Les Bigoudens De Pont-L'Abbé 
Et Les Pêcheurs De Penmarc'h Et De La Baie D'Audierne (Suite)

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Le Bourg

Penmarc'h est un joli petit bourg commerçant, possédant depuis peu un bureau de poste, de belles et spacieuses écoles et une église remarquable pour sa valeur et les souvenirs historiques qui s'y rattachent.

L’Église Saint Nonna

Cette église, la plus importante des six anciennes églises de Tréoultré, est d'un style gothique élégant quoique un peu lourd. Elle est placée sous le vocable de Saint Nonna ou Vougay, ou Nouna ou Nouga, archevêque d'Armagh en Islande, l'un des apôtres de la Bretagne, et qui vivait vers 520.

La net est accotée de bas-côtés et de chapelles latérales dont les fenêtres ont des meneaux flamboyants.

La sacristie, au chevet de l'édifice, est ornée de contreforts et de galeries flamboyantes; elle date de 1788. Partant de ce point, nous rencontrons de bizarres sculptures. D'abord une trompe que nous verrons près « d'un lévrier passant, sur les vitraux; un ange, soutenant un calice au-dessus d'un navire; un cadran solaire en ardoise avec fleurs de lys. Une porte latérale condamnée, assez bien ornée. La deuxième verrière est d'un aspect grandiose : le fronton qui la surmonte, orné de crosses fouillées et de deux cornières dont une chimère et un ange portant une banderole, est décoré au milieu, d'un grand navire à voiles armé pour la guerre et dans la mâture duquel sont des anges; des têtes de cheval (Penmarc'h). La première verrière près de la porte du cimetière, fort belle également, a ses cornières formées d'un saint accroupi, et d'une femme assoupie la tête dans ses mains.

Au dessus du porche latéral est une inscription en caractères gothiques, qui n'a jamais été heureusement traduite. Un auteur, que d'autres se sont empressés de copier, sans s'assurer même de l'exactitude de ses dires, la donnait ainsi :



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« En lonr sainct Nona, l'an mil CCCCCVIII, fut fondée ceste église, et la tour en l'an..... dont estoit recteur Kérugon. »

Jusqu'en1893, on l'accepta telle, ou du moins ceux qui écrivirent sur Penmarc'h, ne crurent rien avoir à y changer, jusqu'à ce que M. Ducrest de Villeneuve, en donnât une nouvelle traduction ainsi conçue :

« Le jour sainct René, l'an MCVIII fut fondée ceste église, et la tour en l'anée MCVIIII, dont estoit recteur Kérugon. »

Voici donc une seconde traduction exacte comme données, mais qui n'est pas la véritable. Ce fut un grand pas vers la réalité, mais il est regrettable que le libellé en soit défectueux.

M. Le Coz, recteur de Penmarc'h, m'a prié de rectifier une erreur d'imprimerie qui lui fait dire: « Le jour sainct Jean. » alors qu'il fut un les premiers à déchiffrer ce mot René. J'ai passé une première fois, près d'une demi-heure à lire cette date de la construction de la tour, sans être absolument fixé, mais un second examen fait après le soleil couché, m'a permis d'y trouver la phrase et les dispositions suivantes, que je certifie exactes :

Jour sainct rené l'an mil CCCCCVIII fut fondée ceste église : et la tour en l'an m. D neuff: dôt estoit recteur Kugon.
M (mil) d ou D (cinq cents) neuff (neuf), 1509 date exacte de la fondation de la tour.

Deux irrégularités se sont glissées dans la traduction de M. Ducrest de Villeneuve : d'abord M C ne donnent qu'un total de 1100 tandis que mil CCCCC, existant du reste sur la plaque commémorative, donnent une valeur de 1500. L'expression « anée suivante » ne figure pas sur la plaque ou se trouve « l'an ». Quant à Kerugon, on sait que le K barré ou non, devant un nom, est employé en Bretagne, comme abréviatif de Ker.



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La tour carrée à l'extrémité ouest de la nef, d'un effet imposant avec ses curieuses sculptures presque enfantines, n'a jamais été achevée. Le portail au pied de cette tour garnie de contreforts, est formé d'arcades en ogives enrichies de feuilles de vignes. De chaque côté on peut voir des navires sculptés. Entre les deux portes à arcades rondes ornées, est une niche à base d'anges entre deux supports.

A remarquer dans la fenêtre de la façade du bas côté à gauche du portail, trois grandes fleurs de lys découpées dans la pierre supportant le vitrage, et qui durent être d'une grande difficulté d'exécution. La deuxième verrière a des cariatides disparates : un ange avec une banderole, et un homme se grattant la fesse. Au milieu de ce fronton est une sirène reconnaissable à sa queue de poisson ; les marins l'appellent une Mary-Morgant. Tous les navires de forme bizarre et d'après le modèle des navires des XVe et XVIe siècles attestent que cette église fut érigée par la munificence des armateurs de Penmarc'h. De ce côté on voit de beaux vitraux et sur l'un d'eux, des marins en prière pendant la tempête : au loin une chapelle dont la silhouette a un peu de celle de N. D. de la-Joie.

Un très beau reliquaire et un joli calvaire se voient derrière l'église.

Intérieurement les proportions de l'édifice sont choquantes. La nef est bien trop large et parait écrasée par les voûtes. Les arcs en ogive, reposant sur des piliers sans chapiteaux sont lourds. La maîtresse vitre dut être remarquable par la beauté de ses vitraux, qui représentaient des scènes de la vie du Christ et de la Passion. Les soufflets contiennent encore les armoiries des puissantes familles bretonnes qui contribuèrent à ériger cette église ; entr'autres les armes de France Bretagne, en supériorité; le 2° soufflet est brisé ; le 3° du Pont-Rostrenen ; puis du Pont-Evreux-Navarre-Rostrenen-Rohan (de Foix) ; du Pont-Rostrenen-Bretagne (de Brosses) ; Foucault-Languéouëz; Foucault-Trégallet (1)... Lezongars ; Cossé-Brissac (?) coupé de..... et du Pont.

A la chapelle de Saint-Joseph, on voit, ou plutôt on devine

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(1) C'est comme seigneur de Trègallet en Trèguennec, que le vicomte de Rohan et de Leon, bienfaiteur de l'église de Penmarc'h avait ses armes.



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les armes du Pont et de Rostrenen, Kervéréguin, et L'Honoré.

À la chapelle du Rosaire est un tableau : La Procession des Cardinaux, plus connu sous le nom de Vœu de Louis XIII (1). On y voit le Roi, la Reine et le Dauphin, depuis Louis XIV, accompagnés du cardinal de Richelieu. On reconnaît parfaitement l'église de Penmarc'h, représentée avec exactitude.

En avant du chœur, adossées aux gros piliers dont l'un contient un escalier menant au petit campanile, sont deux monumentales statues dans le genre XVIIIe s. représentant Marie-Mère-de-Dieu, et saint Corentin. Les supports sont d'une finesse excessive,la base surtout en est curieuse, car on y voit des lapins, des souris, serpents, crapauds, fouines, raisins et feuilles d'acanthe, tout cela d'une exquise joliveté. Le fût supporte des armes épiscopales. Elles furent commandées ainsi que les supports pour la cathédrale de Quimper qui les fit imposer à Penmarc'h, en échange de deux statues en albâtre de Saint Jean et de Saint Georges qui se trouvaient


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(1) Grand nombre de personnes. accomplissent le Vœu de Louis XIII sans connaître le fait qui le provoqua.
Le Roi de France, marié depuis vingt ans à la belle Anne d'Autriche, n'avait pas d'enfant : grande était la douleur du couple royal ; par le conseil de Saint-Vincent de Paul, Louis Xlll réclama des prières publiques, et la naissancede Louis XIV vint réjouir la France mise sous la protection de la vierge par le pieux monarque. Comme marque de profonde reconnaissance, Louis XIII fit reconstruire le maître-autel de Notre-Dame de Paris et institua en outre pour le jour de l'Assomption une procession commémorative.                                                                                                                              (B de N)

La version relative au vœu de Louis Xlll, exacte comme fond. le serait moins en détails, d'après une pièce que j'ai eue sous les yeux et qui émane de la Reine Anne d'Autriche. Elle est adressée à « Très chers et bien-améz les doyens, chanoines et chapitre de « l'église collégiale de Notre-Dame du Puy en Anjou » datée de Saint-Germain en Laye, le 28eme aoust 1640, signée Anne et contre-signée Le Gras. Par cette lettre, la Reine demande qu'on veuille lui faire apporter une seconde fois la miraculeuse ceinture de la Vierge, qui avait été donnée par le patriarche de Jérusalem au duc d'Aquitaine, Guillaume Vl. et qu’il avait déposée à son retour de Palestine, dans l'abbaye de N.D. du Puy qu'il fit construire à cet effet. Cette ceinture faite par la sainte Vierge était composée d'un tissu en laine de couleur gris de lin avec de petits filets de soie tracés par dessus. Le roi Louis Xl qui avait une dévotion particulière pour la mère de Dieu, fit placer cette ceinture dans une châsse de vermeil. Déjà, lors de la première grossesse de la Reine, l’Aumônier du Roi (suite page suivante)



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à Kérity, qui furent amenées à Penmarc'h St Nonna, et qu'on peut voir maintenant aux fonts-baptismaux de la cathédrale de Quimper.

Sous le bas-côté droit, sont six tombes à arcades, dont l'une est décorée des armes du sieur du Héllez, de la maison de Penmorvan. On y voit aussi une cheminée qu'on aurait construite - d'après M. l'abbé Le Coz - pour préparer les aliments en temps de siège. Ce motif ne m'a pas paru invraisemblable, sachant que, lors des ravages du brigand Fontenelle, les gens de Penmarc'h se comportèrent de telle sorte dans l'église, que le chanoine Moreau considère leur massacre comme une manifestation de la colère divine.

Il existe aussi dans l'église, plusieurs bénitiers en kersanton, dont l'un de 1614 porte sur sa base un écusson: Pour les Trépassés - B. Flamanc AB. Un autre de 1621 donné par A. Lecoguen, et un plus petit de 1617. - Dans le bas-côté gauche, on voit sur un pilier, près de l'entrée, plusieurs barques

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(Suite de la page précédente)
Louis Xlll. Louis de Beinage, était venu en Juillet 1638 de la part du Roi demander à tout le chapitre du Puy, la Sainte Ceinture et la faire toucher à des rubans de même longueur. afin que la Reine en les mettant sur elle, pût obtenir par l'intercession de Marie, la grâce d'accoucher heureusement d'un Dauphin.

Louis Xlll pendant la grossesse de la Reine, fit apporter en grande pompe la Sainte Ceinture au Puy, et à cette occasion écrivit une lettre de remerciement par laquelle il déclarait faire don d'un reliquaire d'argent vermeil doré à jour, orné d'une image de la vierge avec une cassette d'or, dans lesquels la ceinture dans un étui de velours fut déposée. Cette lettre également datée de St Germain en Laye, 26 mars 1638 est signée Louis et contre-signée Sublet. Des prières universelles furent dites. pour l'heureuse délivrance de la Reine et la procession de l'Assomption instituée cette même année.

Pour ce qui est du sentiment allégorique du tableau de l'église de Penmarc'h, quelques personnes veulent y voir une cérémonie qui aurait eu lieu à Penmarc'h et à laquelle assistaient le Roi, la Reine, le Dauphin, Richelieu et d'autres cardinaux. Ces personnages ne seraient-ils plutôt placés là, que pour rappeler la fondation de cette solennité faisant ainsi partie fictive de l'œuvre ? Il resterait comme tableau de fond la procession à Penmarc'h au temps de la splendeur de cette ville.

Bien que la baronnie du Pont ait appartenu à la Famille de Richelieu. en la personne d'un neveu du cardinal, rien ne justifie la présence de celui-ci à Penmarc'h, et encore moins celle de la famille royale et du Sacré Collège.
(G. P. de R.).