Les Bigoudens De Pont-L'Abbé 
Et Les Pêcheurs De Penmarc'h Et De La Baie D'Audierne (suite)

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seulement à la politique des barons, mais encore à la population de la ville. C'est une paroisse tout en dehors du district bigouden, qui fait bande à part, et dont les femmes (Kérity), n'ont même pas la coiffe du pays. Si aujourd'hui elle est pacifiée, unie intimement au canton de Pont-l'Abbé, il est présumable que ce ne dut pas s'être fait sans peines.

Voici d'après le Chevalier de Fréminville, et quelques autres auteurs, quels furent les derniers jours de l'opulente cité de Kérity et de Treoultré-Penmarc'h.

Fontenelle à Penmarc'h

Fontenelle s'appelait de son vrai nom, Guy Eder, et il était d'une branche cadette de la maison de Beaurnanoír-Eder, laquelle ne doit pas être confondue avec l'illustre maison des Beaumanoir, maréchaux de Bretagne, qui était de la paroisse de Bothoa. Il se mit en 1589 à la tète d'un ramassis de populace armée soi-disant dans l’intérêt de la Ligue, mais à la vérité dans celui du pillage...

« Quoiqu'il n'eût alors que seize ans, ses compagnons lui obéissaient volontiers ; le nom de sa famille, son caractère actif et déterminé, joints à quelques talents militaires, lui donnant un grand ascendant sur ces bandits.

« Il prit le titre de baron de Fontenelle, maison noble de son patrimoine ; débaucha plusieurs des serviteurs de son frère aîné, brave et honorable gentilhomme que sa conduite couvrait de honte ; enfin plusieurs autres jeunes gens de famille, aussi mauvais sujets que lui, étant venus le rejoindre Fontenelle se trouva à la tète d'un corps de troupe assez considérable pour se livrer aux entreprises les plus audacieuses et rendre son nom la terreur de la Basse-Bretagne.

« Il commença par piller et rançonner les bourgs et les villages ; et quoiqu'il eut arboré l'étendard de la Ligue, il faisait indistinctement des prisonniers parmi les Ligueurs ou les Royalistes, s’inquiétant peu de la couleur de leurs écharpes pourvu qu'il pût en tirer de bonnes rançons. Il partageait son butin avec tous ses gens ; de sorte que l'espoir



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de s'enrichir avec lui amena sous son drapeau une foule de gens sans aveu, de brigands et de voleurs.

« Sa troupe ainsi grossie, il conçut le projet téméraire de s'emparer de la ville de Guingamp pour s'en faire une place de sûreté. Cette entreprise ayant été déjouée par la vigilance du sieur de Kergomar, il tourna ses vues vers le château de Coat-Frec, vers Lannion, et s'en empara. »

Il ravagea et pilla Lannion et Paimpol, puis surprit la ville de Landerneau. Les habitants se sonlevèrent et appelèrent à leur aide les gens de Tréguier. Fontenelle se réfugia à Coat-Frec où la garnison de Tréguier vint l'assiéger. Il capitula et rendit son château à condition d'avoir avec tout son monde, vies et bagues sauves. Il abandonna alors le Léonais et vint en Cornouailles. Carhaix excitait ses convoitises ; il marcha sur cette ville, s'en empara et se fortifia dans l'église de Saint-Tromeur. Il commit de tels désordres, que les habitants de Châteauneuf du Faou, implorèrent contre lui la justice du duc de Mercœur. gouverneur de la province, et généralissime de la Ligue en Bretagne. Ce prince parvint à le faire arrêter et son procès allait s'instruire lorsque Mercœur fut appelé au secours de Craon assiégé par les royaux et prêt à capituler. N'ayant que peu de troupes disponibles, il prit un arrangement avec Fontenelle auquel il accorda la grâce, et qui lui céda ses gens. Dans cette circonstance, Fontenelle agit loyalement, fit preuve d'une grande valeur et s'acquit la réputation d'un grand capitaine.

Mais ses instincts de brigand reprirent le dessus ; aussitôt cette campagne achevée il revint à Carhaix, reprit possession de son poste de Saint-Tromeur et terrorisa de plus belle toute la région.

Il put s'emparer de Douarnenez, prit possession de l’Île Tristan et là, sema l'épouvante et l'indignation dans toute la contrée environnante par ses cruautés. Des paysans se soulevèrent en masse, se réunirent en grand nombre à Plogastel-Saint-Germain et marchèrent de là sur Douarnenez. Par une feinte hardie, Fontenelle simulant une retraite, amena une division dans la troupe des paysans qui se trouvèrent alors en déroute. Les brigands de Fontenelle les poursuivirent alors et on en fit un si grand carnage, qu'au



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dire des historiens contemporains, quinze cents paysans restèrent sur la place.

« Il ne restait plus en Basse-Bretagne, que Fontenelle à tenir le parti de la Ligue. Tous les autres capitaines voyant partout les armes d'Henri IV victorieuses, avaient successivement fait leur soumission. Il demeura en rébellion et se cantonna plus que jamais dans son fort de l'Ile-Tristan pour la construction duquel il avait fait démolir presque toutes les maisons de Douarnenez. Il se considéra dès lors comme un grand seigneur et vécut dans son île avec le plus grand faste, se faisant appeler Monseigneur. Il leva des contributions, pilla sur terre et sur mer, fit courir ses navires sur tous ceux qui portaient pavillon blanc, ainsi que sur les Anglais et les Irlandais.

« Il vint étaler son luxe et son orgueil devant le duc de Mercœur alors retiré à Nantes.

Il se vêtit magnifiquement et se présenta devant ce prince avec un riche manteau de velours brodé d'or et fourré d'hermine orné d'une agrafe en pierreries, de-telle valeur qu'un roi, - dit Moreau -, n'eut su en avoir de pareille à son sacre. Le duc de Mercœur en le voyant, lui dit avec ironie :

« M. de Fontenelle, combien de gens ont aidé à payer ce beau manteau? Pour toute réponse il ne fit que rire, tant le besoin que la Ligue expirante avait de ses services lui assurait l'impunité.

Il avait laissé pendant son absence, le commandement de l'Ile-Tristan à son lieutenant nommé La Boule, qui s'aboucha avec les royalistes pour leur livrer la place ; mais l'arrivée inopinée de Fontenelle vint déjouer ce complot. Tous ceux qui y avaient pris part, furent jetés à la mer et noyés.

Voici maintenant ce que le Chevalier de Fréminville dont l'ouvrage, rapproché des autres travaux se rapportant à Penmarc'h, m'a paru être le plus complet, dit du séjour de Fontenelle dans cette localité.

«... Penmarc`h était encore opulent à l'époque de la Ligue, par son grand commerce maritime. Les richesses qu`il renfermait, tentaient fortement Fontenelle ; mais il savait que sa population, entièrement composée de marins braves et déterminés, se tenait sur ses gardes, et que pour


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mieux lui résister au besoin, elle avait fortifié l'église de Tréoultré et une maison forte de Kérity, dans laquelle ils avaient renfermé tout ce qu'ils avaient de plus précieux. Il ne désespéra pas, pourtant d'en venir à bout; mais il voulut auparavant s'assurer par lui-même des obstacles qu'il aurait à vaincre. Pour cela, il se rendit à Penmarc'h, suivi seulement de sept ou huit des siens, tous déguisés en paysans. C'était un jour de fête; les habitants du lieu étaient à se divertir. Fontenelle se mêla parmi eux, et comme s'il eût été de leurs meilleurs amis, il se mit lui et ses gens, à boire et à jouer avec eux aux quilles et à la boule, ne laissant pas de faire en même temps toutes ses remarques.

« Sa témérité cependant, pensa cette fois lui coûter la vie ; quelqu'un le reconnut et en ayant aussitôt averti quelques habitants, ils résolurent de le tuer et de profiter d'une si belle occasion de se débarrasser une bonne fois, d'un homme qui était le fléau du pays. Ils furent détournés d'exécuter cette résolution par le principal armateur de Penmarc'h qui avait dans la ville une très grande influence ; il représenta à ses concitoyens que s'ils massacraient ainsi Fontenelle, sans aucune provocation de sa part, ce serait s'exposer à de terribles représailles de la part de ses troupes, qui voudraient bien sûrement venger la mort de leur capitaine. Ce raisonnement les persuada et ils laissèrent ce scélérat se retirer paisiblement. On va voir s'ils n'auraient pas mieux fait de suivre leur premier mouvement.

Fontenelle ayant bien reconnu les lieux et pris toutes ses mesures; ayant vu surtout, que cette fois encore, il aurait affaire à des gens qui, quoique braves. n'entendaient rien à l'art militaire et donneraient facilement dans quelque piège, retourna quelques jours après à Penmarc'h, à la tète d'une bande nombreuse.

A son approche, les habitants sonnèrent l'alarme et se réfugièrent dans leurs forts. Fontenelle attaqua d'abord celui de l'église, ou il y avait le plus de monde. Dans le premier moment il eut le désavantage; ceux du dedans, bien retranchés, arquebusèrent ses soldats sans qu'il pût leur faire le moindre mal. Comme il manquait d'artillerie, il vit bien qu'il ne pourrait, du moins sans grande perte, les réduire de vive force. Il eut alors recours à la ruse, genre


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de guerroyer dans lequel il était passé maître : il offrit aux gens de Penmarc'h de se composer avec lui ; le feu cessa et on se mit à parlementer. Fontenelle employait fréquemment la tactique qui consistait à offrir ses services lorsqu'il était trop faible ou à leurrer ses adversaires par des promesses mensongères.

« Fontenelle, dit le chevalier de Fréminville, les amusa de paroles le plus longtemps possible et les pauvres gens ne s’aperçurent pas que pendant ce temps, il faisait filer un gros détachement par derrière l'église, pour attaquer une fausse porte qu'ils avaient dégarnie, ceux qui la gardaient, étant venus sur la plate-forme du clocher pour entendre ses belles propositions. Ce détachement enfonça cette porte de derrière, entra dans l'église et y massacra la plus grande partie de ces idiots (sic) ; les autres furent pris à discrétion. »

Moreau, dit que cette extermination des gens de Penmarc'h, fut une punition du ciel parce qu'ils avaient fait de l'église un lieu de débauche, y avaient établi leurs lits, y buvaient, mangeaient et s'y livraient à de scandaleuses orgies.

Fontenelle mis en goût par une victoire aussi facile, marcha sur la maison forte de Kérity ; ceux qui la gardaient, effrayés du sort de leurs concitoyens, se rendirent sans coup-férir et seulement à condition qu'ils auraient la vie sauve. Cette expédition procura à Fontenelle un butin si considérable qu'il fallut - d'après M. de Fréminville- trois cents barques pour le transporter dans son fort de l’Île Tristan. De plus, il emmena tous les hommes valides de Penmarc'h, les incorpora dans ses troupes et s'arrangea de façon à laisser cette ville dans l'impossibilité de se ravitailler, craignant surtout qu'elle redevint une place forte capable de lui fermer le passage de cette région fertile et riche.

Nous avons vu ces mêmes habitants de Penmarc'h unis aux gens de Douarnenez et de Concarneau, venir mettre le siège sous Pont-l'Abbé.

Revenons à Fontenelle : Cependant Henri IV, indigné de l'audace de ce brigand, et plus encore de ses cruautés, fut très mécontent du gouverneur de Quimper, le capitaine Du Pré, qui avait fait preuve en cette circonstance d'une



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faiblesse révoltante. Il lui reprocha de n'avoir pas tout tenté pour s'emparer de sa personne, et surtout de lui avoir donné le temps de se retrancher comme il l'avait fait dans l’Île qui lui servait de repaire, sans aucun effort pour l'en empêcher.

Du Pré, étant allé faire un voyage à Paris, le Roi lui exprima son mécontentement de cette conduite, avec la plus grande sévérité ; il était même si irrité de son indolence en pareille occasion, qu'il fut au moment de le faire arrêter et de lui faire faire son procès par un conseil de guerre.

Il se laissa fléchir par les marques de repentir de Du Pré et surtout par la promesse solennelle qu'il fit, de se conduire désormais d'une manière plus digne d'un soldat.

Fontenelle porta ailleurs ses exploits, tint tête aux garnisons de Guingamp, du Fort-Lalatte, de Tonquédec, de Lannion, Morlaix, Tréguier, Concarneau et Kemper réunies et renforcées de trois compagnies de Suisses. Après une reprise heureuse de Penmarc'h, par les troupes royales, tous les soldats que Fontenelle y avait laissés, furent pendus sans miséricorde. Pour se venger de cette irréparable perte, Fontenelle, aidé par un capitaine Du Clou, de la garnison de Quimper, qu'il avait acheté son poids d'or, vint mettre le siège devant cette ville puis mit à sac la ville de Pont-Croix, semant l'épouvante et la ruine sur son passage. Tant que ses représailles se bornèrent à des tueries, pillages, incendies et autres faits appartenant à la tactique militaire de cette époque, ses actes ne tombaient sous le coup des Lois, qu'autant que sa personne eût été livrée au bras séculier. Le prendre par surprise ou de vive force n'était pas facile, car il se tenait sur ses gardes et s'était constitué une garde-de-corps qui lui était dévouée. Lorsque le Roi eut fait proclamer une amnistie générale pour tous les anciens chefs de la Ligue, Fontenelle argua de ce titre, pour se mettre hors des atteintes de la justice.

Il eut joui des prérogatives d'un chef pour lequel la Fortune s'était montrée généreuse, si, une vengeance qu'il voulut exercer, ne fut, par ses suites, la cause de sa perte. Ayant à se plaindre des habitants de Pont-Croix qui subissaient avec impatience le joug de ce bandit, il s'en prit à un des seigneurs du pays et fit outrager par ses gens la dame de Ville-Rouaut. Cette vilaine affaire, sur les plaintes de la


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dame, de sa famille et de toute la noblesse de la contrée, le rendit inapte à bénéficier de l'amnistie générale accordée par Henri IV aux Ligueurs. Ce ne fut plus comme guerrier qu'il fut considéré, mais comme- un brigand dont il fallait se débarrasser. Aussi bien, ses crimes antérieurs méritaient un châtiment exemplaire.

Il fut condamné à être rompu vif, et l’arrêt fut exécuté en place de Grève à Paris, le 27 septembre 1602.

Il avait préalablement subi la question ordinaire et extraordinaire ; ses membres ayant été brisés sur la roue, il y languit pendant six quarts d'heure et expira.

Sur la côte de Penmarc'h, à quelques mètres de Toul-Ifern, près de la grotte de Philopex, les gens du pays montrent un rocher creux, ou plutôt une petite excavation dans laquelle, d'après les traditions, Fontenelle demeura caché pendant deux jours, lorsqu'il vint détruire Penmarc'h.

Quant à Philippe-Emmanuel de Vaudemont, duc de Mercœur, beau-frère du Roi Henri III, nommé par celui-ci chef de la Ligue en Bretagne, - dont il a été plusieurs fois question dans cet ouvrage,- bien qu'il se fut flatté de régner sur cette province, il se décida à se réconcilier avec Henri IV. Il se rendit au château d'Angers où était le Roi et il fit sa soumission qui fut cimentée par le mariage de sa fille avec César de Vendôme, fils de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées. Ce mariage fut célébré dans le château.d'Angers au milieu d'une cour brillante, et le cardinal de Joyeuse, donna sa bénédiction aux deux époux. (7 mars 1598.)

On peut encore aujourd'hui se rendre compte de l'importance que dût avoir Penmarc'h, les ruines qui sont demeurées comme une attestation de sa dernière splendeur. On prétend que Treoultré et Kérity étaient reliés par une grande allée plantée d”arbres, presque complètement bordée par des maisons, manoirs et hôtels fortifiés. On en voit encore plusieurs : Pors-ar-Gosquer, Pénity, Pors-Lambert, Pénarpont, les douanes de Kérity et surtout Kerfézec entre Saint-



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Pierre et Kérity, pour ne parler que des plus importants.

Les personnes initiées à la langue bretonne, se rendent facilement compte de la signification des noms de plusieurs hameaux qui commencent par Ru et par Pors, notamment : Ru-Saliou, Ru-Bacchus, Pors-ar-Gosquer, Pors-Lambert, Pors-ar-Spagn etc... Si Kérity n’eût été une ville florissante, les noms suivants n'auraient pas lieu d'être : Mardhaden-ed ; Pen-ar-guer ; Pen-ar-Pont, etc... Plusieurs des chemins qui serpentent parmi les décombres de Kérity, portent encore des noms de rues attestant l'importance que dût avoir la ville. On y trouve la grand'rue, la rue des Marchands, larue des Argentiers, la rue des Orfèvres, la rue des Sculpteurs, la rue du Port. etc.

Une personne digne de foi, m'a affirmé que des travaux agricoles ont mis a jour d’importantes fondations de maisons tombées en ruines et dont les pierres à fleur de terre ont été enlevées et utilisées à des constructions modernes. Il arrive que à chaque instant on découvre des emplacements d'édifices, que les terres et les herbes vivaces ont depuis longtemps recouverts.

Je ne parle pas des sept églises et chapelles qu'on voit encore sur la paroisse et qui, à elles seules, seraient suffisantes pour attester l'importance qu'elle eût jadis.

D'autre part,Kérity était reliée a l'extrême pointe ouest, où est Saint-Pierre, par le quartier de Kervily, où l'on trouvait. -- d'après M. Ducrest-Villeneuve, 19 hôtels et 9 fours à cuire. C'est en face de Kervily qu'on retrouve particulièrement les traces des cales, des jetées et des escaliers construits avec d'immenses pierres de taille qui indiquent d'une manière certaine l'emplacement de l'ancien port.



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La mer a considérablement modifié toute la côte sur ce point. L’Île des Étocs qui abritait le port, n'est plus qu'une chaîne discontinue de rochers isolés. Elle semble être la continuation du plateau sous-marin qui relie Belle-Ile, Groix, en passant par les Glénans, les Îlôts Nonna et Conk qui protègent le port actuel de Saint-Gwénolé contre les vagues furieuses qui viennent du large Elle fut autrefois habitée, car sur certaines de ses parties, il n'y a à la basse mer que deux brasses d'eau, et on distingue parfaitement des restes de constructions. Les anciens marins disent avoir vu au large entre Le Guilvinec et Penmarc'h, des pierres druidiques à quinze ou vingt pieds de profondeur. Il n'y a pas à s'étonner de ces écueils cachés, lorsqu'on sait que dans les trois kilomètres qui séparent les Étocs de Kérity les fonds changent cinquante-deux fois de niveau, avec des écarts de 3 mètres à 190 mètres. Encore n'est-il question que de la roche.

« La mer,-- dit M du Chatellier, -- a beaucoup gagné sur ce point de la côte. J'ai en effet fouillé à la grève, les substructions d'une villa romaine, qui ne découvrent qu'aux basses mers et j'ai un vase romain péché dans ces substructions en petit appareil qui aujourd’hui a huit ou neuf cents mètres de la terre, sont sous la mer qui ne les découvre jamais. »


Penmarc'h et Plomeur
par François Coppée

Mon article sur Penmarc'h était rédigé lorsque parut dans « Le Journal » du 1 Juin 1893 une impression du Maître Francois Coppée, intitulée En revenant de Quimper et de laquelle j'extrais les passages suivants parce qu'ils appuient mes dires et sont, pour ainsi parler l'expression de mes sentiments sur le caractère de mes compatriotes :

« Me trouvant à Quimper, si près de l'océan, j'ai tenu a lui présenter mes hommages et dimanche dernier j'ai loué une carriole et suivi la route de Pont-l'Abbé, Penmarc'h et Saint-Guénolé. Mais le temps était trop beau. C'est par là



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tempête, c'est sous un ciel où le « noroit » chasse et bouleverse les nuées qu'il faut voir ce pays, le plus farouche de toute la Bretagne. Néanmoins, même par le calme, on sent bien qu'ici le vent marin est le maître et seigneur. C'est lui qui a incliné de l'ouest à l'est, les haies d'ajoncs fleuris. C'est lui qui a tordu, dans la même direction, les rares arbres de la lande. C'est lui qui a rangé et vermiculé les murailles des maisons, les vieilles croix de pierre des chemins.

« C'est sous son effort de tant de siècles que les monstrueux rochers de l'Anse de la Torche ont été usés et blanchis comme des ossements, par les lames furieuses.

« L'autre jour, le paysage n'avait point son aspect tragique. Le ciel bleu. Pas un souffle. Devant le « Saut du Moine », où, par les gros temps, la mer déferle avec un bruit tel qu'il s'entend jusqu'à Quimper, s’écoulait le chant des alouettes. Bien que la marée montât, à peine une mince frange d'écume argentée entourait les récifs. Et la mer était d'un azur clair, transparent, avec de longues traînées d'un violet sombre, çà et là. Presque la Méditerranée.

« C'est pourtant ici la fameuse côte des naufrageurs, des pilleurs d'épaves, qui fixaient une torche allumée entre les cornes d'une vache et la faisaient courir sur la grève, afin que les navires en détresse, trompés par ce signal, se perdissent sur les écueils. Aujourd'hui, - hâtons-nous de le dire, - leurs descendants sont devenus les intrépides canotiers du bateau de sauvetage. Le progrès existe quelquefois, j'en conviens. »

La déclaration du Maître qui n'avait aucun intérêt à affirmer autre chose que ce qu'il a pu constater, suffirait déjà a détruire cette légende d'un autre âge, des pilleurs d'épaves de Penmarc'h. Cette exécrable réputation ne doit plus exister qu'à l'état de pénible souvenir, et ces marins ont par leur courage et leur dévouement, suffisamment racheté les fautes de leurs pères, réparé les désastres que ceux-ci ont pu connaître en enlevant à la mer des victimes qui sans eux y fussent demeurées, pour


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jouir maintenant de ce renom d’honnêtes gens applicable aux marins du littoral breton.

François Coppée s'arrête ensuite à Plomeur ...

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