L'Église Ste Thumette racontée par le Recteur Le Coz


Note importante : Les Chroniques du Recteur François-Marie Le Coz ont été écrites pendant la période de son sacerdoce en la paroisse de Penmarc'h, soit entre 1887 et 1911. Ces chroniques ont été réalisées à la plume sergent major sur cahier d'écolier ; les textes suivants sont donc une retranscription des écrits du Recteur, sa mise en page ayant été respectée au plus près.



Paragraphe 2

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L'Église de Sainte Thumette à Kérity (Courcy1 page 277)

Sainte Thumette, vierge et martyre est une des onze mille compagnes de Sainte Ursule. On sait que sur la demande de Conan Mériadec, roi de Bretagne Armorique, plusieurs milliers de jeunes bretonnes furent embarquées à Londres et dans d'autres ports de la Grande Bretagne pour aller s'établir dans la Bretagne Armorique. Les unes allaient rejoindre leurs maris, soldats dans l'armée de Flave Maximus Clemens et de Conan Mériadec, les autres étaient destinées à devenir les épouses de plusieurs de ces capitaines et soldats Bretons déjà établis dans la Bretagne Armorique. Ste Ursule et ses onze mille compagnes, parmi lesquelles Ste Thumette, furent embarquées à Londres, non sans qu'elles ne versent beaucoup de larmes. Les Navires

Note en marge :
Ceci est de la légende, non de l'histoire. Ste Ursule venait-elle en Bretagne avec onze mille compagnes ou moins, allait-elle en pèlerinage à Rome ? On ne peut répondre avec précision. Il est certain qu'elle est morte à Cologne et que l'église la révère comme vierge et martyre.

Note KBCP :
(1) Pol Potier de Courcy (o1815 - †1891), est archéologue et architecte. M. le comte de Courcy est aussi un fameux héraldiste, auteur, entre autres, de l'ouvrage de référence « Nobiliaire et Armorial de Bretagne», en trois tomes, qu'il écrit à partir de 1846 et du «Dictionnaire héraldique de Bretagne» en 1855. 


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descendent la Tamise et sont assaillis bientôt par une furieuse tempête. Elles sont portées sur les côtes de Hollande, pénètrent jusqu'à Cologne où les Uns, horde barbare, les massacrent toutes sans pitié pour leur infortune et leur jeune âge. Il faut lire l'intéressante vie de Ste Ursule et ses compagnes dans "La vie des Saints de Bretagne" d'Albert Le Grand page 633. Ceci arriva vers le milieu du 4ème siècle (360 ap. JC)
La tradition rapporte que Ste Thumette est Sœur de Saint Énéour et que c'est pour ce motif qu'on l'a donnée pour patronne à plusieurs églises ou chapelles dans les pays évangélisés par St Énéour, notamment à Kérity, à Plomeur, etc... En Breton, Ste Thumette est nommée Santez Thunvez.

L'Église Ste Thumette, à Kérity, est plus ancienne que celle de St Nonna, d'après Mr Pol de Courcy. Mr Le Men, archiviste du Département dit pourtant que cette église ne date, comme St Nonna, que du commencement du 16ème siècle (1508) (Archéol. 1878 p 140). Mr de Fréminville (Antiquités) prétend qu'elle fut bâtie à la fin du 13ème siècle (1287) par les Chevaliers du Temple. Ce n'est guère

Note en marge :
Land Thunvez Landunvez ?


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vraisemblable. Mr de Courcy précise plutôt que cette église aurait appartenu aux Frères Hospitaliers de St jean De Jérusalem. Quoi qu'il en soit, cette église était parfaitement décorée, d'après Mr de Fréminville (II p.104 : Voyage de 1819) :
« Des personnes qui ont vu Kérity dans son entier m'ont dit qu'elle était décorée avec beaucoup de luxe. On y voyait beaucoup de statues en albâtre oriental : St Georges, St Jean, etc... Il n'en subsiste plus qu'une qui représente St Jean, patron de l'ordre du Temple. On l'a portée dans l'église de Penmarc'h où je l'ai vue (1).
Le maître autel était aussi d'albâtre, orné de bas reliefs gothiques, sculptés avec beaucoup de délicatesse et dorés. Quelques fragments de ces bas-reliefs ont été négligemment jetés dans un coin de l'église de St pierre. On pourrait les faire entrer dans la restauration de l'église de Kérity qui, à ce que l'on assure va être réparée (en 1883) et restituée au culte.»

Fréminville

Note de bas de page :
(1) Cette statue a été, en 1868, échangée par Mgr Sergent, contre les statues et socles de St Corentin et de la Sainte Vierge (à l'entrée du Chœur, à Penmarc'h) et placée à la Cathédrale de Quimper dans la chapelle des Fonds baptismaux. Cette statue a de la valeur. L'échange n'est pas en faveur de Penmarc'h ! Les grandes statues ont été commandées par Expilly2, évêque constitutionnel 1792.

Note KBCP :
(2) Louis-Alexandre Expilly de La Poipe (1743-1794). Fils d'un capitaine de Marine, il est né à Brest le 24 Février 1743. Devenu prêtre, il est nommé recteur de St Martin de Morlaix en pays Léonard. En 1788, il est élu député pour représenter le clergé du Léon lors des États Généraux de 1789. Il adhère aux nouvelles idées Révolutionnaires. En 1790, il devient président de la commission qui élabore la Constitution Civile du Clergé. Le 30 Septembre de la même année, la mort de l'évêque de Cornouaille, Mgr Conen de Saint-Luc conduit à l'application de la toute nouvelle Constitution Civile du Clergé... élaborée sous sa présidence (!). Évidemment, il est élu le 31 Octobre. Le 27 Décembre, il prête serment à la Constitution. Enfin, il est sacré évêque constitutionnel du Finistère le 24 Février 1791 Proche du groupe des Girondins, il est affecté par les luttes entre groupes politiques siégeant à la Convention Nationale, luttes opposant Girondins, Montagnards et Marais. La Montagne est victorieuse. Le Girondin Louis-Alexandre Expilly est victime de la purge orchestrée par les Montagnards en 1893. Il meurt guillotiné le 22 mai 1794 à Brest.


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Après l'expulsion des Chevaliers du Temple, l'Église de Kérity fut donnée à la paroisse sous l'invocation de Ste Thumette.

Cette église fut entretenue par la paroisse pendant un grand nombre d'années ; elle fut ruinée sous la Révolution. Au sortir de la tourmente révolutionnaire, la fabrique de Penmarc'h ne peut restaurer toutes les chapelles.

En 1808, la cloche de l'Église de Kérity tombe et elle est transportée à N.-D. de la Joie.
En 1809, Mr Le Gall, Recteur de Penmarc'h, prie monseigneur l'évêque de faire attention à l'église de Kérity : "Si elle est vendue, l'église principale y perdrait 20.000 ardoises et une charpente encore fort bonne". A cette époque, la charpente et une partie de la couverture existaient encore. C'était, pour les habitants de Kérity, le moment de faire un effort et de se cotiser pour restaurer l'église. Au lieu de cela, "les habitants, dit Mr Le Gall, recteur, refusent de la réparer et demandent même qu'on achève de la découvrir avant qu'elle soit soumissionnée par Mr Brizel et consorts, comme ils l'ont annoncé".


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Bientôt l'église de Ste Thumette n'a plus ni toit, ni charpente, elle est à l'état de ruines : il n'y a plus que les quatre murs et l'herbe pousse dans le sanctuaire.
En 1887, les habitants de Kérity se plaignent que la Fabrique laisse en ruines la chapelle ou l'église de Ste Thumette, alors - disent-ils - qu'une partie de rentes de la Fabrique proviennent de cette ancienne église. D'abord, cette assertion est fausse. La Fabrique a moins de rentes à Kérity et aux environs que dans le reste de la paroisse. Les Habitants de Kérity n'ont jamais contribué à construire et à entretenir l'église de Ste Thumette, ils n'ont jamais plus contribué que les autres à l'entretien de l'église paroissiale. Une quête faite à Kérity pour la restauration de sa chapelle produirait une somme insignifiante. Verba et voces proetereague nihil : Vantardise et commérages, rien de plus. Les Kérityens devraient bien se rappeler ce que leurs pères et leurs grands-pères ont dit et fait en 1808 et en 1809 quand on pouvait encore empêcher la ruine totale de cette église pour laquelle


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ils prétendent aujourd'hui avoir tant de vénération. En 1888, la chapelle de Kérity est devenue ne véritable lieu de décharge, pour ne rien dire de plus. Mr Le recteur fait boucher les fenêtres, mettre une serrure à la porte pour couper court à ces abus et empêcher que les enfants ne continuent à jeter en bas les restes de la tour et des murs.
Tout porte à croire que cette église ne sera jamais restaurée.
Au mois de mai 1888, les femmes de Kérity nettoient la nef et le bas-côté de la chapelle pour obtenir "une bonne pêche" par l'intercession de Ste Thumette. Les jeunes filles de Kérity se cotisent pour acheter une statue de la sainte, destinée à être portée en procession. Coût 80 francs. La statue est bénite et portée en procession à N.-D. de la Joie par seize jeunes filles de Kérity le 15 août 1888.