LE PHARE D'ECKMUHL (fin) - APRÈS L'INAUGURATION
                                                    Faits divers et anecdotes

Suite à l'inauguration du phare, quelques faits divers et anecdotes ont émaillé l'actualité locale.

Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 24 Octobre 1897

Penmarc'h. — Noyé. — Mercredi à 2 heures du soir, les enfants qui couraient la grève et cherchaient des bigorneaux près de la chapelle de la Joie, à environ quatre cents mètres au nord du phare d'Eckmühl, ont découvert la cadavre d'un noyé qui a été reconnu peu après pour être celui d'un nommé Tanneau Guillaume, connu au pays sous le surnom ironique de « maire de Saint-Guénolé ». Cet homme avait dû se rendre dimanche, à l'inauguration du phare, et, ayant bu plus que de raison, se sera couché en un point que la mer couvre journellement.  




Grève de la Joie (au fond, le phare) © Villard

Journal l'Union agricole et maritime, article du 27 octobre 1897

Quimper. — Le phare d'Eckmühl. — Nous regrettons vivement d'avoir omis dans notre compte rendu de l'inauguration, ce détail très important, à savoir, que la magnifique rampe en bronze de l'escalier dont on a très admiré le travail fini et fort bien ouvragé, sort des ateliers de M. Charles Lorit, constructeur mécanicien à Quimper, ancien élève de l'école des arts et métiers d'Angers.  

Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 5 novembre 1897

Penmarch. — Tumulte. — A l'occasion de l'inauguration du phare d'Eckmühl, un sieur Hoffmann Louis, 50 ans, propriétaire d'un manège de chevaux de bois, sans domicile fixe, se disant né dans le grand duché de Luxembourg, s'était rendu à Penmarch avec son manège, où il était resté environ une dizaine de jours. Au moment de son départ, pour Audierne, le 26 octobre, vers onze heures et demie du matin, des difficultés surgirent au sujet du règlement de l'écurie, entre le sieur Hoffmann et Le Floch Hervé âgé de 51 ans, cultivateur à Saint-Pierre ; une bagarre s'ensuivit. La voiture était attelée de deux chevaux ; l'un d'eux, aveugle, fut dételé et attaché à une maison. Hoffmann et le personnel qui l'accompagnait, ne pouvant obtenir le cheval, lancèrent, dans la foule, cinq ou six chiens leur appartenant et qu'ils excitèrent à mordre.

Vers six heures, les saltimbanques persistant à vouloir partir sans régler et à atteler leurs chevaux, le sieur Le Floch s'y opposa et saisi la bête aveugle, d'un côté, par la bride, tandis que les forains la tenaient de l'autre. A ce moment ils lancèrent de nouveau leurs chiens, sur la foule, et l'un d'eux mordit l'animal à la queue et aux jarrets.

Affolée, cette bête se débarrassa de ceux qui la tenaient et se mit à courir poursuivie par le chien. Elle atteignit plusieurs personnes, qui heureusement en furent quittes pour des blessures sans gravité ; elle se blessa à son tour à la tête, en se heurtant contre les murs et tomba par deux fois ; enfin on parvint à l'arrêter.

Pendant ce temps, la foule commençait à s'ameuter contre les saltimbanques, elle s'était même armée de bâtons, de sabots et de cailloux, les menaçant de leur faire un mauvais parti, ce qui aurait pu arriver sans l'intervention de la gendarmerie, qui avait été prévenue télégraphiquement.  

Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 7 novembre 1897

Le phare d'Eckmühl 

Une plaquette commémorative de l'inauguration du phare d'Eckmühl va être frappée à la Monnaie.

Elle est l'œuvre du graveur Chaplain, de l'Institut, qui, sur l'un des côtés, a fait le portrait de profil de Louise Davout, marquise de Blocqueville, et représenté sur la mer la pointe de Penmarc'h dans le lointain. Sous la date 1897 est gravé cet extrait du testament de la marquise : « Les larmes versées par la fatalité des guerres seront ainsi rachetées par les vies sauvées de la tempête. »

Au revers, le phare d'Eckmühl se profile sur la mer que sillonnent des bateaux de pêche. Une inscription surmontant les dates 1894-1897 rappelle que le « phare d'Eckmühl a été élevé à la mémoire du maréchal Davout par son fils Louis et sa fille Louise, marquise de Blocqueville. »  


(Avers)                           Médaille Commémorative par Jules-Clément Chaplain                        (Revers)
Bronze - Dim. : env. 60 x 51 mm - Poids : env. 100g

Gardiens de phare

Par décision du ministre des travaux publics, le personnel du phare d'Eckmuhl est organisé de la manière suivante :

1° M. Naud, gardien de 1ère classe, déjà attaché au service de cet établissement, est chargé des fonctions de maître de phare ;

2° MM. Martin et Le Moigne sont nommés gardiens de 2ème classe et seront employés en qualité de chauffeurs ;

3° M. Hélias est, nommé gardien de 3ème classe, pour être employé comme aide-chauffeur ;

4° M. Vigaud est nommé gardien de 3ème classe, chargé du service de la lanterne.

Il reste encore vacant un emploi de gardien de lanterne, auquel il sera pourvu prochainement. 

 

Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 12 novembre 1897

Penmarc'h. — De notre correspondant : Au phare d'Eckmühl. — Sans doute il vous est arrivé, le soir, dans votre chambre bien éclairée, de faire un soubresaut, en entendant le bruit mat d'un pauvre petit oiseau, qui, trompé par la lumière de la lampe, était venu frapper lourdement contre la vitre de votre fenêtre.

Au phare d'Eckmühl, c'est autre chose. L'immense lueur, qui, dès l'apparition des ombres du soir, envahit et colore l'horizon, réveillent par sa brusque clarté les oiseaux rentrés, le soir, dans leurs abris ; ceux-ci troublés dans leur sommeil s'épandent dans la campagne et, trompés par la lumière vive et saccadée, vont avec la persistance du papillon dans un vol étourdi, frapper du bec ou de l'aile contre la lanterne aux rayons de laquelle il ne peuvent résister.

Les pauvres volatiles trouvent le plus souvent la mort dans ces assauts répétés et, le matin, jonchent le sol environnant de leurs corps frêles et inertes, Ce sont surtout les bécasses qui, comme on le sait, sont des oiseaux émigrants, qui voyagent, de préférence, la nuit, surtout au moment de la pleine lune.

C'est le cas de dire que voilà une nouvelle manne venant du ciel pour les gardiens, qui s'approvisionnent ainsi de gibier, sans fatigue, sans brûler le moindre grain de poudre, sans fusil, sans engin, sans chien et sans port d'arme.

  

Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 28 Novembre 1897

Les Phares

À peine avons-nous terminé la construction du phare de Penmarc'h que les Américains annoncent la très prochaine inauguration d'un phare plus puissant que le nôtre, qui, avec sa portée de soixante-dix milles et son intensité lumineuse d'environ deux millions de bougies, passait pour détenir le record en son genre.1

Situé sur le haut de la falaise2 de Fire-Island, à l'entrée du port de New-York, et construit en béton hydraulique, dont la résistance à l'eau de mer est considérée comme pratiquement indéfinie, le nouveau phare sera visible à plus de cent milles au large, même par un temps légèrement brumeux.

Toutes les cinq secondes, il émettra un éclair d'une demi-seconde.

La lentille, qui a été faite à Paris, est la plus grande dont on se soit servi pour un phare de cette nature. Elle mesure 3 m. 50 de diamètre et est formée de deux calottes convexes juxtaposées, entre lesquelles un homme peut aisément se tenir debout.

Cette lentille, tournant autour du foyer, d'un mouvement de rotation très régulier, sur une cuve à mercure, permet de quintupler le pouvoir éclairant de la lampe électrique, qui atteint alors le chiffre formidable de deux cent cinquante millions de bougies.

Note KBCP :
(1) « Fake news » ! Beaucoup d'inexactitudes dans l'annonce. En réalité, le phare de Fire Island (deuxième du nom), d'une hauteur de 51 m, a été achevé en 1858, avec une lentille de Fresnel rotative de premier ordre, produite en France par la société Henry-Lepaute. Il était équipé d'une lampe hydraulique de premier ordre, à 5 mèches concentriques, et utilisait de l'huile de colza ou de l'huile de baleine. L'appareil en verre et en laiton de 4,96 m de haut était mis en rotation au moyen d'un mécanisme d'horlogerie. Il émettait un flash de 5 secondes une fois par minute. Avec un plan focal de 55 m au-dessus du niveau de la mer, cette lumière pouvait être vue des navires à au moins 21-23 milles marins en mer (env. 39-42 km). (Infos US National Park Services)
(2) Une bien petite "falaise" ... culminant à 5m au-dessus des plus hautes mers !


Journal l'Union Agricole et Maritime, article du 1er janvier 1898

Quimper. — Voleur. — On se souvient des exploits, un peu éloignés il est vrai, d'un nommé Hervé Bourbao, plâtrier à Kermerrien, commune de Ploaré, que M. le commissaire de police Treuttel avait arrêté en vertu d'un mandat d'arrêt décerné par M. le juge d'instruction de Lorient.

Cet individu avait commis à Lorient, dans la nuit du 15 au 16 octobre, un vol d'environ 400 francs.

Un mois plus tard il avait dérobé 575 francs dans une maison du village de Kermerrien. L'enquête édifiée par M. Treuttel, comme toujours avec une grande connaissance du métier, a révélé à la charge de Bourbao, un autre vol commis à la gare dans des circonstances qui dénotent une certaine audace.

C'était, le 18 octobre, le lendemain de l'inauguration du phare d'Eckmühl, se trouvant à la gare, dans la journée, et avisant une valise qui se trouvait déposée, près du guichet où l'on distribue les billets et à l'entrée de la salle d'attente, il ne trouva rien de mieux que de l'emporter ; puis dans la soirée, échangeant ses loques contre des effets noirs de cérémonie, contenus dans la valise, il se présenta dans ce costume pimpant à un bal de noce qui se tenait, ce soir là, dans l'établissement Quélléver.

Or cette valise était celle de M.Omnès, entrepreneur à Brest et les effets qu'elle contenait lui avaient servi la veille, à l'occasion de l'inauguration du phare d'Eckmühl. Elle contenait, en outre, des papiers d'affaires dont M. Omnès regretta vivement la disparition. Heureusement que le lendemain on retrouvait la valise et les papiers en possession de Bourbao ; mais les effets ? On conçoit dans quel état ils devaient être à la suite de cette fameuse soirée.

Bourbao est actuellement écroué à Lorient où M. le juge d'instruction est en train de régler ses comptes. 
 

Gare de Quimper © Villard


Et pour finir sur une note poétique...  Poème de Max Jacob


Sources :
Revue Le Génie Civil n° 800 du Samedi 9 octobre 1897 par M. Eugène Bahier.
Revue L'éclairage électrique et le Phare d'Eckmühl n° 42 de 1898 par M. De Joly.
Revue L'éclairage électrique n° 35 du 27 Août 1898 par M. C. Du Riche Preller.
Revue Cosmos n° 668 du 13 Novembre 1897.
Eckmühl. Histoire des Phares de Penmarc'h par Roland Chatain (1988)
Le Phare d'Eckmühl par Yves Tanneau.
Bibliothèque de Travail (Education Nationale) n° 151 de 1951 - Les Phares.
L'éclairage à l'électricité de Hippolyte Fontaine.
Archives Départementales du Finistère.
Presse  régionale et locale.