Templiers et Hospitaliers de Bretagne


Les chartes confirmatives de Conan IV

Conan IV dit le Petit (°1135, † 1171), comte de Richmond et duc de Bretagne, a octroyé des chartes relatives aux biens de l'Ordre de St Jean de Jérusalem (1160) et du Temple (1182) en Bretagne. Dans ces chartes rédigées en latin, Conan IV énumère les commanderies et les possessions des deux Ordres.

En 1872, Anatole de Barthélémy démontre que ces actes sont des faux : 

Il semble que les témoins signalés dans ces chartes par le faussaire, dans un souci d'authenticité (!)  soient les mêmes que ceux indiqués dans une charte authentique de Conan IV de 1170, relative à une donation au Mont Saint Michel. 

Charte Hospitalière de "1160" :
En 1160, c'est Bernard de Moëlan qui est évêque de Cornouaille et non Geoffroy, son successeur...

Et c'est Donvallon qui est abbé de Quimperlé et pas encore Rivallon, son successeur...

Charte Templière de "1182" :
Comment un Conan IV, mort en 1171, aurait-il pu éditer une charte en 1182 ?
Comment Hamon de Léon, évêque du Léon, mort assassiné par son frère en 1172, aurait-il pu être un témoin ?
Il est évident que ce document est une copie de la charte de "1160", réalisée elle aussi par les Hospitaliers, pour justifier leur propriété des bien reçus des Templiers en 1312 par bulle du pape Clément V. 

Désormais, ces chartes seront dites apocryphes (sign. faux, non authentique). Les historiens estiment que les deux document datent de 1322.


Mais pourquoi ces faux ?

En 1312, le Pape Clément V dissous l'Ordre des Templiers. Par une Bulle de la même année, il offre les biens des Templiers aux Hospitaliers de St Jean de Jérusalem.

Il semble que les titres de propriétés appartenant aux Templiers et aux Hospitaliers s'étaient parfois perdus. Difficile alors de justifier d'un patrimoine d'usage. 
Échaudés par les mésaventures arrivées aux Templiers, il semble que les Hospitaliers aient rédigé le faux acte dit de "1160" pour justifier de leurs propriétés en Bretagne. Puis ils réalisèrent une copie pour rédiger le faux acte dit de "1182", afin de justifier des propriétés des Templiers qu'ils avaient reçues de Clément V. Les historiens estiment que ces actes apocryphes de "Conan IV" datent de 1322.

A propos de chacune de ces chartes, François Colin dit «qu'il s’agit d’un faux auquel, eu égard au caractère exceptionnel des informations qui en émanent, « l’historien doit faire confiance », pour peu qu’une analyse soigneuse en soit effectuée».

En d'autres termes, ce n'est pas parce que la charte est non authentique que son contenu est faux. La preuve en est que les possessions des propriétés mentionnées dans les deux actes n'ont pas été contestées par la noblesse locale ni par le pouvoir ducal.


Charte confirmative de Conan IV relative aux biens de l'Ordre de St Jean de Jérusalem


«Mémoires pour servir de preuves à l'histoire
ecclésiastique et civile de Bretagne» 
Par Dom Hyacinthe Morice (1742)

«Quand l’historien doit faire confiance à des faux :
les chartes confirmatives de Conan IV, duc de
Bretagne, aux Templiers et aux Hospitaliers»
par François Colin n° 115-3 (2008)

Dom Hyacinthe Morice attribue cette charte aux Templiers, comme beaucoup qui confondent dans ce terme tous les ordres écclésiastiques et militaires. En la lisant, on comprend que c'est la charte confirmative des biens des Hospitaliers.

Les traductions des lieux les plus certaines sont dues à Anatole de Barthélemy, l’abbé Guillotin de Corson, Alain Boulaire ou François Colin.

Les lieux inconnus ou sujets à caution sont en italliques.

Charte apocryphe du Duc Connan IV pour les Templiers. An 1160.

Conanus Dux Britannia & Comes Richemundiae univerfis Ecclefiae filiis per totum Ducatum fuum falutem. Notum fit omnibus me dediffe & concefiffe & bac mea carta confirmaffe domui Hierofolimitanae hofpitalitatis omnes eleemofinas & terras , quae in Ducatu meo praedictae domui datae funt , liberas & quietas ab omnibus confuetudinibus in omnibus locis & in ornnibus partibus , quorum omnium haec funt nomina : In Treker eieemofinae de Louergat , eleemofinae de Loguartot & de Penguennan & de Pedriac & de
Pumurut & de Cognuac & de Pleguen & de Mael & de Rodoed , Gallet en louc en Follet, Bannadlanc ; eleemofinae de Fou & de Brifiac & de Penbarch & de Ploeneith & de Elré & de Coton & de Machalon & de Bodoc Capfithun ; hofpitale inter duas Kimper & hofpitale super Beloen ; eleemofina de Moelan & de Coetgual , & eleemofinae de Quafgurq in Kemenet-guegant , eleemofinae de Prifiac, Hospitale de loco S. Maclovii ; Hofpitale de
Pontivi ; eleemofinae Alani Vicecomitis , fcil. unus Burgenfis in unoque caftello fuo ; eleemofinae Domini Conani Ducis, fcilicet unus Burgenfis in unaquaque civitate fua & in unoquoque castello fuo in Kemenet-hebgoen ; eleemofinae de Cleker & de Tremmatos en Broguerec ; eleemofinae de Lankintic & de Lauftanc & Corvellou, & hofpitale in Sulumiac ; & eleemosinae de Kistinic Blaguelt & de Molac & de Mallechac & de Kaiftemberth & de
Guernou & de Afarac in Epifcopatu Nannetenfi & de Guerrann , & domus de civitate Nannetenfi cum appenditiis fuis , & unus homo in unaquaque parrochia apud Raes , & eleemofinae de Plouearthmael & de Brull & de Keffoë & de Terconan & de Grandi fonte & de Pleherel & de cruce Hahaguis & de Celtu-calvo & de Stablon & de Grandi-villa & de
Gangarre & de Ponte-terrae & de Teudcael & de Kerfornurith in Conrannac & Labolli cum appenditiis. Ego Conanus Britanniae Dux & Comes Richemundiae , libere & quiete conceffi haec omnia domui fupradictae amore ejusdem domus & fratris Eguenni familiaris noftri anno ab Incarnatione Domini millefimo centefimo fexagefimo, regnante Ludovico Francorum Rege & Henrico Anglorum Rege, Corifopitenfem epifcopatum Gaufrido tenente.
Tefles Hamo Leonenfis Epifcopus, Rivallonus Abbas Kemper legii , Gradlonus Abbas fancti Guingaloei, Prior de Monte S. Michaelis, Willelmus Ferron frater de Templo, Robertus Cancelarius Ducis , Alanus Clericus , Margarita Duciffa , Martinus ejus Capellanus , Richardus & Alanus Gemelli, Regnaldus Boterel , Henricus Bertran , Henricus filius Hervei , Alanus Rufus, Alanus de Mota & Clerus Corifopitenfis Ecclefiae apud Kemper-corentin.  



Conan, duc de Bretagne et comte de Richemont, à tous les fils de l’Église dans son duché tout entier, salut. Que tous sachent que j’ai donné et concédé et, par cette mienne charte, confirmé, à la maison de l’Hôpital de Jérusalem, toutes les aumônes, terres et tenures qui ont été données à ladite maison en mon duché, libres et quittes de toutes coutumes en tout lieu et en toute partie, dont voici la liste intégrale : dans le Trégor, l’aumônerie de Louargat, les aumôneries de Louannec, et de Penvénan, et de Pédernec, et de Peumerit-Quintin, et de Cohiniac, et de Pléguien ; et de Maël, Roudouallec, le Loch, La Feuillée, Balanant, les aumôneries de Plounévez-du-Faou, et de Briec, et de Penhars, et de Plonéis, et d’Ergué-Gaberic, et de Cuzon, et de Mahalon, et de Beuzec-Cap-Sizun, l’hôpital entre les deux Quimper et l’hôpital sur le Bélon, l’aumônerie de Moëlan, et de Clohars, et l’aumônerie de Guiscriff; en Kémenet-Guégant, l’aumônerie de Priziac, l’hôpital de Locmalo, l’hôpital de Pontivy, l’aumône du vicomte Alain, à savoir un bourgeois dans chaque château lui appartenant, l’aumône de seigneur duc Conan, à savoir un bourgeois dans chacune de ses cités et dans chacun de ses châteaux ; en Kémenet-Heboët, les aumôneries de Cléguer, et de Trescoët ; dans le Broguerec, les aumôneries de Languidic, et de Nostang, et du Gorvello, l’hôpital de Sulniac, l’aumônerie de Quistinic-Blavet, et de Molac, et de Malansac, et de Questembert, et du Guerno ; et d’Assérac dans l’évêché de Nantes, et de Guérande, et une maison dans la cité de Nantes avec ses dépendances, et un homme dans chaque paroisse du pays de Retz ; et l’aumônerie de Ploërmel, et de Brull, et de Quessoy, et du Tertre-Conan, et de la Grand’Fontaine, et de Pléhérel, et de la Croix-Huis, et du Bois-Chauff, et de Port-Stablon, et de la Grand’Ville, et de Saint-Congard, et de Pont-de-Terre, et de Teuhcael, et de Kerfounric à Commana, et La Bouillie avec ses appartenances. Moi, Conan, duc de Bretagne et comte de Richemont, j’ai concédé tout cela à ladite maison librement et sans contrainte, pour l’amour de cette même maison et de frère Even, notre ami, l’an mille cent soixante depuis l’Incarnation du Seigneur, sous le règne de Louis, roi des Francs, et Henri, roi des Angles, sous l’épiscopat de Geoffroy en Cornouaille.
En témoignent Hamon, évêque de Léon, Geoffroy, évêque de Cornouaille, Rivallon, abbé de Quimperlé, Gradlon, abbé de Landévennec, le prieur du Mont-Saint-Michel, Guillaume Ferron frère du Temple, Robert, chancelier du duc, Alain, clerc, la duchesse Marguerite, Martin son chapelain, les jumeaux Richard et Alain, Renaud Boterel, Henri Bertrand, Henri fils d’Hervé, Alain Rufus, Alain de Mota, et un clerc de l’église de Quimper-Corentin.

Cet acte nous apprend qu'à Quimper siégeait une commanderie des Hospitaliers de St Jean De Jérusalem.
Reste à savoir si Penmarc'h était bien un établissement de la Commanderie Hospitalière de St Jean de Jérusalem...


Les Chevaliers Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem à Quimper

Amédée-Aimé Guillotin de Corson (° 1837 à Nozay, † 1905 à Bain-de-Bretagne) est un abbé spécialiste de l'histoire de Bretagne, auteur de nombreux ouvrages. Dans son livre «Les Templiers en Bretagne et les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem» (1902) nous renseigne sur la Commanderie de Quimper.

Version originale (Éd. Durance - 1902)

Amédée Aimé Guillotin de Corson

Une ré-édition (Éd. Laffitte - 1982)


« La charte donnée en 1160 en faveur des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem mentionne un établissement qu'elle appelle « Hospitalis inter duas Kemper. » On n'est pas d'accord sur l'interprétation à donner à ce texte : cet hôpital semble à quelques-uns devoir être le Palacret, situé entre Quimperven et Quimper-Guézennec, ou le Moustoir en Kernevel, sis entre Quimper et Quimperlé. M. de Blois regardait ce texte comme s'appliquant mieux à Saint-Jean de Quimper, bâti à l'origine entre la vieille cité « Civitas Aquilonia » (aujourd'hui Locmaria) et la ville actuelle de Quimper. Malheureusement, toutes ces hypothèses tombent devant le procès-verbal de la visite de la commanderie de Quimper en 1617 ; on y lit, en effet, que la maison de cette commanderie portait le nom de Temple de Saint-Jean ; ce n'était donc pas primitivement un hôpital de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, mais un établissement de Templiers auquel ne peut se rapporter le texte de la charte donnée par Conan en faveur des Chevaliers Hospitaliers.»

Quel document, quel historien croire ? L'abbé Guillotin de Corson poursuit :


« Quoiqu'il en soit, la Commanderie de Quimper remontait sûrement à une haute antiquité.
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Le Commandeur Jean de la Barre fit ainsi en 1540 ; sa déclaration va nous faire connaître l'étendue de la Commanderie de Quimper au XVIème siècle.
— / —
La Commanderie comprend tout d'abord «le membre de Quimper-Corentin, consistant en juridiction haulte, moyenne et basse, laquelle s'exerce près de la chapelle Saint-Jean sur le quai de la ville de Quimper, Capitale de l'Évesché de Cornouaille.
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Derrière cette chapelle s'élevait « une maison ruisnée (en 1617), située sur le quay en la « Terre-au-Duc » avec un jardin. C'est cette maison, demeure primitive des commandeurs, qu'on appelait « le Temple de Saint-Jean. »
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Dans la cour de ce vieux logis se trouvait l'auditoire ; la haute justice de la commanderie s'y exerça tous les jeudis jusqu'en 1621. 
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Le fief de la commanderie à Quimper même était d'ailleurs peu considérable ; il n'avait ni justice patibulaire, ni poteau à carcan, et ne comprenait dans les siècles derniers que la chapelle et l'ancien manoir avec son auditoire. »


Cette chapelle daterait du XIIIème siècle.

« En dehors de Quimper, le commandeur avait des tenues et levait des dîmes dans les paroisses de Penhars, Ploneiz, Ergué, Beuzec-Cap-Sizun et Plougastel. De ces paroisses, les quatre premières ont leurs noms inscrits dans la charte de 1160 : Eleemosine de Pennhart et de Ploeneth et de Arke et de Bodoc-Kapsithun. »