LES METIERS ANCIENS A PENMARC'H (Suite 2)

LE MONDE PAYSAN

Les fermes étaient disséminées un peu partout dans la commune. Un penn-ty (lit. tête-maison) à deux pièces, une ou deux dépendances pour les animaux. Une ou deux vaches, des poules et un cochon dans la crèche attenante. Parfois un cheval quand on n'était pas trop pauvre.

Dès qu'il était possible, les paysans cultivaient leurs lopins de terre, bordés de murs de pierres sèches. Les cultures y étaient protégées du vent et de l'érosion, fumées au goëmon, enrichis de maërl des Glénans1 (genre de calcaire)


(1) Le maërl est composé de débris d'algues marines imprégnées de calcaire souvent mélangé avec du sable et des débris coquilliers. Il constitue un très bon amendement. Les algues qui le composent ont la propriété de cristalliser les éléments minéraux de l'eau de mer. Il est donc très riche en calcium et en magnésium ainsi qu'en fer et en oligo-éléments.

On y cultivait du blé, du seigle et de l'orge en grande quantité et excellente qualité : Il suffit de voir le nombre de Moulins que comptait Penmarc'h en 1870… 

On labourait avec la Arar braz (lit charrue grande) tirée par deux chevaux, le sien et celui d'un voisin ou d'un parent avec lequel on s'arrangeait. Et on récoltait à la faucille. On cultivait également dans d'autres champs des légumes primeurs et des oignons, de l'ail et des échalottes. 


Et la pomme de terre, me direz-vous ?


Lors de la deuxième partie du XVIIIème siècle, la pomme de terre (La truffe du pauvre, disait Victor Hugo) fut introduite dans la région par François Jérôme Le Déan (1774-1823). C'est ainsi qu'on peut lire sur sa tombe du Manoir de Lestremeur (Combrit), cette épitaphe : "II a enrichi tout le pays de la précieuse culture de la pomme de terre."
Les paysans étaient méfiants et assez réfractaires au changement… Il a donc fallu attendre le milieu du XIXéme siècle pour que les autorités préfectorales, qui incitaient à la culture du fameux tubercule, soient écoutées. Le but était de développer une nouvelle culture, de créer donc de nouveaux revenus aux habitants et de les préserver du fléau de la famine…

Les maladies de la patate, la pourriture, la brunissure, le mildiou… n'empêchèrent pas la croissance de la production. Ainsi tous ces fruits de l'agriculture étaient envoyés à Pont l'Abbé ou a Loctudy pour y être exportés vers d'autres ports de France ou d'Angleterre.

Chargement d'un navire de pommes de terre © Villard


Alors que les habitants du Bourg étaient plutôt Paysans, ceux de Saint Guénolé avaient double casquette ou plus précisément large béret (boned plad) et chapeau Bigouden (Tok teier voulouzenn) : Marin quand l'époque et le temps le permettaient et Paysan le reste du temps. Ce qui leur permettait de diversifier leurs revenus, comme on pourrait dire maintenant.
Ainsi, par la diversification des cultures et la complémentarité des deux métiers, les paysans-marins (ou l'inverse) de Saint Guénolé vivaient moins mal et plus à l'abri du lendemain que leurs concitoyens de Kérity dépendant presque uniquement des revenus de la pêche.

Le Paysan était plus riche que le pêcheur et quand la période faste de la pêche arriva, nombre d'entre eux s'improvisèrent patrons pêcheurs, voyant la flottille de Penmarc'h affublée par les marins des autres quartiers maritimes d'un dicton peu flatteur (Que je n'avouerai pas, même sous la torture).

En 1940, en même temps qu'arrivaient les troupes Allemandes d'occupation, un petit insecte s'attaqua aux pommes de terres : Le doryphore (Soit disant parachuté par l'ennemi pour saper la "kolossale" industrie patatière Bretonne, comme le laissait entendre la rumeur) . Il n'en fallait pas plus pour que nos facétieux Bretons, prompts à affubler choses et gens d'un surnom, appellent nos Teutons occupants, "Les Doryphores".

PILLEUR D'ÉPAVES

... Est-ce bien un métier ? Un état passager, saisonnier tout au plus...
Cependant, le pilleur d'épave N'EST PAS un naufrageur.

Le naufrageur provoque les naufrages par ruse et fourberie et tue tout témoin capable de dénoncer son forfait. Qui n'a pas entendu parler des feux allumés sur la côte ou de la légende de la torche fixée entre les cornes des vaches... Ceux qui ont côtoyé ce placide ruminant savent comment il peut se transformer en animal furieux et imprévisible à la simple vue d'une flamme reléguant cette légende plutôt au rang des affabulations. Le naufrageur est un criminel sans foi ni loi.

Le pilleur d'épave considère que tout ce que la mer lui amène y vient par la volonté de Dieu, ce Dieu qui connaît bien leur misère... Tout ce qui vient à la côte appartient donc à celui qui le trouve. Au moindre naufrage, toute la population se retrouvait à la côte, ameutés par un témoin... Les survivants étaient recueillis, les naufragés sauvés parfois au péril de leurs sauveteurs et les épaves... nettoyées par les pilleurs, avant que la mer ne le fasse elle-même. Les cadavres sauvés des eaux sont délestés de leurs habits. La nourriture est recherchée pour la consommation personnelle ou le troc. Et le bois qui s'échoue sur la grève est récupéré pendant plusieurs jours. 

Quand à l'alcool et au vin, ils étaient souvent bus sur place, facilitant le travail des douaniers venus verbaliser les contrevenants et donnant lieu a quelques rixes, même si Monsieur le Recteur était là pour essayer d'empêcher ses brebis de commettre l'irréparable. 


Pour le reste, tout un commerce parallèle existait, arrosant toute la région : Les pilleurs vendaient aux passeurs, qui revendaient aux receleurs, eux même démarchant les commerçants. Ainsi, on pouvait retrouver le produit de ces fortunes de mer jusque sur les marchés d'Auray !