Naufrage du Henry

Le naufrage du brigantin Britanique Henry, eut lieu le 4 décembre 1876, en baie d'Audierne, face à Tréguennec.
Les membres du poste de Douanes de Kérity 
prirent part au sauvetage...


Le «Henry»

Caractéristiques du navire :

Type : Brigantin1 en bois.
Dimensions (L x l x P) : 32 x 7,30 x 3,65 m
Jauge nette : 186 Gt

Construit aux Chantiers Angus McMillan de Summerside (Prince Edward Island, Canada)
Lancé en Juin 1872
Propriétaire J. Morgan de Llanelly (Monmouthshire-Pays de Galle)


Note KBCP :
(1) Parfois cité dans les articles comme brick ou goélette, le Henry est bien un brigantin (Bn dans le registre du L
loyd).  


Voilier de type Brigantin

Extrait du registre du Lloyd, année 1874-1875

Article du Journal «Le Finistère» du 13 Décembre 1876

T r é g u e n n e c . — Les correspondants du Finistère nous ont adressé les détails suivants sur le naufrage du brick norvégien Henry, pendant la tempête du 4 décembre :

« Pont-l'Abbé, 5 décembre 1876.
« Hier, 4 Décembre, les employés des douanes de Kérity-Penmarc'h et de Pouldreuzic suivaient avec anxiété les manœuvres d'un brick qui, battu par la tempête, semblait devoir fatalement venir se briser contre les rochers.
« Prévoyant un naufrage, nos douaniers avaient été chercher le canon porte-amarres du poste de Plovan, ainsi que les autres engins de sauvetage.
« A onze heures du matin le navire vint s'échouer à environ deux cents mètres de la côte, vis-à-vis du bourg de Tréguennec.
« La mer était furieuse comme elle l'est presque toujours sur les rivages inabordables
de la baie d'Audierne.
« L'équipage faisait des signaux de détresse et semblait implorer le secours impuissant des riverains assemblés sur la dune.
« Les malheureux douaniers exténués de fatigue, trempés et mourant de faim arrivèrent bientôt, prêts comme toujours, à se dévouer pour venir en aide aux infortunés dont la vie était en danger.

« Le canon pointé par le préposé Quéguiner, du poste de Penmarc'h, fut immédiatement tiré, et la flèche, passant au-dessus du navire, laissa tomber entre les deux mats le faible cordage auquel elle était attachée.
« On établit immédiatement le Va-et-Vient, et les huit hommes formant l'équipage furent sauvés.

« Dans cette circonstance, tous les assistants firent leur devoir. M. le curé de Tréguennec, entre autres distribua de l'eau-de-vie et du vin aux pauvres naufragés, et leur offrit sa propre demeure pour refuge ; le maire en fit autant. Certes, les malheureux ont été reçus comme des frères : à charge de revanche !
« Le navire naufragé est le brick Henry du port d'Arendal, Norvége ; le capitaine se nomme Anderson. Il avait pris à Séville un chargement de 836 balles de liège et dix pièces de vin d'Espagne à destination de Bremerhaven.
« Ce brick jauge 256 tonneaux anglais : il n'a que 4 ans de navigation. Jeté au plein par la haute mer, il est à peu prés à l'abri de tout danger nouveau. Son gouvernail a été brisé et son grand mât abattu ; la coque semble avoir peu souffert, le doublage de cuivre, est avarié, d'un côté seulement.
« Le 5 décembre le navire était à sec ; on s'occupe du sauvetage du gréement et de la cargaison, MM. les employés de la marine de Pont-l'Abbé, sous les ordres de M. le commissaire de Quimper dirigent les opérations qui sont surveillées également par le service des Douanes.»


Port de Arendal (vers 1910) © Gj eruldsens

Port de Séville (vers 1910) © Inconnu

Port de Bremerhaven (vers 1910) © Bremen

——— Autre article, même jour ———

Pouldreuzic, 6 Décembre .
« Avant hier, dans notre terrible baie d'Audierne, à la hauteur de l'étang de Tuael en Plovan, venait se perdre le navire Norvégien Henry, d'Arendal, jaugeant 273 tonneaux.
« Depuis trois jours ce bâtiment luttait contre la tempête , et voyant l'impossibilité de doubler Penmarc'h, il arrivait, vent arrière, se jeter à la côte sur laquelle il n'existe heureusement pas de rochers en cet endroit.
« Ceci se passait à midi, au moment de la basse mer. Avec la marée, il vint plus lard s'échouer sous la palue où il présente son travers à la mer.
« Le Henry, chargé de liège et de vins d'Espagne, est, jusqu'à présent en assez bon état.
« Des marins de Penmarc'h sont occupés à le débarrasser de son gréement et de sa mature qui le fatiguaient beaucoup. On procédera ensuite à son déchargement qui sera d'autant plus facile à opérer qu'il reste à sec pendant cinq heures, environ.
« Comme toujours, nos douaniers vigilants, malgré la fureur de la tempête, sont accourus au hangar renfermant le canon porte-amarre ; le brigadier, homme de la plus grande énergie et dont trois médailles décorent la poitrine, a aussitôt réquisitionné des chevaux, et le chariot contenant tout le matériel est parti au galop ; trente minutes
après, il avait franchi, sur des galets, environ 6 kilomètres ; immédiatement le canon fut chargé, et le premier coup porta si bien que le filin arriva à bord du brick, au grand étonnement de ces pauvres marins qui se croyaient perdus.
« Un va-et-vient fut établi et on eut le bonheur d'arracher à une mort presque certaine, les huit hommes dont se composait l'équipage.
« Ces hommes, quoique ne parlant pas le français, ont témoigné par leurs démonstrations toute leur reconnaissance aux douaniers qui les avaient sauvés de ce gouffre prêt à les engloutir.
« Monsieur le Recteur et M. le Maire de Tréguennec ont pris ces hommes chez eux, où les soins les plus empressés leur ont été prodigués.
« Ajoutons enfin, que MM. les officiers des douanes prévenus à temps, se sont empressés d'accourir sur les lieux du sinistre pour diriger les travaux du sauvetage.
« En résumé, tout le monde a fait son devoir. »

À ces détails nous ajouterons que le Henry est maintenant considéré comme perdu :
Il se trouve tout à fait à sec, et dans de telles conditions qu'il sera impossible de le remettre à flot.
Une partie de la cargaison a été retirée en parfait état, et sera vendue sous peu de jours.
Quand au navire, une forte marée peut le mettre en pièces. Il vaut encore aujourd'hui 20.000 fr, environ.
Un campement de douaniers est préposé à sa garde, et si la mer l'épargne, il sera vendu et démoli.
 

Henry échoué sur la plage (Photo-montage) © JL Guégaden

Article du Journal «Le Finistère» du 27 Décembre 1876

Q u i m p e r . — Nous avons reçu la lettre suivante : Quimper le 13 décembre 1876.

« Monsieur le Directeur,
« Le numéro du journal le Finistère du 13 décembre contient dans des correspondances de Pont-l'Abbé et de Pouldreuzic, relatives au sauvetage du brick le Henry et de sa cargaison, des assertions qui manquent d'exactitude en ce qui concerne les attributions respectives du service de la Marine et de celui des Douanes dans les cas de naufrages.
« Je vous serai reconnaissant de rectifier ces assertions en relatant dans votre journal les dispositions ci-après, qui régissent cette matière :
« L'administration de la Marine est chargée de tout ce qui concerne les naufrages (arrêté du 17 floréal an IX. — Art. 1), quelle que soit la qualité du navire naufragé ; c'est le Commissaire de l'Inscription Maritime qui est chargé du sauvetage en lieu et place du capitaine (arrêté du 17 floréal an IX. — Art. 1), excepté le cas où ce dernier serait porteur d'une procuration spéciale.
« Jusqu'à l'arrivée du Commissaire, le syndic des gens de mer donne les premiers ordres et requiert, s'il en est besoin, l'assistance des autorités locales (mémo arrêté art. 2 et règlement du 17 juillet 1816, art. 24).
« Le Commissaire présent, personne ne peut s'immiscer dans les opérations de sauvetage, à moins d'y être autorisé par lui (déclaration du 10 janvier 1870 — Art. 9 et arrêté du 27 thermidor an VII - Art 4).
« L'administration des Douanes est étrangère à tout ce qui concerne la gestion des naufrages. Les préposés de cette administration sont tenus néanmoins de se transporter sans délai sur le lieu du sinistre et d'en prévenir le Commissaire de l'Inscription Maritime ou le syndic (décret des 6-22 août 1791. — Art. 1). Ensuite, ils doivent se borner à prendre les précautions nécessaires pour que les objets naufragés ne soient pas introduits en fraude (circulaire de l'administration des Douanes du 29 juillet 1813).
« Dans les circonstances du naufrage du Henry, Monsieur le Directeur, les choses ont eu lieu conformément aux règles rappelées ci dessus et les agents des Douanes, en accomplissant leur mission, n'ont donc pas eu à surveiller les opérations de sauvetage du Henry, ni à les diriger, car ils n'en avaient ni le droit ni le pouvoir.
« Veuillez bien agréer, etc.
« Le Commissaire de l'inscription Maritime,
« Leplat-Duplessis. »

Nous insérons bien volontiers la lettre que M. Leplat-Duplessis a cru devoir nous adresser.
Nous pensons cependant qu'il attache beaucoup trop d'importance aux expressions dont nos correspondants ont fait usage.
Les douaniers, lorsqu'ils «prennent les précautions nécessaires pour que «les objets naufragés ne soient pas introduits en fraude», n'exercent-ils pas, par le fait même, une certaine surveillance ?
Mais nous ne voulons pas jouer sur les mots pour prolonger le différend et nous donnons gain de cause, sur ce point — le seul contesté du reste — à M. le commissaire de l'inscription Maritime de Quimper.
Le rôle joué par nos braves douaniers dans le sauvetage des huit hommes qui montaient le Hernry n'en reste pas moins digne de tous éloges : peu nous importe qu'ils aient oui ou non surveillé le sauvetage de la cargaison.
Nous savons qu'ils sont toujours prêts aux plus grands sacrifices, aux plus beaux dévouements, et cela nous suffit.
Que M. Leplat-Duplessis soit donc satisfait.
Les renseignements précis qu'il nous donne sur ses attributions en cas de sinistres maritimes ne manqueront pas d'intéresser nos lecteurs ; nous l'en remercions, et nous souhaitons bien vivement que les lauriers cueillis au milieu des tempêtes par nos douaniers courageux et vigilants ne troublent plus désormais dans son repos M. le commissaire de l'inscription maritime de Quimper1.


Note KBCP :
(1) Et vlan...


——— Autre article, même jour ———

Pont l'Abbé, le 25 décembre :
« Le 29 décembre est le jour fixé pour la vente du brick Norvégien le Henry, jaugeant 256 tonneaux.
« Le premier lot comprendra la coque du navire doublée et chevillée, en cuivre jusqu'à la flottaison, le mat de misaine avec les haubans et les étais en fil de fer, le mat de beaupré avec soubarbe en chaînes, l'ancre de bossoir, du poids de 1.000 kilos, et une une ancre-câble de 56 mètres de longueur.
« Un lot comprendra toute la voilure, un autre, les ancres et chaînes, un autre la mature, un autre les cordages, câbles etc.
« Trois canots seront vendus séparément, 830 balles de liège en planche, seront vendues par lots de 100 balles.
« Le 30, on vendra à Pont-l'Abbé dix pièces vin de Xérès d'une contenance de 4 à 600 litres. Les dix pièces formeront 10 lots.
« Il sera également vendu un très beau chronomètre, des fanaux et des instruments de calcul et d'observation. »

Si M. le commissaire de l'inscription maritime n'y voit aucun inconvénient, nous publions sans aucune réserve cet avis officieux qui ne nuira certainement pas à la vente, bien qu'il n'émane point de ses bureaux1.


Note KBCP :
(1) Et re-vlan...

Annales du sauvetage maritime année 1876

Le 5 décembre, le poste de Kérity-Penmarc'h, sous la direction du lieutenant des douanes Cornec, est venu mettre en batterie le canon porte-amarres pour sauver l'équipage de la goélette norvégienne Henry, échouée dans la baie d'Audierne, au lieu dit Kervabac1, commune de Tréguenec, à six kilomètres de la Torche, et à cinq kilomètres de Plovan. Au premier coup, la flèche est arrivée à bord, le va-et-vient a été établi et les huit naufragés sont descendus à terre sains et saufs.

Une médaille d'argent est décernée à M. Cornec, secrétaire du Comité de Kérity-Penmarc'h ; un diplôme d'honneur au brigadier Guénegaud ; une indemnité de 5 francs est accordée à la brigade de douanes de Kérity.


Note KBCP :

(1) Lire Kerbavec