Moulin de Kerameil

Miettes d'histoire

Selon de nombreux spécialistes de la meunerie, les premiers moulins à vent et à eau seraient apparus en France pendant le Moyen-Âge central1

Au Moyen Âge, les moulins dépendent d'un monastère ou d'un seigneur local qui doit disposer des droits de propriété ou d'utilisation du cours d'eau alimentant le moulin.
Par l'«Édit de Moulins» signé en février 1566 à Moulins, le roi Charles IX s'arroge des droits royaux sur les fleuves et rivières, tandis que les autres cours d'eau restent à l'Église et aux seigneurs locaux.   

De tous temps, un moulin doit être construit et entretenu par son propriétaire et mené par un meunier.

Toute céréale récoltée sur les terres du seigneur ou du monastère doivent être obligatoirement moulue dans ce moulin. Pour ce service (obligatoire!), les utilisateurs doivent s'acquitter d'un droit dit de «banalité» qui doit être versé au propriétaire du cours d'eau ainsi qu'au propriétaire du moulin (monastère ou seigneur) et au meunier (pour ce dernier, généralement 1/16ème des grains portés à moudre, prélevés en nature)

Ces pratiques ont perduré jusqu'au XVIIIème siècle, quand, suite à la Révolution de 1789 et à l'abolition des privilèges (4 août 1789), l'Église ou le seigneur se sont vus dépossédés de leur moulin, souvent revendu à son meunier...

L'âge d'Or des moulins à eau se situerait entre les XVIII et XIXème siècles.


Note KBCP :
(1) Pour situer l'époque, au temps des Croisades ! (soit entre 1096 et 1272 environ)
Pour autant, le roi mérovingien Dagobert 1er édita, dans un capitulaire en date de 632 «Si quelqu'un veut construire un moulin ou un quelconque barrage dans l’eau, qu’il le fasse sans nuire à personne. Mais si l’ouvrage nuit, qu’il soit détruit afin qu’il ne nuise plus.» Cette déclaration, traduite du latin, nous révèle que les premiers moulins seraient, en vérité, apparus au Haut Moyen Âge.
 

Traces :

La plus vieille trace de la présence de ce moulin de Kerameil1 , je l'ai probablement trouvée sur la carte dressée par les Ingénieurs Géographes (1771-1785), campagne de 1780, qui nous indique l'emplacement d'un réservoir à l'ouest des marais de la Joie. Le quartier de Kerameil tout comme le manoir de Kerameil n'y sont pas mentionnés.

Note KBCP :
(1) Ker (village) ar (du) meilh ou meil (moulin).

Pointe de Penmarc'h (1771-1785) © Bnf

Pointe de Penmarc'h (1771-1785) (détail) © Bnf

Une des « cartes générales des costes de Bretagne, comme elles paroissent de mer basse dans les plus grandes marées» dressée par François Le Neptune — édition 1693 — ne mentionne ni ne dessine de moulin à Kerameil. 

Carte générale des costes de Bretagne, comme elles paroissent de mer basse dans les plus grandes marées - édition 1693  © Bnf

Carte générale des costes de Bretagne, comme elles paroissent de mer basse dans les plus grandes marées - édition 1693  (détail) © Bnf

Un moulin à Kerameil n'est toujours pas mentionné lors de la publication, en 1764, du Volume 5 du « Petit Atlas Maritime» du cartographe hydrographe français, Jacques Nicolas Bellin.


Le Petit Atlas maritime de Jacques Bellin - 1764 © Bnf

Le Petit Atlas maritime de Jacques Bellin (détail) - 1764 © Bnf


Vestiges :

Pour le lecteur local, voici une capture Google Earth agrémentée de quelques annotations, lui permettant de mieux localiser les vestiges du moulin.

Photo satellite 2020 © Google Earth

Deux crapahutages à travers les marais couverts de roseaux, colonisés par de très nombreux ragondins et canards sont nécessaires pour accéder au réservoir et à l'étang.
La visite in-situ est — un peu — décevante. 

Comme à Keréon, on observe hélas aucun vestige visible du moulin, que ce soit sur les berges du ruisseau à proximité immédiate du réservoir ou à l'aval du réservoir. Ce n'est guère étonnant : Les moulins ruinés ou réformés voyaient leur bois récupéré et leurs pierres achetées par des carriers pour être revendues, les matériaux de construction étant chers.


Entrée de l'étang (1er plan) et du réservoir (2ème plan) vu de l'Est
© JL Guégaden 2022

L'étang vu du Sud-Est © JL Guégaden 2022

L'entrée du réservoir vu de l'Ouest © JL Guégaden 2022

 Le réservoir vu de l'Ouest © JL Guégaden 2022

Quel Type De Moulin À Eau À Kerameil ?

Les moulins à eau peuvent être de deux types, dits à retenue ou au fil de l'eau.
A Kerameil, la configuration du lieu, par son faible débit moyen d'eau et sa faible dénivellation, imposa la construction d'un moulin au fil de l'eau.


Pointe de Penmarc'h (1771-1785) (détail) © Bnf


L'eau provenant de la décharge de l'étang de la Joie arrive au moulin par un ruisseau. Or le débit et la vitesse délivrés par ce ruisseau ne sont pas suffisants pour éviter le chômage du moulin lors des disettes d'eau, particulièrement lors des mois d'été et des moissons d'automne.

Pour pallier à ces débits faibles et inconstants, les concepteur ont ajouté au circuit hydraulique, un réservoir épaulé par un étang plus ou moins naturel. La décharge de ce réservoir tampon et de cet étang ajoute un débit de réserve au débit naturel et variable du ruisseau, permettant un débit plus fort et constant pendant quelques heures.



Quelle installation à Kerameil ?


Ce paragraphe est basé sur des suppositions et déductions motivées par la logique, l'observation, les traditions et techniques meunières

Fonctionnement  de l'installation :

Le ruisseau qui vient de l'étang de La Joie (1) est dévié par une vanne motrice fermée (ou vanne ouvrière - 3) vers le réservoir et étang (2). Avec le temps, celui-ci se remplit : Son niveau monte en même temps que le niveau du ruisseau en amont de la vanne motrice.
La hauteur d'eau dans le ruisseau et le réservoir est régulée (limitée) par un trop plein (7) en aval de la roue.
Lorsque la vanne motrice est ouverte, l'eau se précipite sur la roue coursière (ou roue à aubes - 5) à travers un coursier (4), couloir de pierre servant à canaliser l'eau de course.

La plus ou moins grande ouverture de la vanne motrice (genre de batardeau de type guillotine) permet de régler la vitesse de la roue et donc la vitesse de la meule : Une vitesse plus ou moins grande de cette dernière permettra de délivrer une mouture de farine plus ou moins fine.

Une fois utilisée, l'eau est évacuée vers la Mer (6).

Dès la mouture terminée, la vanne motrice est complètement refermée, permettant ainsi au réservoir de se remplir de nouveau.

Note KBCP :

Un peu de Breton !
(0) Meilh dour ou millin dour (moulin à eau)
(1) Gwaezh dour (ruisseau)
(2) Stang (étang) ou poull dour (trou d'eau)
(5) Rod vras (grande roue)

Photo montage © JL Guégaden 2022

Une fois de plus, en suivant les rives, on ne trouve aucun vestige de la présence d'un moulin. On remarquera que cet absence de vestiges n'implique pas qu'il y ait pas eu un moulin à eau à Kerameil. Pour preuve, il n'existe pas de vestiges du moulin de Keréon, alors que la présence du moulin est avérée par les récits d'Ogée et la carte des Ingénieurs Géographes...

Disparition prématurée ?


Ce paragraphe est basé sur des suppositions et déductions motivées par la logique, l'observation, les traditions et techniques meunières

On peut supposer, en consultant la carte des Ingénieurs Géographes, que le moulin de Kerameil a disparu avant  celui de Keréon (toujours en activité en 1780), à moins que ce moulin fut oublié par les Ingénieurs Géographes...

  • Peut-être l'établissement du moulin de Kerameil fut-il un coup d'essai malheureux, tant des côtés physiques que techniques et remplacé alors plus avantageusement par Keréon ? 

  • Peut-être le moulin à eau de Kerameil fut-il remplacé par un moulin à vent : Un moulin à vent à Kerameil est mentionné dans le dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne (1778-1780), par l'ingénieur cartographe Jean-Baptiste Ogée. Or, la présence de ce moulin à vent n'est pas mentionné, en activité ou ruiné, dans la carte dressée par les Ingénieurs Géographes (1771-1785), campagne de 1780, pourtant très complète.

    Note KBCP :
    (1) Mars 2022 : In-situ, et après 4 jours sans pluie, je n'ai pas remarqué de débit significatif dans le ruisseau-canal amenant l'eau de la Joie au moulin.