Charles Bénard-Le Pontois

Charles Eugène Marie Pierre Bénard est né le 4 février 1864 à Redon (Ille-et-Vilaine). Son père Charles Eugène Adrien Bénard est chef de gare à Lorient pour la Compagnie d'Orléans. Sa mère, Marie Perrine Grouhel a pour sœur Marie Augustine Eugénie mariée à Ambroise Joseph Désiré Le Pontois.

Son père est muté à Bordeaux (Gironde) où il obtient son baccalauréat ès sciences.

En 1880, Charles Bénard entre à seize ans et demi à l'école navale.

En 1888, il démissionne de la Marine Nationale et devient Enseigne de Vaisseau de 1ère classe de réserve.

En 1897, il fonde à Bordeaux avec le commandant A. Hautreux, océanographe, la « Société océanographique du golfe de Gascogne1 », pour laquelle il effectuera nombre d'expéditions.


(1) En 1920 elle devient la « Société océanographique de France ».

En 1903, Charles Bénard est promu au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur, par décret du 22 juillet 1903, publié au Journal Officiel du 24 juillet 1903, pris sur le rapport du Ministre de la Marine, en qualité d'Enseigne de Vaisseau de réserve.

Extrait du Journal Officiel du 24/07/1903 page 4708.

En 1908, il part en mission en Arctique pour la « Société Océanographique » sur la goélette « Jacques-Cartier », une expédition sous le patronage de S.A.S. le prince de Monaco. Il part pour étudier les techniques de pêche en Norvège et Laponie, faire des relevés océanographiques en mer de Barents et effectuer des relevés géographiques en Nouvelle-Zemble. Des échantillons de la flore et de la faune locales sont prélevés pour enrichir les collections du Muséum d'Histoire Naturelle. Un étude anthropologique et photographique est menée auprès du peuple Samoyède.

En 1914, il retourne en Arctique pour des études géographiques et ethnographique auprès des Samoyèdes. Seul et à pied, il traverse toute la Terre de Lütke. Puis, assisté d'un guide samoyède, il parcourt en traîneau la « Terre des Oies » sur la côte occidentale de la Nouvelle-Zemble.

Il apporte son concours et/ou son soutien à de nombreux ouvrages scientifiques, même si pour certains de ses confrères, ses recherches manquent parfois un peu de rigueur...


Retour À la Royale

A son retour d'expédition, la France entre en guerre avec l'Allemagne. Les conscrits sont appelés. Les officiers de marine réservistes sont mobilisés.

Ainsi, en 1914, au début de la « grande guerre », l'Enseigne de vaisseau de 1ère classe Charles Bénard est affecté à l’État Major du Préfet maritime de Rochefort.

En 1915, il commande le torpilleur 360 de la division française de l’Adriatique.

Torpilleur 360 © Marius Bar


En 1914, septembre, il est nommé commandant de l'escadrille des dragueurs de mines de Toulon (Var) jusqu'à l'armistice. Ses états de services parlent d'eux-même : « Capitaine de Corvette, excellents services comme Commandant d'une division de dragueurs à Toulon. Trois citations dont l'une à l'ordre de l'armée. » Un titre de commandant (bien qu'il n'en eut pas le grade) qu'il tint particulièrement à garder.

   

L'escadre en rade de Toulon © B.C.

À Penmarc'h

En 1919, il emménage à Penmarch (Finistère). Il peut s'y consacrer pleinement aux nombreuses études archéologiques qui le passionnent. Il y fait connaissance de nombreux passionnés-fouilleurs-collectionneurs qui deviendront ses amis, tels Théodore Monot, les Du Chatelier, l'Abbé Fabret, le Dr Louis Capitan, etc. Nombre d'entre-eux habitent la pointe de Pors-Carn : Un nid de fouilleurs de la « bonne société » que certains appellent avec quelque ironie, la « colonie mondaine de Pors-Carn ».

La même année, meurt à Lorient, Louis Eugène Le Pontois, officier de Marine, ex-commandant du croiseur « Château-Renaud » et archéologue connu qui collabora, notamment, avec Pierre Du Chatelier. Charles Bénard vouait une grande admiration pour ce parent éloigné. Il ajouta donc le complément « Le Pontois » à son nom pour honorer son mentor. Il se fera appeler dorénavant «Commandant Charles Bénard Le Pontois. »

Croiseur rapide « Chateau-Renaud » © Reboux 

En 1920, Bénard, Favret et Monot découvrent la Nécropole de Saint Urnel (Saint Saturnin) en Plomeur.


Saint-Urmel - Sur les lieux de fouilles © Labo Archéosciences

Chrles Bénard du Pontois arbore
sa légion d'honneur - Wikipedia


La même année, Charles Bénard est promu au grade d'Officier de la Légion d'Honneur, par arrêté du 1er septembre 1920, publié au Journal Officiel du 2 septembre 1920, pour prendre rang du 16 juin 1920, pris sur le rapport du Ministre de la Marine, en qualité de Capitaine de Corvette.

Extrait du Journal Officiel du 02/09/1920 page 12862.


L'Homme


Charles Bénard est un homme soucieux de son apparence, hautain et solitaire, solitaire comme le sont nombre de scientifiques : La science, les recherches d'abord. C'est un meneur d'hommes, entreprenant et sensible aux honneurs.

Le Commandant Bénard Le Pontois cherche à fréquenter le beau monde. 
En 1920, Théodore Monot dit de lui : 
« De retour à Paris, le Cdt Bénard veut me faire faire la connaissance de S. Reinach et de M. Boule, l’anthropologiste. Je crois que si [le mot est souligné quatre fois par Monod] je me mettais hardiment à la remorque de Bénard, j’aurais les relations que je voudrais dans le monde de la pensée et de la science, et par là, bien des portes ouvertes »


Il aime aussi découvrir, apprendre, chercher, bouger. En 1920, Théodore Monot dit encore de lui : « Bénard, au point de vue des voyages, est très intéressant : il connaît Terre-Neuve ; les îles aléoutiennes, le Labrador, la Nouvelle-Zemble [!], la Russie, l’Algérie, la Tripolitaine, le Sénégal, l’Afrique orientale, le Brésil, la Colombie britannique, etc., etc. Il est spécialiste en pays arctiques et dans quelques années, il repartira pour longer la côte de Sibérie, la Russie au Kamtchatka. Il veut tout spécialement étudier la région du globe où le glaciaire n’a pas fondu ! »

A priori apprécié par nombre de ses collègues, Charles Bénard Le Pontois n'est pas aimé de la population à cause de son comportement, de son mode de vie et surtout de son attitude hautaine. 


Vie sentimentale

La vie sentimentale de Charles Bénard est, à l'instar du personnage, peu banale. Surtout pour l'époque.

En 1891, il quitte la Marine Nationale pour se marier avec une Bordelaise, Marie Suzanne Sursol.

Entre 1915 et 1917, il rencontre Mme Gabrielle Philippson-Goldschmidt dans la région Toulonnaise, pendant son service à la nation en guerre et la séduit. Gabrielle née à Bruxelles en 1880, est la fille de Franz Philippson, un riche banquier Belge. Gabrielle Philippson s'est mariée à l'ingénieur Belge Robert B. Goldschmidt en 1901. Quatre enfants naissent de cette union, Antoinette (o1901), Stéphanie (o1902), Edith (o1903) et Bénédict (o1905).

Une telle liaison fait scandale, mais les amants n'en ont cure.

En 1918, leur liaison « s'officialise », si on peut dire, à l'occasion de la naissance à Cannes, de leur premier enfant nommé Jacques.

Également en 1920, c'est la naissance de Charlotte, à Ville-D'Avray.

Le couple se décide enfin à clarifier leur situation matrimoniale.

Ainsi, en 1921, Gabrielle Philippson divorce de Robert Goldschmidt, puis achète la Villa « An Ty Didrous» (Maison de la tranquillité) à la pointe de Pors Carn.

An Ti Didrous © Tanniou


En 1922, Charles divorce de Marie Suzanne Sursol, dont il n'a pas eu d'enfant.
Charles Bénard fonde « Le Groupe Finistérien d'Études Préhistoriques ».
La famille de Gabrielle Philippson-Le Pontois, Lord Robert Mond, l'État (pour les plus importants) et quelques 200 autres donateurs s'associent en vue d'un projet de construction d'un bâtiment abritant les trouvailles du « Groupe  Finistérien d'Études Préhistoriques ».
C'est le début de la construction du Musée Préhistorique.

En 1923, Gabrielle (43 ans) et Charles (56 ans) se marient à Ville-d'Avray.
Gabrielle Phillipson est fortunée. De plus, les rentes annelles accordées par Franz Philippson à sa fille Gabrielle Philippson-Bénard Le Pontois permettent au couple de vivre confortablement. Grâce à ces largesse, le Commandant peut s'adonner pleinement à sa passion pour la préhistoire et les coûteuses expéditions.


Le Musée Préhistorique

En 1924, la première salle du musée et la bibliothèque sont inaugurées. Charles Bénard fonde l'association « Les Amis Du Musée ». 

Le Musée Préhistorique © Pierre

Le Musée Préhistorique © JL Guégaden


En 1925, les collections furent classées aux Monuments Historiques

En 1926, le Musée est agrandi. « Le Groupe Finistérien d'Études Préhistoriques » devient « L'Institut Finistérien d'Études Préhistoriques ».

En 1927, la deuxième salle est ouverte au public.

En 1928, le Musée est reconnu d'utilité publique. Le Commandant Bénard restaure les alignements de Lagatjar en Camaret-sur-mer.


Charles Bénard Le Pontois à Lagatjar


En 1929, il publie à son nom, une étude collective des membres de l'institut : « Le Finistère préhistorique ».
Charles Bénard obtient le poste de professeur à l’école d’anthropologie de Paris, en remplacement du Dr Louis Capitan, décédé cette même année.
  

Les germes du drame

Charles et Gabrielle ne s'entendent plus. Charles Bénard ne se rend pas compte (ou se moque) que ses voyages d'études, ses expéditions, ses absences prolongées pèsent sur la vie de Gabrielle et ses enfants. Un mari et un père qui n'est jamais là. Et probablement pas plus présent quand il est là. La science d'abord !

En 1931, Gabrielle et Charles divorcent.
Un divorce qui ne l'empêche pas de partir pour l'expédition « Cargo du désert », dans le Nord Sahara avec son ami Théodore Monot. L'expédition parcourt 10.000kms sur trois camions Laffly LC2 munis de moteur « diesel » CLM (2 temps, deux cylindres, 3 litres).


Théodore Monot

Laffly LC2

De retour de son expédition, Gabrielle Philippson lui signifie son intention de reprendre ses enfants. Malheureux de les perdre, il réalise qu'il va aussi perdre la généreuse pension alimentaire — 200.000 fr./an quand-même ! — que lui versait sa femme pour les enfants. 

Il est effondré. Il sera bientôt désargenté et seul.