Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 1922

(Extrait - Pages 40 à 45)

Tumulus de Rosmeur.

Il existe sur la presqu'île de Porz Carn, deux tumulus éventrés ou déjà fouillés (Le plus grand a été acheté par M. Boisselíer ; le second a été acheté par le commandant Bénard).

Nous avons cette année exploré le plus grand et pour les deux tiers de sa surface, nous l'avons examiné suivant l'expression de M. Salomon Reinach « jusqu'au dernier carat ››.

Dans ce tumulus, MM. du Châtellier père et fils avaient découvert deux allées couvertes, une chambre montée sur muretins et quelques dalles ; ils n'y avaient pas recueilli grand chose : quelques trouvailles gallo-romaines n'impliquant pas d'ailleurs que le tumulus fut d'âge gallo-romain. On voit encore les restes d'une troisième allée couverte éventrée de laquelle la propriétaire actuelle M“'° Boennec a extrait de belles dalles et un pot brisé qui contenait des ossements.

La démolition pierre à pierre du galgal nous a permis de mettre à jour un mur superbe élevé en son centre de plus de deux mètres. Base très large de laquelle le mur monte entalus. Le mur est composé de belles pierres plates, soigneusement enchevêtrées, presque sans jours. Souvent un mortier dur et compact de couleur grise réunit ces pierres.

Au centre le jointoiement des pierres est surtout assuré par de petits cailloux obstruant les interstices. Le mortier ne commence seulement qu'aux deux extrémités de la face S. E. dumur. Était-ce pour en maintenir l’appui ? Ce mur que nous avons découvert et mis à jour sans démolir le moindre moellon va de l'entrée de l'allée couverte occidentale explorée parM. du Chatellier aujourd'hui disparue jusqu'à la grande arête verticale de l'ouest de l'entrée de l'autre allée couverte avec laquelle elle est cimentée. Puis de l'autre côté de la dite porte le mur reprend avec un ressaut, présente une légère courbure et tourne perpendiculairement. Mais la pointe d'angle de ces deux directions est noyée dans une sorte de gros bloc de maçonnerie composée de fortes pierres et de mortier gris. Lemortier fait là l'office de consolidation de ce contre-fort. Ce mortier était du reste déposé en masses importantes contre le mur lui-même dans la partie occidentale et il fallutde longs abattages au pic pour l'enlever. Les portes des deux allées étaient fermées par des blocages cimentés de même manière.

La photographie donne la forme de ce qui restait du mur au moment de nos fouilles. Nous ne pouvons dire si le haut était horizontal ou formait un triangle dont le sommet se serait trouvé entre les deux portes.

Mais l'allée couverte la plus orientale n'est pas du tout bâtie en muretins ; elle est composée de magnifiques dalles verticales de très grande taille que nous avons dégagées et dont l'ensemble est grandiose ; ces dalles n'avaient pas encore été remarquées ; contre cette belle allée, nous avons mis à jour une première chambre de grandes dimensions ; elle était remplie de haut en bas des couches suivantes :

1° Terre ordinaire du tumulus et du galgal ;
2° Petit pavage;
3° Couche sablonneuse rougeâtre à l'état humide.
4° Petit pavage.
5° Couche noire semblable à toute la couche inférieure du tumulus.

Cette couche inférieure était intacte ; de même la couche sablonneuse et ses deux enveloppes avaient conservé leur parfaite horizontalité, ce qui écarte toute idée de fouille antérieure et permet d'affirmer que cette chambre n'avait jamais été violée.

La couche sableuse dégagée au grattoir puis passée au tamis n'a donné aucune trace d'inhumation, ce qui d'ailleurs ne prouve rien, l'absence de dalle au-dessus ayant laissé pénétrer les eaux destructrices.

Nous avons mis à jour une 2ème chambre contiguë à la 1ère, mais qui n'est pas encore fouillée.

Les pierres au contact des dalles N. E. des deux chambres ne formaient-elles pas l'amorce d'un mur qui pouvait parfaitement aller rejoindre le prolongement de l'autre mur en E du monument ; il ne paraît pas avoir dû se continuer loin au S. O. Il y eut d'ailleurs été arrêté par l'allée A. Faut-il croire qu'il venait rejoindre l'extrémité A, ce qui concorderait alors avec l'arrêt si net à angle droit en retour de ce mur en A.


Et alors n'y aurait-il pas eu un premier monument antérieur à A et D avec mur de clôture, puis un second composé normalement de deux allées coudées à angle droit. Il serait hardi cependant dès maintenant de penser que le tumulus circulaire d'abord, aurait pris la forme elliptique pour pouvoir renfermer le second monument.

Le mur devait encadrer totalement les chambres et les allées couvertes. Le fait n'est d'ailleurs pas nouveau. Il a déjà été signalé dans le tumulus de la butte de Kernec, en Languidic, où il avait une forme rectangulaire de 17 m. x 12 m. (MARTIN, dans la Revue archéologique de 1899. tome 1) ; dans le tumulus de Coat-er-Houarn, près de Baud (Morbihan), où il avait la même forme et 13 m. 50 x 7 m. 70 (MARTIN, dans la Revue archéologique du 24 Décembre 1894) , et dans le tumulus de Castel-Coagno. en Cavan (Côtes-du-Nord), dans lequel l'enceinte rectangulaire de pierres bâties mesurait 9 m. x 8 m. (THUBÉ, dans le Bulletin de la Société d'Émulation des Cótes-du-Nord, 1880.).

Les trois tumulus de Kervern, en Plozévet, contenaient aussi des murs en pierres sèches en forme de fer à cheval autour de la sépulture centrale (P. DU CHATELLIER, dans la Revue archéologique de Septembre 1882.).

Le mur en pierres sèches fait donc souvent partie de la technique de construction des tumulus et, dans beaucoup de cas, il a dû échapper aux investigations trop rapides.

Nous avons ramassé près du mur un pot brisé, de nombreux restes de poteries, un fer de lance, des silex bleus et un morceau de lame en silex blanc semblable à la belle lame que nous avons ramassée déjà sous la fortification néolithique de Porz-Carn.

Nous avons relevé aisément le périmètre exact du grand tumulus de Rosmeur ; il présente la forme d'une ellipse, dont le grand axe atteint 44 mètres et le petit axe 37 mètres.

Ce tumulus, qui contenait trois allées couvertes de grandes et de petites chambres entourées de murs énormes, devait être l'un des plus beaux du Finistère. Nous avons soigneusement respecté et consolidé tout ce qui reste de cette architecture archaïque et grandiose.

Le mortier qui consolidait le mur de toutes parts était gris ; mais sa composition était analogue å celle du mortier jaunâtre trouvé dans la nécropole tumulaire de Saint-Urnel ; analogue aussi à la matière qui composait le mur de la cabane des kjokenmoddings de La Torche.

Les morceaux que nous avons mis de côté sont si durs, que le marteau les casse difficilement. Quelques-uns contiennent de gros charbons.

Nous avons retrouvé déjà un peu de mortier analogue dans la fosse d'éventrement du tumulus de la grande dune.

Il nous semble donc, d'ores et déjà, que le mortier d'argile mélangé à d'autres corps était d'application courante dans la construction des tumulus. Celui de Saint-Urnel. brûlé à certains endroits, présente une coloration vieux rose de jolie brique. Il ne sera pas inutile de vérifier le fait dans nombre d'autres tumulus.