1899 - Naufrage du saint-Jean (fin)

LES DISPARUS

Tout au long du mois suivant le naufrage, on fit les découvertes macabres de certains disparus...



Journal «L'union agricole et Maritime» du 5 janvier 1900

Bénodet.

— Naufragé. — 

Le 30 du mois dernier, le sieur Le Corre Jean-Marie, patron-pêcheur, habitant Sainte- Marine en Combrit, rentrait au port, vers 4 heures du soir, après avoir été lever ses casiers en pleine mer. En passant près de la tourelle, endroit désigné sous le nom de « Tarot », à un mille environ de terre, il aperçut un canot peint en jaune, dont l'arrière était brisé par la mer. Il dirigea son embarcation sur cette épave et aperçut à l'intérieur le cadavre d'un homme cramponné à un banc. Aidé de son équipage, il l'embarqua à son bord et le conduisit à Bénodet.
Ce devait être une victime d'un naufrage de la dernière tempête, probablement du Saint-Jean, perdu sur les côtes de Lesconil dans la nuit du 29 au 30 décembre. Cependant, il y aurait lieu d'en douter, étant donné qu'au moment où le Saint-Jean s'est éventré sur une roche, il n'y avait plus une seule embarcation à mettre à la mer, celles-ci ayant été brisées précédemment au cours de la tempête1.
Voici le signalement de cette victime : 18 à 20 ans, cheveux et sourcils blancs, imberbe, forte corpulence, taille au-dessus de la moyenne, vêtu de deux gilets de laine bleue, d'une chemise en coton-flanelle, rayée bleue, d'un pantalon en toile bleue, d'un caleçon rouge en mauvais état, chaussé de deux paires de bas de laine bleue et rouge. On a trouvé dans la poche de son pantalon un porte-monnaie en cuir noir à trois ouvertures, contenant deux pièces de 2 centimes belges.
Les vêtements de ce malheureux ont été déposés à la Mairie de Bénodet, pour arriver à découvrir son identité. 


Note KBCP :
(1) Lors d'une déposition de l’équipage faite le 4 Janvier 1900 au juge de paix de Pont L’Abbé, on sût qu'une des embarcations de sauvetage du Saint-Jean n'avait pas été détruite par le coup de mer et que les 6 disparus du naufrage y auraient trouvé refuge. 



Journal «La Dépêche de Brest» du 22 janvier 1900

QUIMPER 21 janvier 1900
Découverte d'un cadavre. Hier on a trouvé, près de Lesconil, un cadavre qu'on croit, d'après les vêtements qui le recouvrent être celui de M. Schappe, le second du vapeur Saint-Jean, du Havre, qui s'est perdu le 30 décembre dernier, a trois milles dans le sud du Guilvinec.
M. Schappe, qui habitait Paris, n'était âgé que de 26 ans.
Rappelons que le vapeur Saint-Jean, qui venait d'Anvers, était monté par dix-huit hommes l'équipage, et que sept périrent dans le naufrage.
Onze autres furent sauvés par un bateau de sauvetage.



Journal «La Dépêche de Brest» du 23 janvier 1900

Une nouvelle victime du «Saint-Jean»

ÎLE-TUDY, 22 janvier.

On vient de découvrir le corps d'un marin, qu'on suppose être une nouvelle victime du naufrage du Saint-Jean, perdu le 30 décembre dernier.
Le cadavre a été trouvé ce matin, sur la côte de Lesconil.
D'après divers indices, on suppose que le corps est celui du mécanicien Donnou, du Saint-Jean.
Le naufragé mesure 1m55 de longueur. Dans les poches du pantalon se trouvait un mouchoir blanc marqué de l'initiale D.
Toutes les mesures usitées en pareil cas ont été prises.
 


Journal «Le Finistère» du 24 janvier 1900

Les victimes de la tempête.

LOCTUDY . — Avant-hier, vers 8 heures du matin, les nommés Le Marc(Pierre), 22 ans, et Le Bec (Eugène), 15 ans, du village de Saint-Guido, en Loctudy, ont aperçu un cadavre flottant à la surface de l'eau et l'ont ramené sur la grève.
Ce cadavre est complètement décomposé ; dans la poche gauche du paletot dont il était vêtu lui a tét trouvé un mouchoir de fil blanc marqué au fil rouge d'un D, ce qui ferait supposer que ce serait le nommé Donjon (Jules), chef mécanicien du bateau à vapeur Saint-Jean, naufragé le 30 décembre dernier près de Guilvinec. C'est la seule victime dont le nom commence par un D.
Au moment de la découverte, il était vêtu d'une chemise en coton de couleur à raies bleues, d'une flanelle blanche confectionnée avec du fil rouge, boutons en nacre ; un gilet tricot en laine bleue, serré autour du cou au moyen d'un cordon en laine avec deux glands de même couleur ; un paletot bleu marine, doublé de satin noir. Pas de pantalon.

LESCONIL. — Depuis quelques jours, on fait sur le littoral de lugubres trouvailles. Samedi, on découvrait dans le port de Lesconil, le corps d'un marin complètement défiguré et vêtu d'une chemise rouge.
On a cru reconnaître à ce signalement le second du Saint-Jean, bateau du Havre, qui s'est perdu le 30 décembre dernier, tout près du sémaphore : il avait nom de Schappe et était domicilié à Paris.

Le port de Lesconil © Artaud


Journal «Le Finistère» du 24 janvier 1900

CONCARNEAU.
De notre correspondant :
M. Garrec Corentin, patron du bateau Anna Maria, n° 1752, a ramené hier soir, à 6 heures, un cadavre revêtu d'un gilet de grosse laine bleue, d'une chemise de laine rouge, et d'une ceinture de cuir. La tête était complètement décharnée et la dentition très bonne ; ce cadavre qui paraissait âgé de 30 à 35 ans, a été trouvé par le gardien du phare de l'Île au Mouton, et l'on suppose que c'est une des victimes du vapeur Saint-Jean, qui a fait naufrage dans la nuit du 29 au 30 décembre dernier, près de Lesconil.
Les obsèques viennent d'avoir lieu et nous sommes peiné d'y remarquer l'absence complète des marins, à part l'équipage qui a ramené le cadavre et quelques femmes charitables.


Les Glénan - Phare de l'île aux Moutons © Lapie


Journal «Le Finistère» du 27 janvier 1900

Les victimes de la tempête.
Lundi dernier, à 5 1/2 du soir, le bateau de pêche Anna-Maria, n°1.752 du quartier de Concarneau, patron Garrec (Corentin), est arrivé qu quai de cette ville, ayant à son bord le cadavre d'un noyé trouvé vers 3 heures de l'après-midi, à l'île aux Moutons (archipel des Glénan).
Le corps était vêtu d'une chemise en flanelle rouge et d'un jersey bleu marine à grosses côtes ; une ceinture enen cuir fauve avec boucle en cuivre ceignait les reins. La physionomie du cadavre auquel manquait les mains et les pieds était méconnaissable ; la tête était entièrement dépourvue de chair ; tout portait à croire à l'aspect des vêtements de cet homme, qu'il devait faire partie de l'équipage du vapeur Saint-Jean, du Havre, naufragé le 30 décembre dernier dans les parages de Lesconil.
On procéda à un examen minutieux des vêtements qui permit de reconnaître qu'on se trouvait en présence du cadavre du nommé Chappe (Victor-Émile), inscrit à Paris, dont il est originaire. Le corps a tété inhumé dans le cimetière de Concarneau.
Des six hommes disparus dans le naufrage du Saint-Jean, quatre ont été retrouvés ; ce sont les matelots Kéroullé à Bénodet ; Guillemot et Donnou sur le littoral de Lesconil, et Chappe, le second, que l'Anna-Maria vient de ramener à Concarneau. L'acte de décès de ces quatre victimes reconnues a été ou va être établi. Il ne reste plus à découvrir que le corps du capitaine du bord, Guillou (François-Marie) , né à Plounez (Côtes-du-Nord) et celui du matelot Lésent, né à Pleurtuit, même département.
Des recherches vont être opérées à l'aide de scaphandriers dans l'épave du Saint-Jean, afin de retrouver le corps du capitaine Guillou, qui avait eu la jambe cassée et aurait été surpris dans sa chambre1 au moment où le navire a sombré.


Note KBCP :
Cette information est soumise à caution. D'après les témoignages des survivants entendus par le juge lors du procès du sinistre au Tribunal de la Chambre de Commerce de Quimper (février 1900), le capitaine Guillou, bien que gravement blessé, aurait embarqué dans le dernier canot de sauvetage restant à bord du Saint-Jean. Ce canot a été découvert en mer, le 30 décembre, à proximité de Sainte-Marine avec à bord le cadavre du matelot Keroullé.


Journal «L'union agricole et Maritime» du 18 fevrier 1900

CONCARNEAU. — Identité d'un cadavre. — Dernièrement on découvrait, près de l'île aux Moutons, faisant partie de l'archipel des Glénan, le corps d'un noyé, qui, à en juger par ses vêtements, devait être celui d'un des marins du vapeur Saint-Jean, du Havre, qui a fait naufrage, le 30 décembre dernier, sur la côte de Lesconil.
Le corps fut inhumé à Concarneau sans qu'on put établir son identité.
Toutefois on préleva des échantillons sur les vêtements, et c'est grâce à eux qu'on vient d'acquérir la certitude que le cadavre de cet infortuné est celui du sieur Chappe Edouard-Désiré, âgé de 25 ans, capitaine au long cours, second du vapeur naufragé, domicilié chez sa mère, avenue Victor-Hugo, n° 106, à Paris.

 


Journal « la Dépêche de Brest» du 17 mars 1900

CONCARNEAU, 15 mars
Exhumation du corps du capitaine Chappe. — On se rappelle que le corps du capitaine au long cours Chappe, commandant en second du vapeur Saint-Jean, naufragé le 30 décembre dernier, avait été inhumé dans le cimetière de Concarneau. Le corps a été exhumé lundi, pour être transporté à Paris.


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LES ÉPAVES


Une partie de la cargaison fût dispersée, poussée par le vent, au gré des courants et des marées... En plus des fûts de tabac mentionnés précédemment, de nombreuses billes et madriers de bois "pitchpin" furent trouvés en mer et rendus à la côte...


Les épaves énumérées dans les articles suivants sont attribuées au «Saint-Jean». Mais elles peuvent aussi être celles du 3 mâts «Rubens»1, qui, ballotté tout au long de la côte sud, aurait semé son chargement de billes de bois.

Note KBCP : 
(1) En perdition le 28 décembre 1899 à 6 milles au large de Beg-Morg, l'équipage du «Rubens» a été secouru par le canot de sauvetage de Groix.



Journal «Le Finistère» du 24 janvier 1900

CONCARNEAU. — De notre correspondant :
MM. Poullou Louis, patron du bateau 1830, a ramené au port 2 billes de pichpin d'une longueur de 12 mètres sur
0m28 d'équarrissage (trouvé dans la baie) ; Jaffrezic Corentin, patron du canot n° 66, a trouvé 1 bille de pichpin de 15m de longueur sur 0m29 d'équarrissage (trouvé en baie) ; Quélennec Pierre, patron du bateau Ouvre le Port n°2.107, a trouvé 5 billes de pichpin dans l'Ouest des Glénans, de 12m de longueur sur 0m28 d'équarrissage ; le Maître Stanislas, patron du bateau Souvenir n° 2.155, a trouvé 3 billes à 7 milles au large de Lesconil,
de 12m de longueur sur 0m28 d'équarrissage.
L'on suppose que tout cela vient du vapeur Saint-Jean dont nous parlons plus haut.

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ÎLE-TUDY
— Épaves. —

Le bateau n°1.592, du port de l'Ile-Tudy, a recueilli au large deux billes de bois de 8 mètres
de longueur, 0m40 de largeur et 0m40 d'épaisseur.


Note KBCP :
Le pitchpin est un conifère d'Amérique du Nord, principalement utilisé en menuiserie, pouvant atteindre, en moyenne, 25 mètres de haut. Son bois est à fond jaune veiné de brun rougeâtre. 




Journal «L'union Agricole et Maritime» du 28 janvier

ÉPAVES. 

— Deux billes de bois en pitchpin, mesurant l'une 10m75 de longueur, 0m32 de largeur et 0m28 d'épaisseur et l'autre 8m de longueur sur 0m27 d'équarrissage, ont été trouvées en mer le 24 janvier, à environ deux milles de l'Île Verte par les patrons Marrec Guillaume et Dervout Jean, des chaloupes
Reine du Ciel et Sainte-Thumette, qui les ont déposées sur la cale de Port-Manech.

CONCARNEAU. — De notre correspondant le 27 :
Le sauvetage des billes de pitchpin se succède. Le Meur François, patron du Protégé des Cieux, a trouvé dans la baie une bille de 15 mètres sur 0m29 d'équarrissage. Le Roux Yves, patron du bateau Jeune Joseph, une bille de 15 mètres sur 0m26, dans les Glénans. Pénamen Guillaume, patron du Notre Dame de Bon-Secours, deux billes, dont l'une de 10m33 sur 0m28 et l'autre de 15 mètres sur 0m30, trouvées dans les Glénan. Larsonneur, patron du bateau Saint-Louis, quatre billes, dans les îles des Glénan. Souin Paul, patron du bateau Baronne d'Eckmühl, n° 2.170, une bille de 12 mètres sur 0m28, dans la baie. Tanguy Auguste, patron du bateau Plongeur, n° 2.279, une bille de 10m80 sur 0m28. Quélennec Barthélémy, patron du Château-Renaud, n° 2.426, trois billes. Bodo Yves , patron du bateau Petit Barthélémy, n° 1.748, deux billes de 13 mètres sur 0m34 d'équarrissage. Quélénnec Paul, n°2.400, a trouvé à l'île des Glénan, deux billes, l'une de 13m33 sur 0m30, l'autre de 7m42 sur 0m28.

Alperre Auguste, patron du n° 8, une une bille de 11m22 sur 0m27. Gaïface Germain, patron du n° 2.274. une bille de 10m45 sur 0m34. Toutes ces billes ont été trouvées aux îles des Glénan.
Quéfélec, patron du Passe-Temps n°2.085, une bille de 12 mètres sur 0m33. Duval Yves , patron du n° 35, une bille de 9m90 sur 0m39. Pézennec Jean, patron du n° 2.114, une bille de 12 mètres sur 0m28.
Toutes ces billes de pitchpin que l'on trouve en mer pourrait occasionner des accidents graves. Avant-hier, le bateau n° 1.986, patron Terrec , se trouvant à 5 milles au large des îles des Glénan, à 11 heures du
soir, aborda une de ces billes plus longue que le bateau, le patron ainsi que l'équipage furent terrifiés, croyant être abordés par un navire ; ils ont été quittes pour la peur, mais cela aurait pu faire chavirer leur embarcation.