1905 : Le crime de Maximilien Munch (suite 2)
                                         Le procès.

Quimper - Le Palais de Justice © Villard

Journal l'Ouest-Éclair, article du 14 janvier 1906

FINISTERE
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Assises du Finistère
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Audience du 13 janvier
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Le drame de Penmarch


De nommé Maximilien Munch, âgé de 23 ans, serrurier à Paris, avait, depuis un certain temps, des relations avec Mme X. qui habitait tantôt Paris, tantôt Saint-Guénolé, en Penmarch.

Voici les faits qui l'amènent aujourd'hui sur les bancs de la cour d'assises.

Le 26 juin 1905, à Penmarch, Mme X. reçut de Munch un avis par lequel celui-ci l'informait qu'il allait mettre fin à ses jours. Elle courut le rejoindre et, après trois quarts d'heure d'entretien, Munch tira sur elle un coup de revolver. Elle tomba et Munch lui tira alors un deuxième coup ; puis il dirigea son arme sur lui-même et se tira une balle dans la tête. Mme X. fut atteinte par devant, au-dessus du sein droit ; la deuxième blessure avait entraîné la fracture de la colonne vertébrale. Elle mourut peu après ; quant à Munch, il est complètement rétabli, toutefois la balle n'a pu être extraite. L'arme dont il s'est servi et qu'il a, dit-on, soustraite à son sergent-major, est un revolver d'ordonnance.

Depuis qu'il avait quitté le régiment, le 2 mars, Munch n'avait aucune ressource, et c'est sans aucun doute parce que Mme X. refusait de continuer à lui fournir des subsides qu'il l'a tuée.

Les renseignements recueillis sur lui le représentent comme paresseux ; toutefois, sa conduite au régiment était irréprochable. Seize témoins sont entendus ; leurs témoignages ont trait aux allées et venues de Munch dans le pays, à ses relations avec la victime, enfin à la scène du drame.

Ajoutons que toute la correspondance échangée entre Munch et Mme X. a été saisie. Dans cette correspondance éclate la passion la plus vive.

Un piquet d'infanterie et la gendarmerie assure le service d'ordre, rendu nécessaire par le nombreux public attiré par cette cause sensationnelle.

Munch se défend avec beaucoup d'habileté et met sur le compte de la passion le crime qu'il a commis.

M. Marchand, procureur de la République, requiert une application sévère de la loi. Me Verchin, dans une éloquente plaidoirie, montre qu'il s'agit là d'une affaire passionnelle et il sollicite du jury l'acquittement de son client.

Après une longue délibération, le jury rapporte un verdict affirmatif et la cour condamne Munch à huit ans de travaux forcés, sans interdiction de séjour.


Journal Le Finistère, article du 17 janvier 1906 

COUR D'ASSISE DU FINISTÈRE
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1ère SESSION DE 1906
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Présidence de M. le conseiller Gauducheau.
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Audience du 13 janvier.
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Le crime de Saint-Guénolé-Penmarc’h


9ème affaire. — Maximilien Münch, ancien sous-officier, âgé de 20 ans, dont le père habite Alfortville, est un jeune homme de musculature robuste, bien pris, mais dont l’air d’insouciance produit une mauvaise impression.

Il est assisté de Me Verchin.

M. Le Marchadour, procureur de la République, est chargé de soutenir l’accusation.

L’arme dont se servit le meurtrier, et qui se trouve aux pièces à conviction, est un revolver d’ordonnance qu’il aurait, paraît-il, soustrait à son sergent-major, alors qu’il était au régiment.

On a, en outre, saisi toute une correspondance où éclate de part et d’autre la passion la plus vive.

Nous avons donné samedi l’acte d'accusation exposant les détails de ce drame ; nous n’y reviendrons donc pas.

Munch se défend assez habilement. Il avoue volontiers ses relations avec sa victime et comme le président lui demande à quel mobile il a obéi, il répond que l’amour très vif, qu’il éprouve encore aujourd'hui, l’a affolé à l’idée de perdre sa maîtresse.

Recherchant les causes du drame, le président pose cette question à Munch :

D. — Pourquoi avez-vous tiré sur cette femme ?

R. — Parce-qu’elle ne voulait plus me promettre de revenir avec moi à Paris ; alors j’ai vu rouge et j'ai pensé, en agissant comme je l’ai fait, nous réunir tous deux dans la mort.

D. — Avait elle consenti à ce que vous tiriez sur elle ?

R. — Oui.

Munch répète que c’est la passion qui l’a emporté.

D. — Quel que soit le mobile auquel vous avez obéi, vous avec commis un meurtre dont vous devez rendre compte à la société.

13 témoins, sur 16 cités, sont entendus ; leurs témoignages ont trait au séjour de Münch et à ses allées et venues dans le pays, à ses relations avec la victime et à la scène tragique du meurtre.

M. le procureur Le Marchadour prononce un réquisitoire éloquent et serré. Il réclame un verdict de condamnation tout en estimant que la jeunesse de l’accusé donne droit à la pitié.

Me Verchin, défenseur, s’attache à démontrer l’accord intervenu entre les deux amants au moment suprême et dit en terminant que la meilleure solution est un verdict de pardon pour que ce cadavre dorme en paix et pour que devant cette tombe les enfants ne puissent avoir des idées de vengeance et de haine.

Reconnu coupable avec admission de circonstances atténuantes, Munch est condamné à huit ans de travaux forcés sans interdiction de séjour.