Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 1873-1874

(Extrait - Pages 110 et 111)

Fouilles du Tumulus de Porz-Carn dans la commune
de Penmarc'h (Finistère)


Cette exploration avait lieu au mois de septembre 1861, par les soins de notre honorable confrère M. du Chatellier, sur les grèves de Penmarc'h. Il en a été rendu compte dans le temps ; mais quand des faits de ce genre ne sont pas enregistrés dans des recueils archéologiques, il y a grand danger qu'ils soient perdus pour l'étude. Vous m'excuserez donc de revenir sur ce sujet : je serai d'ailleurs très-court.

Tout le monde dans ce pays connaît les rivages de Penmarc'h et la chapelle de Saint-Guénolé, qui s'élève sur une pointe entre le village de Kérity et les rochers qu'on appelle la Torche. Près des lignes de retranchement qui servirent naguère à la défense de cette pointe et dont le sillon garde encore un mètre d'élévation dans quelques parties, on voit non loin d'une tombelle plus petite, un tumulus d'environ six mètres de haut sur un diamètre de plus de trente mètres.

La fouille opérée sous nos yeux, a fait rencontrer à un mètre au-dessous du sol adjacent la chambre ou cellule de ce tumulus. Elle dessinait une circonférence irrégulière dont la courbe se redressait au point de sa jonction avec la galerie qui se développait pour y donner accès du côté de l'orient. Cette galerie, mieux conservée que la cellule, avait un mètre de large, un mètre et demi de haut et trois mètres environ de longueur, son plafond formé de trois pierres d'épaisseur, s'appuyait sur trois autres pierres brutes verticales, dont les interstices étaient remplis de moellons. Quant à la cellule ou caveau, on n'y rencontra que des vestiges d'une disposition semblable à celle que nous venons de remarquer dans la galerie. Les pierres qui servaient de plafond avaient été enlevées, ce qu'aurait pu faire présumer une dépression extérieure observée au sommet du cône. Il ne restait plus qu'une des pierres verticales qui avaient dû supporter celles du plafond. Les terres qui avaient encombré la cellule une fois dégagées, nous pûmes reconnaître qu’elle était bordée d'un muret grossier en pierres sèches d'un mètre et demi de haut. Toutes les traces de sépultures avaient été anéanties dans la précédente exploration. Nous n'y trouvâmes que quelques fragments de poterie noire, grise et rouge, qui bien que sans ornement, nous parurent de fabrication romaine, quatre pointes de flèches en fer formant un losange, monté sur une douille longue de sept centimètres, deux monnaies romaines en moyen bronze endommagées, et une troisième de l'Empereur Constantin 1er, avec cette légende bien connue : HONOR EXERCITUS.

Il y a lieu de penser que le monument funéraire que l'on vient de décrire ait été élevé à la mémoire d'un des soldats ou officiers de la milice du Tructus Nervíen et Armoricain qui étaient cantonnés dans ces quartiers pour la défense du littoral contre les invasions de la frontière du Nord (1)
M. de Montifault

(1) Les objets provenant de cette fouille, ont été offerts au Musée Départemental par M. du Chatellier, au nom de la Société Française d'archéologie. Ils consistent en :
1° Une hache en pierre d'assez petite dimension ; 2 Des fragments de vases en terre extrêmement grossière, et certainement faits sans l'aide du tour ; 3° des débris de vases en terre brune et fine faite sur un tour et ornés vers le haut de la panse de groupes de cupules qui dessinent chacun dans son ensemble un demi rond ; ces débris de vases indiquent un travail de le population indigène ; 4° des fragments de "vases" en terre samienne de fabrication romaine ; 5° treize pointes de flèches ou de javelines en fer dont plusieurs se sont dilitées depuis, sous l'action de l'humidité ; 6° deux moyens bronzes romains dont un est de Trajan, l'autre est fruste ; 7° Enfin un petit bronze bien conservé de Constantin le Jeune, portant d'un côté la tête de l'Empereur tourné à droite avec la légende : CONSTANTINUS IVN NOB C. On lit de l'autre côté HONOR EXERCITUS et l'on voit dans le champ, deux enseignes portées par des soldats romains. Il résulte clairement de cette énumération que ce tumulus renfermait des sépultures d'époques différentes. En le visitant il y a deux ans, je trouvai dans la cavité formée par les fouilles de M. du Chatellier, et qui correspondait à la chambre centrale, un assez grand nombre de pierres destinées à servir de meules à broyer le grain.
R.-F. L. M.