraient-ils pu participer à l'effort de guerre imposé par le traité d'armistice ?

Des volumes énormes de céréales furent réquisitionnés et payés une misère par l'occupant. Ainsi ce sont de milliers de tonnes de blé qui furent réquisitionnés, tout comme la paille qui allait avec. Quand à la production de farine issue du blé restant, les moulins avaient un faible rendement, plus du au détournement qu'au manque de vent ou de puissance hydraulique…

L'avoine aussi était réquisitionnée, pour nourrir des chevaux… réquisitionnés. Volerait-on une voiture sans essence ? (Mentionnons que le volume des réquisitions représentaient quand même 75% de la production !)

A propos d'essence, celle-ci se raréfia. Une grande partie avait été réquisitionnée par la Werhmacht, une autre envoyée en Allemagne. Le blocus maritime orchestré par les marines alliées et le manque de rendement et le nombre des raffineries fréquemment bombardées, empêchaient le renouvellement de l'approvisionnement. Les moyens mécaniques de l'agriculture devinrent inutilisables, faisant chuter les rendements. Les bateaux de pêche ne pouvaient plus sortir, faute d'essence.
Un ersatz de carburant, le gazogène (gaz de charbon), fit son apparition pour les véhicules routiers.

Afin de palier aux problèmes de circulation, les lignes de chemin de fer considérées non rentables avant guerre, telle la ligne Pont l'Abbé – St Guénolé, reprirent du service.
Le bois de chauffage et de construction fut soumis lui aussi à réquisition.
Certains marins reprirent le commerce de disette de leurs parents inventé au début du siècle. Pour subsister, ils ravalaient leur fierté et faisaient sécher du goëmon qu'ils vendaient ou troquaient aux paysans. Ceux-ci l'utilisait pour fabriquer le bois du pauvre, les "gloarad" ou briques de chauffage faites d'un mélange de bouse de vache et de goëmon séché.
Ces briques servaient au chauffage des maisons et des fours à pain clandestins. Du pain blanc fait de la farine détournée !

Les métaux, les tissus, les papiers de récupération partent directement en Allemagne et ne sont pas réinjectés dans l'économie nationale, concourant encore plus à la pénurie…
Après ces quelques exemples non exhaustifs, on voit bien que TOUT ce qui représentait une valeur marchande, même la plus improbable, était susceptible d'être réquisitionné : Les travailleurs Français de l'industrie, de la pêche ou de l'agriculture étaient au service de l'économie du IIIème Reich.
Sans doute, pouvez-vous penser que ce petit exposé est un peu fouillis. Je vous l'accorde. Mais comment faire autrement ? Ces réquisitions étaient un pillage organisé et méthodique. Et même irrationnel : Tout devenait cause de pénurie et en même temps conséquence de cette pénurie.

L'irrationnel de la réquisition des chevaux alors qu'ils concouraient aux menées agricoles des cultivateurs, du pillage du carburant nécessaires aux actions de pêche des marins-pêcheurs ou même de la réquisition des vaches qui produisaient lait et beurre… tend à le prouver.