LA CATASTROPHE DU 23 MAI 1925 SELON LA PRESSE LOCALE

La majorité de la presse nationale et locale de l'époque exalte le comportement exemplaire des braves marins Bretons.
Si le message relayé est identique dans le fond, il en est de même dans la forme des articles, souvent copies conformes dans des journaux pourtant concurrents : Ces journaux font appel au même envoyé spécial (spécial ne veut pas dire exclusif), un pigiste qui rédige un seul article et le vend par téléphone aux journaux qui le sollicitent...
L'Ouest-Eclair est le journal régional de ce drame et fournit le contenu de ses articles à nombre de journaux nationaux.

Vous trouverez ci-après quelques articles de "l'Ouest-Eclair" classés chronologiquement sur une dizaine de jours, afin de vous faire, vous-même, votre avis.


L'OUEST-ECLAIR DU 24-05-1925

Une catastrophe sur les côtes du Finistère

DEUX BATEAUX DE PECHE
EN PERDITION
ET DEUX CANOTS DE SAUVETAGE
SOMBRENT
AU LARGE DE PENMARCH
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Vingt-six hommes sont noyés
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Une épouvantable catastrophe vient de jeter la consternation sur nos côtes bretonnes et de semer le deuil parmi les populations. Un affreux drame de la mer s'est déroulé au large de la pointe de Penmarch; 26 hommes sont noyés. Voici la dépêche que nous avons reçue à ce sujet.


QUIMPER, 23 mai (De notre correspondant particulier). Aujourd'hui, vers 14 heures, deux bateaux de pêche montés, l'un par 7 hommes et l'autre par 5, se trouvaient en perdition au large de Saint-Pierre-Penmarch.
Les canots de la station de sauvetage prévenus immédiatement, prirent la mer et allèrent à leur secours. Chaque canot comportait l'équipage complet de 12 hommes.
Au moment où les canots de sauvetage arrivaient sur les lieux, des lames énormes firent chavirer les deux bateaux de pêche et les deux canots de sauvetage, dont l'un, détail impressionnant, se dressa complètement debout et se renversa sur son équipage.
Voyant le sinistre, les hommes d'un canot qui fuyait devant le temps, revinrent sur les lieux et réussirent à sauver quatre hommes.
Au même moment, M. Le Gall, président de la Coopérative des pêcheurs de Kérity, se trouvant à terre et voyant les canots chavirer, appareilla aussitôt avec son canot de pêche et son annexe. Au prix d'efforts surhumains, il parvint à sauver six hommes vivants, et trois corps qui ne purent être ranimés malgré les soins les plus empressés qui leur furent prodigués.
Ce sinistre épouvantable, sans exemple dans nos annales, a donc fait 26 victimes, pour la plupart pères ou soutiens de famille. Il met en deuil toute la population de la presqu'île de Penmarch.
L'administrateur de la Marine de Guilvinec s'est rendu immédiatement sur les lieux du désastre et a pris toutes les mesures nécessaires.
Les pavillons de la direction de l'Inscription Maritime de Quimper, du quartier du Guilvinec et du Syndicat des Gens de mer de Penmarch ont été mis en berne.
Il est nécessaire de rappeler qu'en 1913 le premier canot de sauvetage, celui de Kérity, s'est vu attribuer le mémorial offert par un journal parisien aux sauveteurs de France s'étant le plus distingués dans l'année, et qu'en 1916, le second, celui de Saint-Pierre, s'est porté au secours du cargo Sénégambie, de la Compagnie Générale Transatlantique poursuivi par un sous-marin allemand, en perdition dans les brisants, et que le patron du canot, Kerloch (actuellement retraité, et chevalier de la Légion d'honneur) pilota le navire jusqu'à Bordeaux.


BREST, 23 mai. Voici quelques détails sur l'épouvantable drame de la mer qui vient de se dérouler à Penmarc'h.
Les canots de la Société de Sauvetage Léon-Dufour et Comte-et-Comtesse-Foucher allaient atteindre par mer démontée, les deux barques Saint-Louis et Berceau-de-Saint-Pierre, quand ils ont été roulés par les vagues. Les canotiers qui étaient attachés à leur banc ont disparu avec leur bateau les autres, qui portaient des ceintures de sauvetage ont été projetés sur les écueils. Sur les 161 canotiers, 15 ont péri, ainsi que les 13 hommes2 de l'équipage des barques. La plupart sont mariés et pères de nombreux enfants. Le Préfet du Finistère est parti sur les lieux.
Un bateau d'Audierne chavire.
L'Ouest-Éclair prend une vive part au deuil qui atteint tant de familles et leur exprime ses bien vives condoléances.


La Catastrophe de Penmarch
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Un récit du drame dans lequel ont péri
12 pêcheurs et 15 hommes des bateaux
de sauvetage

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LES NOMS DES VICTIMES


Brest, 23 mai. Les stations de sauvetage de Kérity et de Saint-Pierre-Penmarch, si souvent citées dans le palmarès de la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés, sont en deuil : quinze de leurs meilleurs canotiers ont péri aujourd'hui en allant porter secours à des naufragés.
Voici le récit du drame rapporté par une des nombreuses personnes qui en ont été les témoins attristés.
Les bateaux de pèche sortis ce matin avaient du rentrer en toute hâte au port, fuyant devant la tempête. Deux d'entre-eux, le Saint-Louis et le Berceau de Saint-Pierre, s'engageaient dans le chenal de la Jument, lorsque brusquement, ils furent chavirés par une rafale.
Les guetteurs du sémaphore donnèrent aussitôt l'alarme.
Quelques minutes après, les deux canots, Léon-Dufour (patron Bourru3) et Comtesse-Foucher (patron Jégou)4 faisaient route aussi vite qu'ils pouvaient vers les malheureux sous les yeux de la population affolée. Les sauveteurs arrivaient sur le lieu du naufrage. A terre, on se réjouissait déjà. Mais le vent redoublait, les deux canots, très chargés, avançaient péniblement. Tout à coup, l'un de ces esquifs fut soulevé par un immense paquet de mer et chavira ; l'autre subit le méme sort.
Les pêcheurs qui, de la grève, avaient suivi des yeux toutes les péripéties du drame n'hésitèrent pas un seul instant; ils sautèrent dans leurs barques, hissèrent leurs voiles et volèrent au secours des trente-six hommes qui se débattaient dans les flots, gênés dans leurs mouvements par leurs lourds vêtements.
Sur les vingt-quatre sauveteurs, on n'en ramena que neuf à terre. Le nombre des noyés est de 27. M. Berrou, patron du Léon-Dufour, qui avait été recueilli et ramené à terre, est mort de congestion.

Les dangers de la côte de Penmarc'h


Cette côte de Penmarc'h, on le sait, est pleine d'embûches.
Les marins attribuent la formation soudaine des lames gigantesques qui surgissent subitement, à des tempêtes ayant pris naissance très loin, en plein Atlantique. Les vagues, roulant entre deux eaux, viendraient ainsi parfois des Antilles pour développer leur meurtrière action à l'approche des côtes où, le fond étant moins grand, elles surgissent tout à coup sans que rien apparemment puisse faire prévoir leur brutal déchaînement.
La côte de Penmarch a été déjà le théâtre de nombreux drames.
On se rappelle qu'il y a de nombreuses années un préfet se trouvait avec sa famille à marée basse sur un rocher. La mer était à plus de 300 mètres. Soudain, une lame s'éleva, si rapide, si imprévue, que le préfet et les siens furent enlevés sans qu'il fût possible de les secourir.
Il y a peu de temps, sur le même rocher, un accident analogue s'est produit.

Les victimes

Voici les noms des vingt-sept morts :
Barque « Berceau de St-Pierre : Vincent et Pierre Larnicol, tous deux célibataires ; Jacques Biger, marié, sans enfants ; Nona Salaün, marié, père de trois enfants ; Pierre Stephano 5, marié, 3 enfants ; Jean Guichaoua, marié, 1 enfant; Jacques Gégou4, marié, pas d'enfants.
Barque Saint-Louis : Le patron Julien Dupuy, marié, père de 3 enfants ; Jacob Corentin, marié, 3 enfants ; Pierre Le Lay, marié, 5 enfants ; Henri Tantor6, marié, sans enfant ; Pierre Le Floch, marié, 5 enfants.
Canot de sauvetage de Kérity : Cloarec, marié, 1 enfant ; Kerloch, marié, 3 enfants ; Coupa, marié, sans enfant : Gzegabel7, marié, enfants ; Stéphan, marié, 1 enfant ; Tanniou, marié, 1 enfant ; Le Gars, marié, 1 enfant, tous canotiers.
Canot de Saint-Pierre : Le patron Jean Berrou, marié, un enfant ; Vincent Tanniau8, marié, 5 enfants ; Pierre Kerval, marié, 2 enfants ; Jean L'Helgouach, marié, un enfant ; Jean Larnicol, retraité ; Alain Calvez, marié, un enfant ; Laurent Calvez, marié, 3 enfants et Guillaume Cossec, marié, 1 enfant.


Le chavirement des bateaux de sauvetage


Paris, 23 mai. -M. Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande a donné à la presse les renseignements suivants :
"Je connais très bien, a dit le ministre, la côte de Penmarc'h, dangereuse entre toutes par ses tempêtes et ses vagues de fond. Déjà, l'année dernière, un raz de marée a envahi en pleine nuit la côte plate sur près d'un kilomètre en profondeur. Que des bateaux de pêche se soient trouvés là en péril, rien d'extraordinaire. Ce qui demeure incompréhensible, c'est que les bateaux de sauvetage de Penmarc'h et de Kérity aient subi le même sort.


Les condoléances du préfet du Finistère.



Dès que le Préfet du Finistère fut avisé de la catastrophe, il fit transmettre ses condoléances aux familles en deuil et se rendra demain à Penmarch avec le directeur de l'Inscription maritime, pour remettre des secours aux veuves des victimes.

Les pavillons de tous les édifices ont été mis en berne et, près des morts placés côte à côte, toute la population agenouillée pleure et prie.

Les condoléances officielles


PARIS, 23 mai. M. Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande, a été avisé ce soir à 6 heures, par le préfet du Finistère, de la catastrophe de Penmarch.
Il a invité le préfet du Finistère à se transporter à Penmarch et porter aux familles des victimes la douloureuse sympathie du Gouvernement.
Il a également fait parvenir au maire le Penmarch, un télégramme dans lequel il présente ses condoléances et l'expression de son admiration pour le dévouement de ces victimes du devoir.
M. Daniélou a avisé aussitôt le président du Conseil de l'accident qui venait de se produire.
M. Paul Painlevé a envoyé au maire de Penmarch le télégramme suivant :
"Je vous prie de transmettre aux vaillantes populations bretonnes frappées par la catastrophe de Penmarch, les condoléances émues du gouvernement et son admiration pour ces marins héroïques qui ont péri dans l'accomplissement de leur devoir."
Signé: Paul Painlevé.

Remarques KBC Penmarc'h :
(1) Lire 24
(2) Lire 12
(3) Lire Berrou
(4) Lire Jégou
(5) Lire Stéphan
(6) Lire Tanter
(7) Lire Jézégabel
(8) Lire Tanniou


L'OUEST ECLAIR du 25-05-1925

LA CATASTROPHE DE PENMARCH

27 marins noyés qui laissent 24 veuves
et 45 orphelins

L'Ouest-Eclair ouvre une souscription

pour venir en aide aux familles des victimes.

Il fait appel à tous ses lecteurs.

Nous avons dit hier les circonstances dans lesquelles s'était produite la catastrophe qui vient de plonger dans le deuil, une fois de plus, nos laborieuses et héroïques populations bretonnes.
A la pointe de Penmarc'h, au sud de la baie d'Audierne témoin de tant de naufrages, hélas ! 27 hommes viennent de trouver la mort, les uns dans l'accomplissement de leur rude métier de marin, les autres en se portant au secours de camarades en péril.
27 marins noyés qui laissent dans la misère 24 veuves et 45 orphelins, tel est le triste, le cruel bilan de ce drame affreux de la mer que l'on nous permettra de rappeler brièvement :
Samedi. 23 mai, dans l'après-midi, les bateaux de pêche sortis le matin, avaient dû rentrer en toute hâte au port, fuyant devant la tempête. Deux d'entre eux, le Saint-Louis et le Berceau-de-Saint-Pierre s'engageaient dans le chenal de la Jument lorsque, soudain, ils furent chavirés par une rafale violente.
Les guetteurs du sémaphore donnèrent aussitôt l'alarme.
Quelques minutes après, les deux canots des stations de sauvetage de Kérity et de Saint-Pierre, le Léon-Dufour, patron Bourru, et la Comtesse Foucher, patron Jégou, se portaient à leur secours. Nos marins ne marchandent jamais leur héroïsme c'est dans l'ordre.
Les sauveteurs arrivaient heureusement sur le lieu du naufrage. A terre, on se réjouissait déjà, quand une lame formidable, souleva les deux canots et les fit chavirer.
Ce sinistre sans exemple, terrible dans sa brièveté, brutal, inattendu, loin d'amollir le cœur de ceux qui, de la grève, en étaient les témoins, affermit, au contraire, exalta leur volonté. Il ne serait pas dit que sous les yeux de marins, de Bretons, des hommes périraient sans qu'il fût rien tenté pour leur porter assistance. Et les pêcheurs, sautant dans leurs barques, hissant les voiles, volèrent dans la tourmente au secours des naufragés. Ils réussirent à ramener sains et saufs à terre, neuf marins des deux canots de sauvetage. Neuf sur vingt-quatre, hélas !
Sinistre sans exemple, disions-nous. Sinistre sans exemple surtout par l'étendue des pertes subies par les hardis marins de nos canots de sauvetage, coutumiers d'actes héroïques, toujours prêts à risquer leur vie pour le grand devoir de solidarité, de fraternité, pour l'honneur du rude et beau métier qui est le leur.

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Eh bien ! de tels exemples ne doivent pas être perdus; de tels sacrifices ne doivent pas être vains ! C'est à la presse, à nous, journalistes, qu'il appartient de les signaler, de les glorifier comme il se doit, et de n'en pas laisser se perdre le souvenir.
Mais à ces veuves de héros, à ces mères; à ces orphelins fils de héros, nous ne leur devons pas seulement notre pitié respectueuse et notre admiration, ne leur devons-nous pas aussi une aide immédiate qui délivre au moins leur douleur des soucis matériels du lendemain ?
C'est pourquoi l'Ouest Eclair, certain de répondre à la pensée de ses lecteurs, prend l'initiative d'ouvrir une souscription en faveur des 231 veuves et des 45 orphelins de Penmarc'h.
Et il dit à tous, aux municipalités, aux sociétés et associations, aux groupements quels qu'ils soient : donnez !
Il dit à ses lectrices et à ses lecteurs, riches ou pauvres : donnez !
Donnez aussi peu que ce soit, mais faites ce geste de reconnaissance, ce geste du coeur, qui est aussi un geste de justice et d'humanité.
Notre appel, nous le savons, sera entendu, non seulement en Bretagne, mais dans l'Ouest entier, et partout aussi où nous comptons des amis, et par delà les mers, dans nos colonies, ces terres lointaines qui prolongent la France et où tant de Bretons, de Vendéens, d'Angevins, de Normands et de Manceaux nous lisent, suivent à travers notre journal la vie de "leur petite patrie", participent à ses joies et à ses douleurs.

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Les souscriptions devront être adressées à

M. l'Administrateur de l' Ouest-Eclair 

38, rue du Pré-Botté à 

Rennes Ille-et-Vilaine.


Et porter la mention :
Souscription pour Penmarc'h
Toutes les sommes reçues seront remises à un Comité de secours qui se chargera sur place de la répartition immédiate entre les familles des victimes.

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L'Ouest-Eclair s'inscrit dès aujourd'hui pour la somme de 1.000 francs.


NOTRE ENQUETE A PENMARC'H
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Penmarc'h, 24 mai. (De notre envoyé spécial). Pen marc'h ! Tête de cheval ! Tête de cheval "cabochard" luttant sans cesse contre la mer, qui ronge le rivage petit à petit, chaque jour.
Aujourd'hui, et de si loin qu'on peut voir 1a silhouette du phare qui semble vouloir atteindre les nuages bas d'un ciel chargée d'orage, arbore les trois couleurs en berne, informant le visiteur qu'un deuil national frappe la population maritime et la France tout entière. Hier, deux barques de pêche ont fait naufrage, engloutissant leur équipage. Deux canots de sauvetage ont été chavirés et des veuves, des orphelins pleurent en ce moment. La catastrophe plonge dans la douleur les familles de 27 patrons et matelots qui laissent 24 veuves et 45 orphelins.
Des coursés cyclistes devaient avoir lieu; les as de la pédale. Ohrt, le champion californien, Buron et Marcot, champions des six jours, devaient y prendre part. En signe de deuil elles sont décommandées.
La population, un peu fataliste, ne semble pas abattue. Elle est sensible, mais habituée il ces drames de la mer. Elle se renferme dans sa douleur. On cause, on commente les faits. Sur la route, derrière nous, un convoi funèbre de plus de mille personnes conduit a leur dernière demeure deux vaillants que la mer a rendus. Au large sur les Etocs, la mer se brise furieusement. Des vagues énormes accourent dit large, recouvrent les rives. De l'horizon, le vent de suroît précipite des nuages noirs. Il va pleuvoir d'un ciel de deuil, ajoutant encore de la tristesse aux grandes douleurs humaines.
Nous visitons les deux canots de sauvetage, celui de Kérity-Penmarc'h, le Comte et Comtesse Foucher de Saint-Faron, et, un peu plus loin, celui de Saint-Pierre-Penmarc'h, le Léon Dufour. Tous deux ont bien souffert, les bancs sont brisés, les bordés ont beaucoup travaillé : les caissons à air ont été défoncés. Et pourtant, malgré cela, les deux canots ont flotté. Ils se sont redressés et la mer les a rejetés sur le rivage.
Plus loin, à quelques mille mètres, on aperçoit les deux bateaux de pêche, le Saint-Louis et le Berceau de Saint-Pierre, que la mer a rejetés eux aussi sur la plage à la pointe de Beg Sable.

Ceux que la mer a rendu

Les cadavres ont été trouvés ce matin. La mer ne gardera pas tout. Des veuves et des orphelins pourront pleurer sur une tombe. Nous avons vu quelques rescapés, et quelques morts aussi. Parmi ces dernières victimes du devoir, citons Kerloch, trouvé ce matin sur la plage. Dans la petite chambre du Penty, il habite encore pour quelques heures. Sa veuve et ses proches pleurent. La visite d'un étranger ne les trouble pas, Ils y sont habitués. Les quelques paroles de condoléance que nous adressons à ces pauvres femmes reçoivent une réponse sublime :
"Si ce n'avait pas été lui, ç'aurait été un autre. On ne peut laisser personne périr sans le secourir."
Sur son lit, Kerloch semble calme. La face, un peu tuméfiée par les chocs qu'il a reçu sur les rochers, n'est pas pâle. Il semble dormir.
Plus loin, c'est Berrou Jean, jeune encore, 32 ans, patron de pèche et patron du canot de Saint-Pierre. Il a conduit lui aussi à leur devoir et à la mort les douze hommes qui l'accompagnaient. Maintenant il est là sur son lit de mort, semblant presque sourire à l'idée du devoir accompli. Par l'embrasure de la porte, nous apercevons au large en descendant l'escalier, un navire roulant bord sur bord, en plein travers de la lame. Par moment il disparaît derrière des montagnes d'eau ; seule sa fumée le révèle. Qu'il soit tranquille celui-là aussi, de quelque nation qu'il soit, s'il lui arrivait malheur, ils sont encore plus de mille à Penmarc'h qui feraient volontiers le sacrifice de leur vie pour arracher à la grande mangeuse d'hommes les proies qu'elle convoite chaque jour.

Ce que dit Jégou,
le patron du Comte-et-Comtesse-Foucher

"Roulé par la vague, meurtri de tous côtés, Jégou doit garder le lit. Sa main calleuse, durcie par le filin, serre la nôtre. Nous en sentons une certaine fierté. Il sait qu'en semblables occasions, les journalistes questionnent toujours ; aussi c'est sans difficulté qu'il nous fait le récit suivant :
J'ai été prévenu vers 12 h.45 par des pécheurs, qu'on avait vu au large un bateau en détresse. Je partis aussitôt à la station de sauvetage et cinq minutes après le Comte et Comtesse Foucher prenait la mer. Sur douze que nous étions, j'avais huit canotiers titulaires et quatre volontaires. Pendant que nous mettions le canot à la mer, on aperçut un deuxième bateau, le Berceau de Saint-Pierre, patron Dupouy, en perdition, qui chavira, comme l'avait fait le Saint-Louis, patron Larnicol. Tout l'équipage du Saint Louis se perdit.
J'ai 54 ans. J'ai remplacé mon père en 1900, et depuis je n'ai jamais vu la mer comme je l'ai vue hier. C'est venu d'un coup ; on se demande d'ailleurs comment, en cette saison. Je croyais voir deux hommes encore vivants et nous étions à quinze mètres de l'épave. Et nous poussions. Si je n'avais pas cru voir ces deux vivants à bord, je n'aurais certes pas poussé plus loin, car je me rendais compte que cette fois ce n'était plus ce que j'avais vu d'habitude. D'autre part mes hommes étaient fatigués par une demi-heure de nage et leur effort était beaucoup diminué.
Nous n'arrivions plus à nous tenir comme nous l'aurions voulu. Enfin, nous allons de l'avant, mais nous sommes pris par le courant, nous ne pouvons plus manœuvrer et nous tenir debout a la lame. J'ai guidé mes hommes "Pousse les verts ! Pousse les blancs ! " Une première lame de fond nous prend. Le canot se comporte admirablement. Une seconde lame jette tout le monde a la mer. Une trombe d'eau, monsieur. On raccroche le canot et l'équipage rembarque au complet. Une autre lame surgit et cette fois le bateau roule et chavire. Je cherche à voir ou est l'autre canot de sauvetage, mais tout a coup je m'aperçois qu'il a subi le même sort que le nôtre. Mon équipage et moi nous sommes maintenus presque une heure sur l'eau, agrippes à des épaves, les uns au canot, mais seuls quatre ou cinq d'entre eux purent être sauvés par l'Arche-d'Alliance, bateau de pêche qui rentrait au port.
On trouva un cadavre, mais l'ayant pris par la ceinture, celle-ci céda2 et l'homme coula."

Nous demandons à Jégou ce qu'il pense de son canot

"Oh, monsieur, nous dit-il, aujourd'hui s'il fallait recommencer, nous le ferions tous encore. Il n'y a de la faute de personne, c'est la fatalité. La force a été plus forte que le droit. J'ai autant de confiance dans mon canot aujourd'hui que j'en avait hier mais je n'avais jamais vu de lames comme celles-là. Cramponné au canot, longtemps je l'ai vu rouler comme un fétu de paille Il se redressait toujours, mais un moment moi-même j'ai dû l'abandonner et le canot, poussé par le vent et le courant, s'éloigna de nous avec rapidité. D'ailleurs les deux bateaux étaient bien à flot quand la mer les a rejetés. Aussi n'avons-nous rien à craindre d'eux".
Ajoutons que Jégou n'est pas à son premier sauvetage. Il est titulaire de quinze médailles. Son père, ancien patron du canot, passa la succession à son fils 1900. Jégou père est lauréat du prix Monthyon.

Ce que dit un homme du Léon Dufour


Drezen Corentin, que nous voyons ensuite, était à bord de l'autre canot, le Léon-Dufour, comme volontaire. Lui aussi est alité, souffrant de contusions multiples. Il confirme, à quelques détails près, ce que dit le patron Jégou, mais il ajoute cependant que les ceintures devaient être peu solides2 car de tout l'équipage du patron Berrou, lui seul put conserver la sienne. Dans la tourmente celles de ses camarades furent arrachées. Lui aussi se cramponnait au canot, mais les chocs successifs l'obligeront a tacher prise. Revenu la surface, il vit son canot à flot. Il nous donne un détail navrant
"Avec nous, dit-il, était Larnicol père. Il allait au secours de son fils naufragé. A bord du Berceau-de-Saint-Pierre étaient trois Larnicol : le fils, patron, un autre fils matelot et un gendre. Tous quatre, le père, les deux fils et le gendre ont péri.
C'est une chose extraordinaire qui nous est arrivée. Jamais je n'ai vu cela."

Et comme à Jégou nous lui demandons s'il serait prêt à retourner :

"Certes oui. nous dit-il, il le faut bien d'ailleurs, et quand je serai remis, il faudra bien que je reprenne la pêche. Alors pourquoi ne pas avoir confiance dans un bateau de sauvetage construit spécialement et que j'ai vu se remettre à flot bien que la lame l'ait retourné ? C'est la fatalité, monsieur. Mais encore une fois on n'a jamais vu cela, et malgré tout j'aurais encore confiance.

Des héros

Nous rencontrons M. Le Gall Eugène, patron du Gérald-Samuel, qui a sauvé sept hommes dont cinq vivants et deux morts. M. Le Gall veut bien se prêter a notre Interview

"Après deux jours de mer, nous étions rentrés hier matin à 9 heures et étions restés mouillés en grande rade. Rien ne faisait prévoir le grand drame qui allait se dérouler. L'après-midi, un gros grain s'éleva et bientôt nous aperçûmes deux bateaux en perdition : C'étaient le Berceau-de-Saint-Pierre de Saint-Pierre-Penmarch, et le Saint-Louis, également de Saint-Pierre.
Aussitôt nous appareillâmes, moi et mon mousse à bord, ainsi que quatre hommes dans l'annexe. Bientôt nous fûmes dépassés par les deux bateaux de sauvetage qui à force de rames se rendaient sur les lieux du naufrage.
Au moment on nous arrivons sur les lieux du passage du lieu dit "La Jument" les quatre embarcations chavirèrent, nous réussîmes à sauver cinq hommes vivants qui furent hissés dans notre annexe, deux autres furent repêchés mais hélas, malgré les soins prodigués, ils ne purent être ramenés à la vie. En rentrant au port, étant seul à bord avec mon mousse, le Jeune Baptiste Le Pape, avec le brisant nous avons touché une basse et de ce fait avons perdu notre barre et notre gouvernail. Nous pûmes cependant rentrer remorquant notre annexe avec le peu de voile qui nous restait et à l'aviron.
D'autre part, le bateau de pêche du patron Larnicol, l'Arche-d'Alliance, qui, lui, rentrait derrière les deux bateaux de pêche chavirés, voyant ceux-ci en danger, se précipita à leur secours, il réussit à sauver quatre hommes vivants et un autre qui ne put être ranimé.

Le patron Le Gall raconte tout cela comme si son geste magnifique n'était qu'un acte très naturel. Il a la modestie des vrais héros. La fatalité, comme l'ont dit ces braves gens, est seule cause du désastre. Quand la mer guette sa proie, elle ne la lâche que vaincue par le génie des hommes. Elle fut victorieuse cette fois. Déchaînée en furie, elle ne s'est pas contentée des pêcheurs, elle a voulu prendre les sauveteurs, mais elle les a pris traîtreusement.
Six lames de fond se sont manifestées a des intervalles assez longs pour que les sauveteurs arrivés sur les lieux pussent être engloutis dans le même naufrage que les deux bateaux de pêche.
Après, les bateaux rentrèrent au port tranquillement la mer avait réussi son coup, ci demain après le drame, au flot de jusant, partiront encore des marins, conquérir de haute lutte leur subsistance d'un jour. M. le Préfet du Finistère s'est rendu sur les lieux ce matin et, de ses propres derniers, il a distribué quelques secours urgents. Nous sommes certains que par son intermédiaire, ou par l'intermédiaire d'un parlementaire Breton, le Gouvernement voudra rendre hommage moralement et matériellement à une population si éprouvée que celle de Penmarc'h.

Une messe pour les naufragés


Depuis ce matin, les cloches sonnent lugubrement. Vêtues de longues capes noires, les femmes se rendent à l'église où une messe va être célébrée à la mémoire des 27 défunts. M. Bronkorsi, directeur de l'inscription maritime de Quimper, est arrivé à Penmarc'h.

Les condoléances
du président de la République


Paris, 25 mai. Le président de la République a chargé le préfet du Finistère d'exprimer ses condoléances personnelles aux familles des victimes de la catastrophe de Penmarch en leur faisant distribuer à titre de premier secours une somme de mille francs.

La croix de la Légion d'Honneur
au patron Le Gall


M. Painlevé. président du Conseil, a reçu ce matin M. Daniélou, sous-secrétaire d'État de la Marine marchande, qui est venu l'entretenir des circonstances de la catastrophe de Penmarch.
Le président du Conseil a décidé de conférer la croix de chevalier de la Légion d'honneur à M. Le Gal, patron de la coopérative de Kérity, qui s'est porté seul dans un canot au secours des naufragés3.

L'éloge de la Bretagne


Paris, 24 mai. M. Camille Aymard, dans l'éditorial de la "Liberté" et sous ce titre "Oh Les braves gens" adresse un salut ému à la Bretagne et un hommage aux héros sauveteurs de Penmarch.
"O Pathétique Bretagne ! Te voilà une fois de plus en deuil ! Des cris de désespoir volent vers tes calvaires. Vingt-quatre veuves, quarante-cinq orphelins montrent le poing à l'Océan...
Que de sanglots dans les chambres basses, près des lits clos où sont sculptées les fougères de la lande, les rosaces de l'église et les fuseaux des fileuses, la terre, la foi, le labeur de la femme bretonne.
On se découvre et l'on baisse le front devant ces héros volontaires. Il y a des hommes qui combattent pour leur pays dans les sables du Maroc. D'autres périssent en mer pour le salut de leurs frères. Voilà les vrais hommes, les vrais Français, orgueil de notre race, fierté de notre patrie."4


Remarques KBCPenmarch:

1 23 seulement ? Une veuve (laquelle ?) serait-elle privée de la souscription ? En fait, comme précisé plus haut dans ce même article, ce sont 24 veuves dont il s'agit.

2 Il semble que, contrairement aux dires de la SCSM, les ceintures étaient en mauvais état.

3 Eugène Larnicol n'était pas seul. Il était accompagné de son mousse Baptiste Le Pape et de quatre de ses matelots, Joseph Le Gars, Louis Guégaden (mon grand-oncle), Pierre Riou et Jean-Louis Le Gall.

4 L'éditorial de Camille Aymard dans la "Liberté" résume bien, à lui seul, la glorification des vertus qui justifie le sacrifice de sauveteurs...


L'OUEST-ECLAIR DU 26-05-1925


LA CATASTROPHE DE PENMARCH

La souscription de l'Ouest-Éclair
pour les 24 veuves et les 45 orphelins
des héros de la mer
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Riches ou pauvres, amis lecteurs, donnez!
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Quand nous faisions hier appel nos lecteurs pour venir en aide aux malheureuses familles des victimes de la tragédie de Penmarc'h, nous ne doutions pas que cet appel serait entendu.

Dès aujourd'hui, nous sommes en possession de souscriptions importantes. Un peu partout, il s'est trouvé des gens de cœur qui ont compris leur devoir et ont pensé avec juste raison que ce petit sacrifice est bien minime, comparé au geste héroïque des sauveteurs de Penmarc'h. A tous ceux qui, les premiers, ont répondu à notre appel nous disons merci. Merci pour la veuve qui pleure le disparu, celui qui partageait ses joies et ses douleurs et se penchait avec elle sur les berceaux des tout petits.
Merci pour ces pauvres enfants qui, sans bien comprendre le douloureux mystère de la mort, se rendent compte qu'un malheur a frappé la maison.
Et nous disons à nos autres lecteurs : Donnez, pour soulager la détresse de ces vingt-quatre femmes et de ces quarante-cinq enfants qui ont perdu leur guide le plus sûr. Imposez-vous un tout petit sacrifice, c'est si doux de venir en aide aux malheureux.
Et vous sociétés, municipalités, cercles amicaux, établissements de spectacles, si vous organisez des bals, des soirées, des réunions, des représentations, prélevez une petite obole pour les malheureux de là-bas. Que votre joie se penche un peu sur la douleur. Les femmes de ces héros qui n'ont pensé qu'aux autres, ne doivent pas croire qu'il est des égoïstes qui ne pensent qu'à eux.
Nous savons que nous ne ferons pas en vain appel au cœur de ceux qui nous lisent.

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Demain, nous publierons la première liste des généreux donateurs, liste qui, nous n'en doutons pas, s'augmentera chaque jour de nouveaux noms. Mais, dès maintenant, sans attendre les secours officiels, disons que notre ami M. Jadé, député démocrate du Finistère et notre envoyé spécial M. Le Peillet de Quimper, ont distribué sur place, au nom de nos lecteurs, une somme de 2.000 francs. Il faut que le beau geste se renouvelle. Il se renouvellera.

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Rappelons que les souscriptions devront être adressées à
M. l'Administrateur de l' Ouest-Eclair, 38, rue du Pré-Botté
Rennes (Ille-et.Vilaine).
Et porter la mention :
Souscription pour Penmarc'h.

Toutes les sommes reçues seront remises à un comité de secours, qui se chargera sur place de la répartition immédiate entre les familles des victimes.

La Chambre rend hommage à l'héroïsme des pêcheurs bretons


PARIS, 25 mai. Au cours de la séance de la Chambre, M. Painlevé, président du Conseil, a pris la parole de sa place pour rendre hommage aux victimes de la tempête de Penmarc'h dont il retrace en quelques mots les péripéties.
Il est assuré que la Chambre voudra exprimer son admiration aux 25 héros dont le courage simple et magnifique doit être l'objet du respect national.
Le président du Conseil demande de prendre les mesures nécessaires pour venir au secours des familles; il pense que le Parlement accordera aux sauveteurs les récompenses qui conviennent.
La Chambre tout entière sauf les communistes applaudit. Cette abstention des députés communistes est très sévèrement commentée.
Après M. Painlevé, M. Herriot, président de la Chambre, tient, lui aussi, à s'associer aux paroles élogieuses que le président du Conseil a prononcées à l'adresse de nos héroïques pécheurs bretons.
La Chambre tout entière applaudit de nouveau, sauf 1es communistes que la détresse des 24 veuves et des 45 orphelins semble laisser indifférentes.

Les condoléances du sénat

PARIS, 25 mal. A la fin de la séance du Sénat, le président, M. de Selves, s'est exprimé en ces termes :
« Un deuil nouveau vient de frapper samedi la vaillante population maritime de notre côte bretonne déjà si éprouvée. Le Sénat voudra apporter ses témoignages d'admiration aux héroïques sauveteurs qui n'ont pas reculé devant le danger et exprimer aux familles atteintes par cette lamentable catastrophe de Penmarc'h, sa sympathie attristée. »(Vifs applaudissements unanimes.)
M. Steeg, Garde des Sceaux, a déclaré :
« Le gouvernement s'incline avec douleur et admiration devant ces héros de la côte bretonne qui une fois de plus ont donné la preuve de leur magnifique abnégation. » (Nouveaux applaudissements)

L'exemple d'une municipalité

Orléans, 25 mai. Sur l'initiative de M. Théophile Chollet, maire et député, la municipalité d'Orléans ouvre une souscription publique en faveur des 24 veuves et des 45 orphelins de Penmarc'h. La municipalité s'inscrit d'office pour la somme de 1.000 francs et adresse un chaleureux appel à toute la population orléanaise et à la presse.
« II faut dit-elle, saluer bien bas les héros morts au champ d'honneur, mais il ne faut pas oublier leurs malheureuses familles, car les manifestations platoniques de sympathie ne sauraient suffire. »

Beaux gestes

Paris, 25 mai. La Société de Secours aux familles des marins naufragés, 87, rue de Richelieu, envoie 15.000 francs aux familles des victimes de Penmarc'h.

Paris, 25 mai. M. Arthur Spitzer a fait parvenir à M. Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande, la somme de dix mille francs pour être distribuée immédiatement aux familles des malheureuses victimes de la catastrophe de Penmarc'h.
Au cours d'une séance qu'il donnait Bazouges-la-Pérouse, l'hypnotiseur Lefrançois a fait une quête au profit des familles des victimes de Penmarc'h ; elle a rapporté 91 francs. Le produit en a été adressé à l'Ouest-Éclair. Merci a M. Lefrançois pour sa belle initiative et à la généreuse population de Bazouges.

Une souscription des hôteliers de l'Isère

Grenoble, 25 mai. A l'issue du banquet de la Chambre syndicale de l'Hôtellerie de l'Isère, réunie à l'occasion de l'Exposition de Grenoble, M. Desmars, préfet de l'Isère, a envoyé au maire de Penmarc'h un télégramme dans lequel il lui adressait un témoignage de sincère admiration pour les héroïques marins de Kérity, Saint-Pierre et de toute la côte, ainsi que l'assurance de sa sympathie pour les familles des victimes. A ce télégramme était jointe une somme de 570 francs, produit d'une collecte pour les veuves et orphelins.

A Quimper

Quimper, 25 mai. Dans la salle de l'Odet Palace, gracieusement offerte par M. Le Bourhis, un gala cinématographique aura lieu jeudi soir à Quimper, sous la présidence d'honneur du Préfet du Finistère, du Sénateur-Maire de Quimper et du Directeur de l'Inscription maritime.

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A PENMARC'H

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Quimper, 25 mai. (De notre envoyé spécial). Chaque jour suffit à sa peine, dit un proverbe, et chaque jour, chaque marée, la mer rend des cadavres.
Un ciel gris, des grains passagers, des nuages bas qui vous écrasent...
Ce matin, Berrou, le patron du Lèon-Dufour, a été porté en terre. Il n'était pas mort quand on le recueillit, mais, comme beaucoup d'antres sauveteurs, il venait de déjeuner quand il a pris la mer et il a été victime d'une congestion dans la nuit.
Ce soir, d'autres naufragés iront au cimetière : Coupa, de l'équipage du Comte-et-Comtesse-Foucher ; Le Lay, du Saint-Louis ; Kerloch, du Foucher.
Kérity-Penmarc'h, Saint-Pierre-Penmarc'h et le bourg forment un triangle dont les côtés adjacents au sommet font au moins deux kilomètres. Aussi, au carrefour, les trois convois s'attendent.
Les voici : d'un côté Coupa en son cercueil drapé d'un pavillon tricolore, cabillots et driffes tombant de chaque coté ; Le Lay, de Saint-Pierre dans l'unique corbillard et conduit par sa pauvre vieille veuve assise près du cocher.
D'un groupe de maisons avoisinantes, le vent nous apporte le son d'une cloche. C'est Kerloch qui se rend au rendez-vous des morts.
En cette occasion, nous nous remémorons que tout-à-1'heure, M. Quiniou, le bon recteur de Penmarc'h, tout en buvant un verre de cidre, nous rappela un sinistre ancien vers 1600 ; la flotte d'Audierne fut détruite en une nuit. Un seul bateau échappa au sinistre. On en fit une complainte qui est encore d'actualité.
Dans les arbres, le vent siffle, Penmarc'h s'est modernisé et les fils télégraphiques que le vent fait vibrer pourraient chanter la complainte :

Kant Intanvez eus a voien
A gassas gantho kant lisser ven
Ac int o c'houlen n'eil d'eben
Ha ne peus ket guelet na den ?
Penaus zonj d'och m'eus guelet tro ten
Hag heon o tribu gant cranket melen.

Ce qui veut dire en français :
100 veuves d'Audierne
portèrent avec elles 100 draps blancs
et elles demandèrent l'une à l'autre :
N'avez-vous pas vu mon homme ?
Comment voulez-vous que j'ai vu votre homme ?
Il sert de pâture aux crabes Jaunes. »

Le Légionnaire


Nous poussons plus loin. Il faut voir Le Gall, le patron du Gérald-Samuel, le sauveteur à qui le Gouvernement vient de décerner la distinction de chevalier de la Légion d'honneur. Tous la méritaient peut-être, en tous cas, Le Gall la portera pour tous. Que chacun des sauveteurs rescapés veuille voir dans cette distinction à l'un des leurs, l'hommage de la Nation à la fière population maritime de nos côtes.
Nous réussissons à joindre plus tard M. Le Gall que nous n'avions pas trouvé chez lui. Comme le soir même du drame, il est calme. Son acte fut spontané ; il ne voudrait pas en tirer une gloire quelconque. C'est un marin, c'est tout dire.
J'ai fait, dit-il ce qu'un autre aurait pu faire Un photographe l'attend. Il pose simplement, mais nous nous apercevrons qu'il ne porte pas encore son ruban rouge. Notre ami Jade, député démocrate du Finistère, président du groupe de défense des Intérêts maritimes, d'un geste spontané me tend le sien et me dit : «Mets-le donc à ce brave homme !»
Désormais, un filet rouge ornera son veston. Le Gall ne veut pas accepter, mais un journaliste a toujours raison, et votre serviteur le convainc d'accepter le ruban que lui offrait si gentiment un de nos plus sympathiques députés de notre région bretonne. Quelques pas plus loin, nous trinquons en l'honneur du nouveau promu.

Des héros

Beaucoup nous ont suivi. Quatre d'entre eux sont des rescapés des canots de sauvetage Stéphan, Kérisit, Gourlaouen et Coïc ; ce dernier, le sous-patron du canot Comte-et-Comtesse-Foucher, fut le dernier sauvé.
Quand, dans la tourmente, on voulut le mettre à bord. Il a dit simplement : Non, je suis solide, allez aux jeunes d'abord. Et pourtant ses cheveux gris nous prouvent qu'il a passé déjà la cinquantaine.
Stéphan (25 ans), est lui aussi, dans le coup dur. Nous pensons qu'on voudra bien ne pas oublier ces braves gens.
Et puis encore un autre dont on a peu parlé : Larnicol, le patron de l' Arche-d' Alliance, qui sauva quatre hommes et rapporta également le corps d'un noyé. Larnicol est le frère du patron du Berceau-de-Saint-Pierre qui trouva la mort dans la catastrophe. Lui également n'a rien eu. Comme les autres, nous pensons qu'on ne l'oubliera pas. Ajoutons et ceci n'a pas encore été dit que les canots de sauvetage de Saint-Guénolé et de Guilvinec sont sortis samedi après-midi, au moment du sinistre, mais, malheureusement, ils ne purent se rendre sur les lieux, le temps était trop mauvais. Ils avaient entendu le coup de canon, mais ne purent pousser plus loin malgré la volonté des équipages.


L'Ouest-Éclair distribue
des secours immédiats


Dès notre arrivée à Penmarc'h, notre ami Jean Jade, député démocrate du Finistère et président du groupe de défense des intérêts maritimes, et le représentant de l'Ouest-Éclair à Quimper ont remis à M. le Maire de Quimper une somme de deux mille francs au nom des lecteurs de l'Ouest-Eclair et des députés démocrates du Finistère. Cette somme est à valoir sur la souscription ouverte ce matin par le journal. Nous espérons bien encore avoir l'occasion de porter d'autres subsides aux victimes de Penmarc'h. Au reste nous en avons pris l'engagement, certains que les lecteurs de ce journal voudront sanctionner notre promesse.
H. Le Peillet.

L'Amiral Grout à Penmarc'h


Brest, 25 mai. (De notre correspondant particulier). Le vice-amiral Grout, préfet du 2ème arrondissement maritime, s'est rendu à Penmarc'h.

CE QUE NOUS DISENT
DEUX OFFICIERS DE MARINE

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Lorient, 25 mai. (De notre rédaction Lorientaise). - L'Ouest-Éclair a relaté l'épouvantable catastrophe qui s'est produite dans les eaux finistériennes. L'annonce de ce naufrage a causé la plus douloureuse émotion dans les ports morbihannais. On compatit d'autant plus à la douleur des familles de Penmarc'h que notre littoral, et plus particulièrement les parages de Lorient, a eu à souffrir lui aussi du mauvais temps persistant sur nos côtes. Nous avons eu en effet à Lorient 27 marins, tous de Port-Louis, emportés par la mer, de novembre à l'équinoxe de mars. On verra plus loin qu'un nouveau deuil frappe le petit port de Locmiquélic. On ne peut s'empêcher justement de faire un rapprochement entre toutes ces catastrophes et la date du raz de marée de janvier 1924 qui dévasta notre littoral.
« Il est un fait, nous disait ce matin un officier de marine des plus avertis, et qui fut appelé à se rendre à Penmarc'h au mois de janvier, que depuis le raz de marée on observe que c'est toujours dans la même zone, de la pointe du Raz à l'Ile de Ré, que se sont produits les sinistres si tragiques pour nos pêcheurs, et encore il faut limiter cette zone entre Quiberon et l'Ile de Sein. D'autres constatations troublantes ont pu être faites encore. On a remarqué dans certains parages que des lames sourdes se produisaient fréquemment, formant des cuvettes et des amplitudes monstrueuses de vague». On vu, il n'y a pas très longtemps, dans les courreaux de Groix et de Belle-Ile, des embarcations chavirer et couler alors que la mer ne paraissait que très peu agitée à la surface.
Les fonds sous-marins ont-il été troublés car quelque commotion qui aura ébranlé les assises du sous-sol La région maritime bretonne dont nous parlons a-t-elle fixé plus particulièrement touchée par quelque séisme lointain dont le» effets se sont fait sentir dans les mer» de chez nous. C'est dans le domaine des hypothèse, mais cela explique peut-être bien des choses.
Les remarques de cet officier ont d'ailleurs été faites encore par des marins qui naviguent chaque jour dans les différents parages. Plusieurs ont constaté des phénomènes étranges qu'il importerait peut-être de connaître plus à fond.
Aussi serait-il désirable que les navigateurs et surtout les patrons-pêcheurs en fissent part aux autorités compétentes chaque fois qu'il leur sera donné de les constater.
Un autre officier de, marine, qui connaît particulièrement la navigation dans les parages du phare d'Eckmuhl, nous a donné également son opinion. Il pense que les quatre accidents successifs de Penmarc'h que l'on déplore, ont du se produire sur les brisants, ce qui expliquerait la position des canots de sauvetage que l'on s'accorde partout à reconnaître excellents.
D'autre part, on nous a fait cette observation qui, au point de vue général, a son importance
Tient-on suffisamment compte dans nos ports de pêche, des avis de tempêtes et des bulletins météorologiques. Depuis vendredi soir, 22 mal, le baromètre baissait et samedi matin il marquait 745 millimètres avec tendance à une chute plus accentuée tient-on compte suffisamment de la dépression atmosphérique, et ne serait-il pas sage, indispensable,que dans chaque port nos pécheurs soient mis au courant, par les divers services de la marine, des différents mouvements météorologiques. Nous savons bien que lors d'un avis officiel de tempêtes on hisse les cônes aux différents sémaphores de la côte, mais ces avis n'arrivent souvent qu'après la chute progressive barométrique. Ne pourrait-on pas aviser les pêcheurs du danger qui les guette comme ce fut le cas des marins de Penmarc'h, quelques heures seulement après leur sortie de la rade d'où ils ne devaient plus revenir.
Le Gall.

L'OUEST-ECLAIR DU 27-05-1925

Pour les 24 veuves et les 45 orphelins de Penmarc'h
l' « Ouest-Eclair » dit à ses lecteurs « Donnez ! »
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Riches ou pauvres, apportez votre obole

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Notre appel en faveur des victimes de la catastrophe de Penmarc'h a été entendu de nos lecteurs. De toutes parts nous parviennent des secours et des témoignages d'admiration, d'ardente sympathie pour les héros victimes du devoir et leurs familles éprouvées.
Peut-on, sans être profondément ému, se rappeler cette admirable parole que la veuve d'un des héros de Penmarc'h a prononcée et que notre envoyé spécial a sauvée de l'oubli :
"Si ça n'avait pas été lui, c'aurait été un autre : on ne peut laisser personne périr sans lui porter secours."
Mot sublime d'une femme dont le mari vient de mourir !
Risquer sa vie pour sauver celle des autres, voilà le geste normal de nos pêcheurs, le geste naturel des braves gens de nos côtes.
Et cette autre parole d'un sauveteur rescapé, n'est-elle pas sublime, elle aussi, dans sa simplicité : « Si c'était à refaire, on le referait ».
Oui, vraiment, peut-on sans honte refuser son obole aux 24 veuves et aux 45 orphelins, à celles et à ceux qui nous ont donné et nous donnent chaque jour un si magnifique exemple de courage, d'abnégation, de charité, d'héroïsme. Il ne faut pas, disions-nous le premier jour, lorsque nous avons ouvert cette souscription, il ne faut pas qu'il se mêle à la douleur de ceux qui restent les soucis matériels du lendemain.
Et nous répétons, nous adressant aux municipalités, aux sociétés, aux groupements quels qu'ils soient, aux commerçants, aux industriels, aux particuliers, aux riches aussi bien qu'aux pauvres Donnez !


Rappelons que les souscriptions devront être adressées à
M. l'Administrateur de l' Ouest-Eclair, 38, rue du Pré-Botté
Rennes (Ile-et-Vilaine)
Et porter la mention
Souscription pour Penmarc'h

Toutes les sommes reçues seront remises à un comité de secours, qui se chargera sur place de la répartition immédiate entre les familles des victimes.

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A PENMARC'H,
LA MER REND LES MORTS
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Penmarc'h, 26 mai. (De notre envoyé spécial). On a dit beaucoup de choses sur le drame poignant de la mer il en reste encore à dire. Chaque jour de nouveaux cadavres sont trouvés sur la côte. On en a encore découvert cinq aujourd'hui : Vincent Larnicol, patron du Berceau-de-Saint-Pierre ; Alain Le Calvez, matelot de la même barque ; Thomas Cloarec, un des sauveteurs du Comte-et-Comtesse-Foucher ; Dupuis Julien, patron du Saint-Louis et un de ses matelots, Henri Tanter. La mer les a gardés plus longtemps que les autres.
Demain, M. Daniélou. sous-secrétaire d'État à la Marine marchande, assistera aux obsèques.
Ce matin on a enterré Stéphan Yves, du Foucher ; cet après-midi, deux autres, Biger et Salaün.
Après l'action, après le drame où chacun luttait, les hommes contre les éléments, la mer contre les hommes qu'elle convoitait, le calme est revenu. Le vent a molli. Petit à petit la mer furieuse s'est calmée. Elle ne monte plus à l'assaut des rochers, elle vient lécher la plage, tout doucement. Sommeil perfide dont les réveils sont si dangereux.
La désolation est partout. Sur les routes, dans les rues, on rencontre des femmes en deuil. Broderies et dentelles des coiffes, beaux velours des corsages disparaissent sous la cape noire. Un geste furtif. un mouchoir étouffe un sanglot. Demain, le triste spectacle se renouvellera, et combien de fois encore le verrons-nous, car la mer garde encore treize cadavres.


Les secours

De toutes parts des secours affluent. M. Larnic1, maire de Penmarc'h, petit cousin du patron du Berceau-de-Saint-Pierre, a constitué un Comité qui se chargera de la répartition des secours. Des sommes importantes ont été reçues - mais combien minimes nous l'espérons - à côté de celles qui viendront.
Nous avons pu avoir quelques précisions à ce sujet. La Municipalité de Brest a télégraphié, prévenant qu'elle délibérait pour fixer le chiffre. La criée au thon de Concarneau a envoyé 3.000 francs. La Caisse des Victimes du Devoir, à Paris, s'est inscrite pour 5.000 francs. Amieux frères, de Nantes, 1.000 francs également,
Les municipalités ont adressé des télégrammes de condoléances. Citons parmi celles-ci, celle de Camaret/Mer, celle de la Turballe, de Quimper et celle de Nantes.


Un oubli

La précipitation que chacun a mise pour renseigner le lecteur, a fait oublier des braves dont on a peu parlé. Nous voulons dire Larnicol et tout l'équipage de l'Arche-d'Alliance. Maintenant les langues se délient. On commente les faits.
La population est heureuse de voir récompenser Le Gall, mais elle aurait voulu voir également attribuer la même distinction au patron Larnicol. Tous deux ont lutté violemment, mais le dernier est un timide ; on peut à peine le voir et ceux qui l'ont vu et le connaissent nous ont fait le récit suivant Sans rien vouloir enlever au mérite de Le Gall qui va être décoré demain par un ministre, on pense partout ici que Larnicol est méritant comme lui. Si tous les deux avaient la même décoration, ce serait bien. Larnicol rentrait au port avec son bateau l'Arche-d'Alliance. Il précédait le Saint-Louis et le Berceau-de-Saint-Pierre. Tout à coup, apercevant le drame, il fit demi-tour et, en louvoyant, allait atteindre la Jument, quand sa voile arrière fut déchirée par le vent. Il ne put pas pousser plus loin tout de suite et, sortant du passage dangereux, il rétablit sa voilure. Ayant réussi, il revint sur les lieux, s'y maintint tout le temps et ne rentra au port qu'après avoir réussi à arracher à la mer un cadavre et à sauver quatre hommes. Il ne partit que quand il ne vit plus rien à faire.
Eh bien celui-ci aussi est un brave, nous dit notre interlocuteur. Si sa voile ne s'était pas déchirée, il serait arrivé plus tôt et lui-même aurait pu sombrer comme les autres. Enfin il a sauvé quatre hommes. On devrait bien s'en souvenir et le récompenser. Le malheureux d'ailleurs ne savait pas que dans la tourmente quatre des siens avaient péri. La réplique est juste. M. le Sous-Secrétaire d'État qui demain sera sur place doit connaître ce récit. Il faut qu'il le sache et il aura, pensons-nous, le geste réclamé par la population tout entière si vaillante de Penmarch.


Le gala de jeudi

Nous apprenons que M. Le Bourhis a convié au gala de jeudi soir une délégation des sauveteurs et des rescapés du sinistre. Cette délégation sera conduite par le maire de Quimper et assistera à la séance.


LE TREMBLEMENT DE TERRE
DU JAPON
FUT-IL LA CAUSE LOINTAINE
DE LA
CATASTROPHE DE PENMARC'H ?

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Nous avons exposé hier l'option d'un officier de marine sur la catastrophe de Penmarc'h ou plutôt les suggestions auxquelles cette catastrophe, rapprochée de certains accidents de mer pouvait donner lieu. Cet officier disait notamment :
« Les fonds sous-marins ont-ils été troublés par quelque commotion qui aura ébranlé les assises du sous-sol ? La région maritime bretonne dont nous parlons a-t-elle été plus particulièrement touchée par quelque séisme lointain, dont les effets se sont fait sentir dans les mers de chez nous ? C'est dans le domaine des hypothèses, mais cela explique peut-être bien des choses. »
Dans l'Éclair, le Professeur X... fait la même hypothèse :
Samedi matin, 23 mai, écrit-il, un terrible tremblement de terre a détruit les villes japonaises de Toyooka et Kinosaki et la Ville Sainte, l'ancienne capitale de l'Empire nippon, Kyoto, a été très fortement éprouvée. Le mouvement souterrain, le séisme, a donc suivi la direction du littoral ouest : il n'a duré que trois minutes, de 11 h 10 à 11 h 13 environ, portant sur une étendue de 60 kilomètres. Aujourd'hui, nous savons que ce désastre a causé la mort de 500 personnes et fait un grand nombre de blessés, 1000. La région sinistrée avait été, lors du vaste séisme de 1923, à peu près entièrement épargnée. Le 1er septembre de cette année-là, voici déjà vingt-et-un mois, et un dimanche à midi, le sol nippon fut secoué violemment pendant six minutes.
Rapprochons les deux cataclysmes, en nous rappelant qu'à midi, au Japon, c'est 15 heures en France. Étant donnée la vitesse considérable de l'onde sismique, elle se fait sentir chez nous à peine un quart d'heure après son explosion. Des appareils spéciaux, les sismographes, l'enregistrent exactement comme aspect, intensité, durée. Et alors deux questions viennent à l'esprit :
« Un tremblement de terre a-t-il une répercussion lointaine sur les autres contrées ? »
« Un tremblement de terre peut-il être prévu, dans quelle mesure que ce soit ? »
« Notons, d'abord, ce fait généralement négligé par la météorologie c'est que séisme et volcanismes ébranlent l'atmosphère, cette couche d'air de 80 kilomètres qui enveloppe le globe terrestre. Imaginez, en effet, une excavation, une sorte d'abîme Ils feront cheminée d'appel et l'air s'y engouffre d'où une dénivellation de la pression barométrique, le vent soufflera vers la zone ébranlée. L'éruption volcanique se développe, d'autre part, comme la détonation d'un canon de gros calibre, et elle produit un recul des terrains alentour. Ceux-ci s'effondrent et la mer elle-même se trouve refoulée, sur-pressée, au point de rejaillir en vagues gigantesques.L'air aussi sous cette poussée soudaine a réagit brusquement par des courants rapides et forts, mêlés en contact réel avec ceux de l'océan. De la ces typhons et raz de marée, qui suppriment toute issue vers les navires de secours et aggravent la désolation des zones volcaniques, véritables «terres d'épouvante. »
Ces événements, que la science actuelle ne prévoit pas, ou ne peut que mal soupçonner encore, troublent mystérieusement l'atmosphère, démontent les mers jusque là tranquilles, et surprennent les malheureux hommes qui se seraient hasardés sur de frêles embarcations.
Il en a été ainsi, samedi, sur nos côtes de Bretagne, au large de Penmarc'h, à l'heure précise 15 heures où comme nous l'indiquons, le séisme japonais déterminait une forte dépression à l'entrée de la Manche. Le vent souffla avec une rare violence, soulevant d'énorme vagues et, à 16 heures, les bateaux de pèche en vue de Saint-Pierre-de-Penmarc'h étaient en perdition.
Aussi, conçoit-on tout l'intérêt qui s'attache à la connaissance des séismes.

Un acte odieux
Deux escrocs exploitaient la catastrophe
de Penmarc'h

DOUARNENEZ, 26 mai. (De notre correspondant particulier). Les gendarmes de Douarnenez étant en tournée ont appris que deux individus étrangers au pays, quêtaient au profit des victimes de Penmarc'h. Au cours des recherches faites pour retrouver ces deux étrangers et contrôler l'autorisation leur permettant de recueillir les dons, les gendarmes n'ont pas tardé à découvrir qu'il s'agissait de deux escrocs. Ils purent recueillir le signalement de ces deux hommes et quelques renseignements sur leur identité. Ils ont enfin acquis la certitude qu'ils étaient partis en voiture vers Pont-Croix, et qu'il s'agissait de deux marins pécheurs d'Audierne. Ces renseignements téléphonés le soir même à Audierne ont amené l'arrestation de l'un d'eux, le lendemain matin. C'est un nommé Le Moan Auguste, âgé de 48 ans, marin-pécheur à La Montagne à Audierne, né à Douarnenez. L'autre, Kérivel Joseph, âgé de 48 ans, marin-pécheur au Môle, à Audierne, né à Crozon, se sentant recherché, prit la fuite. Son signalement transmis aux brigades voisines permit son arrestation aujourd'hui même à 10 h. 30 sur la route d'Audierne à Pont-Croix.

Les récompenses aux sauveteurs

PARIS, 28 mai. Au cours du Conseil des ministres de ce matin, M. Daniélou a été chargé de se rendre à Penmarc'h. Le sous-secrétaire d'État, qui quitte Paris ce soir, arrêtera sur place la liste des récompenses à attribuer aux héroïques sauveteurs, de Penmarc'h, après avoir pris connaissance de tous les dossiers qu'il a invité le service de l'Inscription maritime à constituer.

Les dons et souscriptions

Paris, 26 mai. Une somme de 3.000 francs a été remise à M. de Monzie par un donateur anonyme.

Un nouveau service de signaux
est envisagé


BREST, 26 mai. (De notre rédaction brestoise). Notre rédacteur lorientais soumettait hier à nos lecteurs l'opinion de deux officiers de marine sur les circonstances tragiques du naufrage de Penmarc'h et sur la question des signaux.

Nous apprenons de source sûre que le Président de la Ligue Maritime et Coloniale Française qui prend l'intérêt que l'on sait à toutes les choses de la mer et particulièrement aux conditions d'existence des pécheurs, s'est préoccupé depuis déjà longtemps d'un service d'informations dans chaque port de pêche. Cette organisation de grande envergure comprendrait la création et la réglementation de nouveaux signaux de jour et de nuit, destinés, le cas échéant, à prévenir les pêcheurs de chaque port qu'il y a danger à sortir ou à tenir la mer.

Un joli geste des marins Hollandais

Le vice-amiral Grout nous communique la note suivante :
«Le vice-amiral commandant en chef, préfet maritime, fait savoir qu'une souscription a été généreusement ouverte par les états-majors et marins hollandais qui séjournaient sur notre rade au moment de la catastrophe de Penmarc'h. Cette souscription s'élève à 2.000 francs. Elle sera adressée à l'administrateur de la marine à Quimper.»
D'autre part, le vice-amiral Grout, a adressé aux services du 2ème arrondissement maritime la communication suivante :
«Le vice-amiral commandant en chef ne fera pas ouvrir de souscription générale à l'occasion de la catastrophe de Penmarc'h. II laisse chacun libre de contribuer soit isolément, soit par groupe, à l'assistance donnée aux familles endeuillées.»

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UNE PENSION POUR LES FAMILLES
DES VICTIMES DU DEVOIR

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M. Léon Berthault, président de la Société des Hospitaliers Sauveteurs Bretons, dans une lettre fort intéressante, nous suggère une idée qui recevra, nous l'espérons, le meilleur accueil en haut lieu.
Après avoir rendu hommage aux sauveteurs de l'incendie de Béziers, aux héros du Commandant-Viort et à ceux de Penmarc'h, M. Léon Berthaut examine les moyens les plus pratiques de venir en aide aux familles des victimes du devoir.
Voilà quelque 25 ans, écrit-il, que fut adopté par la Chambre des Députés le principe de la loi Farcy en faveur des héros victimes de leur dévouement. Avec la Ligue Maritime Française, avec le Syndicat de la Presse Maritime, les Hospitaliers Sauveteurs Bretons remirent à l'ordre du jour des Congrès (1902, 1908, 1923) ce principe d'équité sociale mais il n'y eut pas de suite légale et pratique !
C'est pourquoi la Fédération Nationale, animée par mon vieil ami Raymond Pitet, grand sauveteur lui-même, reprit l'idée et la fit sienne. M. Antériou, le plus récent président de la Fédération, devait présenter de nouveau à la Chambre ce projet d'intérêt public ; devenu ministre des pensions, il ne manquera pas sans doute de se faire remplacer, au besoin, dans cette noble tâche, qu'il avait à cœur de rendre féconde.
II s'agit purement et simplement d'assimiler le Sauveteur victime du devoir au soldat qui tombe sur le champs de bataille. C'est en vain que l'on arguerait, pour se dérober à une si évidente obligation collective, de la détresse du Trésor public. Les économies ne se réalisent pas sur un tel chapitre ! Et les ressources, d'ailleurs, sont faciles a trouver, sur les jeux par exemple. Je suis aussi convaincu que les grandes Compagnies d'assurances maritimes, sur la vie, contre l'incendie, ne demanderaient qu'à intervenir. Il suffirait d'un prélèvement de un centime par franc sur les primes. Ce moyen n'est pas le seul à employer.
Dans tous les cas, il n'est que juste et opportun d'agir. Il faut demander à la nation de prévoir dans ses lois un acte d'équité en faveur de ceux qui contribuent pour une si large part au maintien de son honneur le plus pur, de ses vertus les plus discrètes mais aussi les plus indiscutables.

Remarques KBC Penmarch :
(1) Lire Larnicol


Remarques KBC Penmarch sur le chapitre :
LE TREMBLEMENT DE TERRE DU JAPON FUT-IL LA CAUSE LOINTAINE DE LA CATASTROPHE DE PENMARC'H ?

La corrélation entre les deux phénomènes semble bien tirée "par les cheveux" !

Quelques repères horaires :
En 1925, l'heure de Paris était la même que l'heure de Londres (GMT +0)
Par Ordonnance Impériale Japonaise n°51 de 1886 (en vigueur jusqu'en 1937), le décalage Paris / Tokyo en 1925 était de GMT + 9h00.



Contrairement à l'affirmation de l'article, à 15h00 en France, il n'est pas midi mais minuit au Japon.

Le 23 Mai à 11h00 (Kyoto), heure du séisme, il était 2h00 à Penmarc'h. Ainsi, l'onde de choc aurait mis 11h00 pour avoir un effet sur la côte Bretonne...et non à peine un quart d'heure, comme dit dans l'article.

Enfin, l'article parle d'un naufrage à 16h00, heure de Paris, alors que celui-ci a eu lieu peu après 13h00.


L'OUEST-ECLAIR DU 28-05-1925

A la recherche des causes de la catastrophe de Penmarc'h


L'affreuse catastrophe du 23 mai qui, en moins d'une heure, a causé la perle de deux bateaux de pèche et des deux canots de sauvetage de Penmarc'h, en faisant 27 victimes, ramène une fois de plus l'attention sur cette côte constamment battue par la mer, et qui a été si cruellement éprouvée au cours des dernières années.
Les vaillants marins qui ont miraculeuse ment échappé à la mort ont relaté le caractère exceptionnel des lames énormes qui, à la façon d'un génie malfaisant placé en embuscade, ont englouti successivement les quatre embarcations qui ne sont présentées à l'entrée du passage de la Jument.
Cependant, si douloureux que soit ce sinistre, il n'a pas surpris ceux qui ont eu l'occasion de fréquenter ces dangereux passages.
Si l'on jette un coup d'œil sur la carte, on constate que trois passages principaux donnent accès au petit port de Kérity-Penmarc'h : le chenal du branket ou de la Jument, à l'ouest du plateau des Etocs, et les chenaux de Penarguer et de Touliec, dans l'est. Dans le premier, entièrement exposé aux vents d'ouest, et passant sur de très petits fonds, la mer brise à blanc par mauvais temps, tandis qu'elle est toujours maniable dans les deux autres, protégés par de nombreux plateaux de roches.
Or, c'est par le chenal de la Jument, que le Saint-Louis et le Berceau-de-Saint-Pierre, surpris par la bourrasque, ont essayé de gagner le port, et à en juger par les renseignements recueillis, c'est à l'entrée même du passage que les bateaux assaillis par des lames monstrueuses, ont été littéralement roulés par la mer.
Il me sera permis, à ce propos, de relater un incident de ma carrière maritime survenu en cet endroit précis, en 1902, au torpilleur 130 et qui montre d'une manière frappante le danger de ce passage où la mer est particulièrement sournoise.
Il faisait un temps magnifique, mer calme avec petite houle de l'ouest. Les deux torpilleurs qui me précédaient s'étaient engagés sans incident dans le chenal de la Jument, et je les suivais, sans appréhension lorsque, par le travers de la roche Branket, ayant commandé de venir à droite pour suivre le deuxième tronçon du chenal, je vis, à ma grande surprise, le torpilleur venir à gauche, le cap sur la roche dangereuse de Men Coquette.
Croyant que mon ordre avait été mal compris, je me penchai dans le kiosque pour le répéter au timonier, qui me montra qu'il avait bien mis la barre toute à droite. En même temps, l'arrière était soulevé par une grosse lame qui nous avait pris par la hanche de bâbord, et menaçait de nous faire venir en travers. Je n'eus que le temps de stopper et de battre en arrière, ce qui permit à la lame de nous délasser, et d' « étaler » le torpilleur a quelques mètres des roches. La mer redevint calme, et je pus rejoindre sans difficulté mes camarades qui ne s'étaient même pas aperçus du danger que nous avions couru.
Préoccupé par l'étrangeté et la soudaineté de cette lame, je me renseignai, et j'appris que le même fait s'était déjà produit, si bien que les instructions recommandaient d'éviter ce chenal par mer houleuse.
L'examen attentif de la carte permet d'expliquer ce phénomène. On constate en effet, que la ligne des fonds de 50 mètres passe en certains endroits à moins de 200 mètres des roches qui forment l'accès de la chaussée comprise entre la Jument et les Etocs, qui se présente ainsi comme une sorte de muraille s'élevant presque verticalement du fond de la mer. On conçoit que les ondes inférieures de la houle, se heurtant à cette barrière, se propagent en hauteur, donnant naissance aux énormes « lames de fond » dont les méfaits sont d'autant plus à craindre que rien ne permet d'en prévoir l'approche.
Est-ce là la cause du sinistre du 23 mai ? C'est très probable. Il n'y avait que très peu d'eau dans le chenal, et les lames poussées par le vent de sud qui soufflait en tempête, après avoir déferlé sur le plateau de Men Cren, devaient balayer complètement le passage en roulant leurs volutes à la façon des rouleaux qui se forment sur la barre de certains fleuves et de la plupart des plages africaines. Je ne veux pas dire par la qu'il y a eu faute de la part des malheureux pécheurs qui, ayant franchi sans encombre le chenal de la Jument des centaines de fois, ont cru bien faire en prenant par le plus court, ce que tout le monde eût fait à leur place. Mais la leçon qui se dégage de ce tragique événement ne doit pas être perdue, et comme il n'y a rien qui puisse résister à la violence d'une mer déferlante, le mieux est de ne pas s'exposer à ses coups.
Il faut que le chenal de la Jument soit expressément considéré comme impraticable par mauvais temps, surtout à basse mer, et recommander de la manière la plus formelle du ne jamais s'y engager sans une absolue nécessité. La route par le chenal de Penarguer sera couvent plus longue, mais ce sera la plus sûre, et en la suivant on n'aura pas à redouter de ces catastrophes soudaines devant lesquelles l'héroïsme et l'habileté des marins les plus expérimentés restent impuissants.
Commandant RONDELEUX,
C. Frégate E. R.

Comment se sont perdus
les équipages sauveteurs

Paris, 27 mai. La Société centrale de sauvetage des naufragés vient de recevoir les premiers rapports télégraphiques sur le drame qui a coûté la vie à la plus grande partie des équipages de ses deux canots, celui de Kérity et celui de Saint-Pierre-de-Penmarch.
Leurs cas sont très différents.
Le canot de Kérity est du type dit à Redressement c'est-à-dire que, lorsqu'il chavire, la quille en l'air, il se redresse automatiquement. Les hommes n'y sont pas attachés, ce qui serait folie, mais se tiennent au moyen d'une sorte de bracelet en cuir passé au bras et d'une bouée qu'ils tiennent entre les jambes ; bracelet et bouée sont fixés la coque. Quand l'embarcation chavire, les marins demeurent à leur banc et se retrouvent bientôt dans une position normale, sans même avoir risqué l'asphyxie, car l'air entraîné par la coque dans sa rotation les en préserve.
Le canot, assailli par une grosse vague, a chaviré, puis s'est redressé, comme il l'avait fait déjà plusieurs fois. Mais, le choc ayant sans doute été d'une violence exceptionnelle, tous les hommes - sauf le sous-patron Coïc - ont lâché leur bracelet et sont tombes à la mer. Tous bons nageurs, ils ont rembarqué immédiatement. Alors, avant qu'ils aient eu le temps de reprendre bracelets et bouées, une autre vague a fait chavirer de nouveau le canot et, cette fois, ils n'ont pu le rejoindre. Sept d'entre eux se sont noyés.
Le canot de Saint-Pierre, lui, n'est pas combiné pour le redressement automatique. Mais il est doué d'une très grande stabilité qui réduit au minimum - sans cependant les supprimer tout à fait, parce que ce n'est pas possible - ses chances de chavirement.


Il n'a pas chaviré, en effet. Mais, voyant arriver une lame énorme, le patron a fait la manœuvre classique en pareil cas : Il a tourné l'avant vers elle. Le canot s'est alors « mâté » presque verticalement le long de cette muraille d'eau et, dans ce mouvement brusque, il s'est en quelque sorte vidé de son personnel. Huit de ses marins ont disparu. Ce qui explique comment des secousses aussi violentes ont pu se produire, c'est que les deux canots, pour tacher de sauver les barques Berceau et Saint-Louis, qui allaient à faire côte, se sont portés tous près des brisants là où les lames atteignent la plus grande hauteur et sont le plus irrégulières. Ils ne l'ignoraient pas du reste, et c'est ce qui fait la beauté de leur dévouement. La confiance qu'ils mettaient dans leur matériel était justifié, mais il y a des forces naturelles contre lesquelles tous les efforts des hommes demeurent vains, comme tous leurs calculs.
Les deux canots, poussés par les vagues, sont revenus s'échouer à la plage, n'ayant que des avaries légères. Ils seront bientôt réparés et reprendront leur service dans peu de jours. Ni à Kérity ni à Saint-Pierre, les volontaires ne manqueront pour leur constituer de nouveaux équipages, et risquer encore leur propre existence eu essayant d'en sauver d'autres.
Aux yeux de la population maritime, une question se pose maintenant. Ne doit-on pas songer a doter au plus tôt les trois stations de Penmarc'h de canots à moteur ?
« Si nous, avions eu un bateau rapide, a déclaré le sauveteur Couron, de Saint-Guénolé, nous n'aurions pas à pleurer aujourd'hui vingt-sept de nos amis. Nous ne pouvions, hélas compter que sur nos bras pour faire avancer notre canot, et la mer était si mauvaise, que nous ne faisions pas plus de 100 mètres en 25 minutes.
« Avec un solide canot moteur, nous serions capables de tout. »

A PENMARC'H

Le Sous-Secrétaire d'État
à la Marine marchande
décore Le Gall et Larnicol


Penmarc'h, 27 mai. (De notre envoyé spécial). Cette nuit, vers 23 heures, le vent a changé. Un nouveau coup de suroît sévit en ce moment. La mer est de nouveau démontée. La pluie ne cesse de tomber. Aujourd'hui auront encore lieu des obsèques. Ce matin, c'est Thomas Cloarec qui sera conduit à sa dernière demeure ; ce soir, les quatre autres matelots qu'on a retrouvés hier prendront place à ses côtés.
Près de la mairie, dès 9 heures 45, les groupes se sont formés qui attendent le ministre. Nous apprenons qu'au point du Jour, ce matin, un autre sinistre a failli se produire. Les pécheurs Garrec Philibert et Hélias Alain étaient montés dans une embarcation qu'un coup de vent fit chavirer. Taniou Pierre et ses deux fils se précipitèrent aussitôt à leur secours dans un canot à voile et réussirent à les sauver. La mer n'avait-elle pas fait assez de veuves et d'orphelins ?
La mer a encore rejeté un cadavre ce matin. Douze familles auront elles 1a triste consolation d'enterrer ceux qui leur sont chers? Maintenant que la mer est de nouveau déchaînée, les recherches seront difficiles et les corps ne remonteront plus que dans quelques jours à la surface.

Deux croix

Des autos arrivent. M. Daniélou, accompagné d'un secrétaire, son fils, et de MM. Rischmann, préfet du Finistère ; Louppe, sénateur et conseiller général du Finistère ; Bronkorst, directeur de l'Inscription maritime ; l'amiral Touchard, président de la Société Centrale des Sauveteurs de France ; Grangeon de l'Epinay, administrateur de la même Société se rendent a la mairie dont le drapeau est en berne.
M. Daniélou annonce qu'il apporte deux croix au lieu d'une. Notre demande était exaucée. Le Président de la République avait voulu que ces deux croix si bien méritées fussent prises sur son contingent.
Quand les braves gens de Penmarc'h apprirent l'heureuse nouvelle, leurs visages s'épanouirent malgré la tristesse du moment.
Après une visite à Mme Gloarec, la veuve du défunt qu'on allait enterrer, M Danielou et sa suite se recueillirent un instant sur le môle d'où samedi dernier on pouvait apercevoir le drame qui se déroulait.
M. Bronkorst remarqua alors Kerloch, âgé de 68 ans, chevalier de la Légion d'Honneur, un ancien patron du Léon-Dufour le canot de Saint-Pierre-Penmarc'h, naufragé lui aussi, et le présenta au ministre. Kerloch nous conduit vers son canot. Les larmes aux veux il nous raconte son histoire : un gars du pays lui rappelle qu'ils restèrent quatre heures en mer, un jour pour recueillir des naufragés. Récit émouvant : d'un geste furtif on essuie une larme qui perle. L'ancien patron nous montre au loin une quille en l'air c'est celle du canot chaviré ce matin.
Mais le glas tinte pour les obsèques de Cloarec. Les autorités pénètrent dans l'église pour assister à l'office.
Puis c'est le cimetière : casquette chapeaux ou bérets bas sous l'averse qui fouette le visage, on écoute, recueilli, les paroles de consolation que le ministre adresse au nom du Gouvernement aux veuves et aux orphelins, à ceux qui ont encore une rude lâche a remplir pour gagner le pain quotidien.

La remise des récompenses

13 heures 30. Sur le môle, près de la station de sauvetage, la foule est dense malgré la pluie qui tombe toujours. Dans l'abri du canot se sont groupées les veuves, les sauveteurs et les rescapés. Très ému, M. Daniélou parle aux veuves, à tous.
Puis il appelle Le Gall : C'est les larmes aux yeux , lui dit-il, que le Président Painlevé m'a chargé de vous remettre cette croix, en attendant qu'elle vous soit remise plus solennellement par vos pairs.
Le ministre et le pécheur s'embrassent. Ils ont tous deux les larmes aux yeux. C'est poignant.
Larnicol est l'objet de la même cérémonie intime. Il semble être étonné. Il a fait son devoir, certes. Dans cette âme de brave et de timide, il ne trouve rien à dire, mais M. Daniélou a du sentir sa poigne dans son étreinte.

Puis M. Daniélou fait part qu'il apporte, au nom de son collègue M. de Monzie, 3.000 francs à remettre a trois de ceux qui furent des braves et il annonce que 1.000 francs seront accordés à chacune des trois personnes suivantes : Le Gall, Larnicol, Coïc le sous-patron du Comte-et-Comtesse-Foucher.
Puis M. Daniélou lit le palmarès des autres récompenses. Il a tenu à faire graver sur chaque médaille le nom de celui à qui elle est attribuée pour en fixer à jamais le souvenir. Ce souvenir doit rester ineffaçable.
Au reste, voici le palmarès des distinctions accordées aux sauveteurs et équipages rescapés :
Barque Gérald-Samuel : Le Gall, patron, Légion d'honneur et médaille de vermeil ; Le Gars, Guégaden Louis, Riou, Le Gall J.-L., médaille d'argent de 1" classe. Baptiste Le Pape, le mousse de Le Gall, médaille d'argent de 2" classe.
Équipage de l'Arche d'Alliance : Larnicol, Légion d'honneur et médaille de vermeil . Gourlaouen1 , Le Corre, Gourlaouen2, Tanter, médaille d'argent, de 1" classe. Gourlaouen Yves, médaille d'argent de 2' classe.
Equipages des canots de sauvetage : Coïc, médaille de vermeil ; François Gourlaouen, Stéphan3, Kerisit, Thomas Stéphan, Bourgrain, Tanneau, Drezen, médaille d'argent de 1" classe.
Mais il y a des veuves. Pour elles c'est l'âpre vie sans soutien qui commence. L'orphelin dira « J'ai faim.» Aussi pour elles ce sont des subsides et des mains de M. Daniélou et Bronkorst elles reçoivent des secours en argent. Elles sanglotent.
Mais il tant partir. Demain, ce ne sera pas encore l'épilogue du drame. Des jours de tristesse suivront, hélas !...

Les Secours

Dès à présent, environ 1.800 francs à 2.000 francs ont été distribués à chaque famille. Ainsi prions-nous instamment les donateurs de vouloir bien adresser leur offrande, soit à l'Ouest-Eclair, soit à M le Maire de Penmarc'h, qui constitue un comité.
Sous apprenons que les usines Griffon et Tirot ont souscrit chacune pour 1.000 fr.

Et Jégou ?

Nous avons parlé hier en faveur de Larnicol. Laissera-t-on Jégou dans l'oubli le plus complet alors qu'après 25 ans de commandement du canot de Kérity il méritait la confiance de ses canotiers. Nous avons voulu recueillir de la bouche de Coïc, son sous-patron, ce qu'il en pensait :

« Il n'y a pas plus brave que lui dit-il, et c'est moi-même qui ayant aperçu deux naufragés luttant contre la mort, l'en avertis. Alors pour Jégou le canot ne parait plus aller assez vite. Poussez, les verts, poussez, les blancs dit-il. Et c'est à ce moment que la mer nous a roulés. Nous sommes remontés dans le canot, mais 1a deuxième fois, c'était fini.
« Jégou, comme beaucoup d'autres n'avait pas de ceinture de sauvetage, mais il n'avait pas peur. C'est la fatalité. Jégou est un marin.»
Nous pensons que pour l'un comme pour l'autre, et nous croyons que pour Coïc c'est à peu près fait, la Chancellerie pourrait réparer ce qui pour l'instant semble être une injustice.

                                      La soirée de gala à l'Odet Palace
                                                          au profit
                                  des veuves et orphelins de Penmarc'h

Cette soirée, nous en sommes certains, fera salle comble. M. Le Bourhis a pris un comité de contrôle et nous avons espoir que la recette sera fructueuse. Un programme des mieux choisis est réservé aux gens de cœur qui tiendront à apporter leur obole.
M.1e Maire de Penmarch conduira une délégation de sauveteurs et de rescapés au gala qui sera présidé par MM. le Préfet du Finistère, le Sénateur-Maire de Quimper Bronkorst directeur de l'Inscription maritime.
Alons donnez, donnez encore.
L'Ouest-Eclair a signalé que le jour du sinistre de Penmarc'h, la barque Sainte-Barbe d'Audierne, rentrait au port quand, prise elle aussi dans la tourmente, elle s'échoua au large de ce dernier port. L'équipage put être sauvé à. l'exception de Bourhis Noël dont la veuve, qui habite Plouhinec, va être mère. Ne pourrait-on pas la comprendre elle aussi dans la même réparation que ses sœurs de Penmarch ? Nous espérons qu on voudra bien nous entendre.

Note de la rédaction : Mme Bourhis Noël peut être assurée que l'Ouest-Éclair ne l'oubliera pas lors de la répartition des secours qui sera faite de la souscription ouverte auprès de nos lecteurs.

Remarques KBC Penmarch :
(1) Guillaume Gourlaouen
(2) Pierre Gourlaouen
(3) Nonna Stéphan


L'OUEST-ECLAIR DU 29-05-1925

Pour les 24 veuves de Penmarc'h
et les 45 orphelins

LA SOUSCRIPTION OUVERTE PAR L' "OUEST-ÉCLAIR"
ATTEINT AUJOURD'HUI 29.060 FR. 90
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Les beaux gestes des tout petits
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A combien de beaux gestes cette souscription aura-t-elle donné lieu, à combien de témoignages vraiment touchants.

Hier matin, c'est un petit garçon de 7 ans, Alain Soyer, de Rennes, qui se présente à nos bureaux et brise devant nous sa tirelire :
« Pour les petits enfants de Penmarc'h, dit-il simplement, prenez tout ! »
La tirelire contenait 6 fr. 50 ! 6.50 en sous. Une seule pièce de deux francs en argent.
Qu'on réfléchisse à ce que représente de contrainte, de sacrifices à la sagesse et de joies vives aussi, pour un enfant, cette somme amassée sou par sou jour par jour !

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Des souscriptions d'enfants, nous en avons reçu des centaines ! II faudrait pouvoir publier toutes ces lettres si belles qui les accompagnent elles sont trop ! Qu'on nous permettre au moins d'en publier quelques-unes:

Département, de la Manche
Arrondissement d'Avranches
CANTON DE DUCEY
Monsieur l'administrateur de L'Ouest-Eclair,
Elèves de l'Ecole publique de garçons de Précey, nous voulons venir en aide à nos petits camarades de Penmarc'h, orphelins, victimes du dévouement de leurs pères.
C'est pourquoi nous avons volontairement puisé dans nos tirelires le montant de la somme que nous vous envoyons par mandat (soit 39 fr. 30 centimes.)
Agréez, Monsieur, nos sincères amitiés.

Suivent les noms des enfants qui ont eu ce beau geste :
Blin André, Besnard Remy, Blin Raymond, Baudry Paul, Paul Chaignon, Lebreton Albert et Victor, Léon Desclos, Lair Pierre, Octave Louis et Maurice, Lepetit Jules, Liéron Albert, Fleury Louis, Porée François, Micouin François.
N'est-ce pas touchant ?

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Et puis, c'est la petite boite que nous avons reçue ce matin. Oh ! la jolie petits boite, bien ficelée, soigneusement recommandée et garnie de ses huit cachets de cire rouge réglementaires. Une lettre l'accompagnait, si émouvante dans sa simplicité, que nous ne pouvons résister au plaisir de la faire connaître. La voici.
Une petite fille de quatre ans et
demi et son frère qui a trois ans, ont
vidé leur tirelire et vous prient, mon-
sieur, d'en envoyer le montant aux
petits enfants de Penmarc'h qui n'ont
plus de papas.
26 mai 1925.

La petite boite porte le cachet de la poste de Pantorson ; rien d'autre pas de nom, pas d'adresse. Je l'ouvre d'une main que l'émotion fait trembler. Le merveilleux spectacle ! les doux et bons petits cœurs ! Ah ! la belle chose !
Il y a la un trésor des gros sous, des petits - pièces de bronze ou de nickel soigneusement rangés par piles distinctes et, dans un angle, une pile de pièces de 1 franc. Combien en tout ?... 25, 30 francs. Je ne veux pas le savoir, je ne veux pas détruire la belle ordonnance, œuvre des chères petites mains... D'autres compteront.
Je regarde. Je ne puis détacher mes yeux de l'incomparable trésor lentement amassé, fait de sous et de quelques francs très anciens auxquels le temps a mis sa patine et que tache le vert-de-gris... Ma gorge se serre. Je relis la lettre « aux petits enfants de Penmarc'h qui n'ont plus de papas ». Combien en tout ? vingt-cinq ? trente francs ? Qu'importe. Votre geste, bons petits cœurs, est sans prix 1
A. MOREUX.
Voir en 4e page, la liste de souscriptions.

Une bonne idée


Un de nos dépositaires nous adresse la lettre suivante :
Un certain nombre de lecteurs de L'Ouest-Eclair désirant verser pour les veuves et orphelins de Pemmarc'h, sont assez embarrassés pour vous adresser 0.50, 1 ou 2 fr. à causse des frais. Afin de permettre tous de participer à une bonne œuvre, ne vous serait-il pas possible d'autoriser vos dépositaires à recevoir les souscriptions et à les adresser au journal à une date à fixer par vous? L'idée est bonne. Nous serons très heureux de voir nos dépositaires, prendre l'initiative de réunir les souscriptions de nos lecteurs.
Ces souscriptions pourront être envoyées à l'Ouest-Eclair au moment où le dépositaire le croira opportun.

A Penmarc'h

Penmarc'h, 28 mai. (De notre envoyé spécial.) La mer garde encore des morts. La tempête ne s'est pas calmée et la pluie n'a cessé de tomber que dans l'après-midi. La houle du large se brise encore sur les récifs de la cote. La période des mortes-eaux et le coup de suroi font les recherches difficiles. Cependant des vaillants ont voulu rendre les corps aux veuves et aux orphelins. Dans l'après-midi, à la basse mer, beaucoup sont partis. Ils ont pu ramener deux corps aujourd'hui. Ce sont ceux de Jézégabel, du Comte-et-Comtesse Foucher, et de Stéphan Pierre, du Berceau-de-Saint-Pierre. Onze veuves attendent encore qu'on leur rapporte celui qu'elles pleurent.
Mardi, une accalmie avait permis à des bateaux de sortir ; leurs équipages répandaient de l'huile pour apercevoir sur les fonds les cadavres que la mer roulait sur les rochers. Maintenant, il faut attendre.
Demain, on enterrera Jézégabel et Stéphan, et d'autres jours lugubres suivront.

Un don de 60.000 francs ?

Quimper, 28 mai. (De notre correspondant.) Nous apprenons qu'entre son retour à Quimper et son départ pour Paris, M. Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande, aurait reçu d'une personne qui jusqu'à ce jour n'a pas voulu se faire connaître, une somme de 60.000 francs pour les veuves et orphelins de Penmarc'h.


Les ceintures de sauvetage étaient-elles usées ?

Un de nos lecteurs de Penmarc'h, connaissant d'autant mieux les choses de la mer qu'il est lui-même marin, nous fait part d'une observation que lui et quelques autres personnes ont pu faire à la suite de la catastrophe.
Je laisse de côté, nous dit-il, tout commentaire. Je veux tout simplement parler de l'état des bateaux de sauvetage et tout particulièrement du matériel. Il est bien entendu que tout a été prévu, mais il y a cependant une lacune, c'est le remplacement d'urgence du matériel usé, surtout des ceintures de sauvetage qui sont, comme on le sait, d'une importance primordiale pour le canotier.
Ces ceintures sont capelées sur l'homme. Quoi qu'il arrive, ce dernier doit rester à la surface.
Or, aucune ceinture n'a été trouvée sur les cadavres ni sur les survivants, ce qui fait penser que ces ceintures étaient hors d'état de supporter le moindre effort, d'où la noyade inévitable.
Ce détail méritait d'être signalé.


L'OUEST-ECLAIR DU 30-05-1925

POUR LES FAMILLES HÉROS DE PENMARC'H
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Le total des quatre premières listes
est de 47.970 francs


De partout les mandats affluent : grosses sommes, humble obole du pauvre. Et la souscription que nous avons ouverte pour les veuves et les orphelins de Penmarc'h grandit, s'élargit, s'enfle aux proportions d'un beau fleuve qu'alimentent mille et mille rivières, mille et mille ruisseaux sur son parcours : elle atteint aujourd'hui 45.970 francs.
Mais ce qui donne son prix ce bel élan de charité, ce n'est pas tant l'importance des sommes recueillies que le nombre des souscripteurs. Quel beau livre d'or l'on ferait s'il était possible de rassembler et de publier toutes ces lettres si belles, si pleines de cœur, si nobles ou si touchantes que nous adressent nos lecteurs. A chacun l'on voudrait pouvoir dire un merci particulier, aux humbles gens surtout, à ces pauvres qui prennent sur leurs maigres gains pour soulager une misère qu'ils savent encore plus grande que la leur.

Je vous envoie 2 fi: 50; ce n'est pas beaucoup, mais c'est tout ce que je puis faire, je vous assure nous écrit une veuve de marin.
« Un mandat de 2 francs, remarque un petit retraité, c'est peu pour une si grande misère, je le sais mais je suis pauvre moi-même. Excusez-moi.»

Ce brave homme prie qu'on l'excuse, alors qu'on le doit féliciter de son admirable geste.
Qu'on lise aussi cette lettre d'un ancien combattant, aveugle de guerre :

« Comme ami de L'Ouest-Eclair, je vous adresse un mandat de cinq francs pour venir en aide aux pauvres petits orphelins de Penmarc'h et à leurs mamans, femmes de ces héros de la mer dont vous avez exalté si justement le noble sacrifice. Mon obole est minime, car je ne suis qu'une pauvre victime de la guerre ; j'ai laissé mes deux yeux en Champagne et depuis six mois ma santé ne me permet plus de travailler.»
Oh ! l'admirable charité des humbles et des pauvres.
Et l'on voudrait pouvoir dire merci en particulier à chaque enfant qui nous a écrit « aux trois petits frères », à « Paulo et Lili», au petit Salaün, qui envoie 1 franc et ajoute: « J'ai vu les rochers de Pimmar qui font périr les bateaux.»

Au « petit Raymond » qui envoie cent sous et en promet « d'autres s'il a la croix la semaine prochaine ». Il est vrai que Raymond ajoute prudemment - à sept ans on connaît la vie « Mais ça n'est pas sûr ».
Signalons enfin la visite des braves petits Rennais qui, en sortant de l'école sont venus ce soir nous remettre « le fruit de leurs économies ». Vous pensez si je m'en voudrais de ne pas donner leurs noms, les voici : Louis Dubois, 10 ans et demi, et Elysée Dhouailly, 11 ans, qui ont versé chacun cent sous; André, six ans et demi et Jean, 3 ans, qui ont sacrifié chacun une belle pièce blanche de 2 francs. Le bon exemple est contagieux. Souhaitons que la contagion de la charité gagne de proche en proche. C'est si bon de faire le bien!
A. MOREUX.

A Penmarc'h

QUIMPER, 29 mai (de notre correspondant particulier). La commission envoyée spécialement par la Société Centrale de Secours aux Naufragés de France poursuit son enquête à Penmarc'h. La mer reste mauvaise, aucun bateau n'a pu sortir hier.
Le bruit avait couru hier matin qu'on avait trouve de nouveaux cadavre, mais à 18 heures il était démenti. La mer garde encore onze malheureux.

A nos dépositaires

Un grand nombre de lecteurs nous ont demandé à nouveau si les dépositaires de l'Ouest-Eclair ne pourraient pas recevoir leurs souscriptions, afin de faciliter le groupement des petites sommes.
Nos dépositaires, répétons-le, sont autorisés à recevoir les souscriptions de nos lecteurs. Ils n'auront qu'à nous envoyer la liste des personnes ayant souscrit, en ajoutant après chaque nom le chiffre de la somme versée par le souscripteur, et en joignant à l'envoi un mandat représentant la somme totale de la souscription recueillie.
Les frais de mandats seront supportés par l'OUEST-ECLAIR; MM. les Dépositaires n'auront qu'à tenir compte de ces frais dans leur bordereau mensuel.


L'OUEST-ECLAIR DU 09-06-1925

LES RECOMPENSES
aux
SAUVETEURS DE PENMARC'H
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Paris, 8 Juin. - Par décret en date du 5 juin 1925. Ont été nommés :

Au grade de Chevalier de la légion d'honneur :

M. Le Gall Eugène-Marie, patron du côtre de pêche Gérald-Samuel , Le Guilvinec 10.855
« Au cours de la violente tempête du 23 mai 1925, étant rentré au port, a fait rallier son équipage et a repris la mer avec son cotre de pêche et son annexe. A lutté contre les éléments avec un rare courage, son bateau étant désemparé après avoir talonné sur une roche, a réussi, avec son annexe a porter assistance au plus fort de la tourmente, aux équipages des bateaux de sauvetage de Kérity et de Saint-Pierre-Penmarch qu'une lame énorme avait chavirés alors qu'ils se portaient au secours de deux bateaux de pêche en perdition. A réussi malgré une mer démontée, à sauver plusieurs vies humaines. Bel exemple de devoir et de dévouement.

M. Larnicol (François-Joseph-Marie), patron du canot de pèche Arche-d'Alliance, Le Guilvinec n° 10.737 « En rentrant de la pèche le 23 mal 1925 par le chenal de la Jument, a aperçu derrière lui un canot qui venait de sombrer dans les brisants. Malgré la tempête qui faisait râge, a viré de bord immédiatement, pour se porter au secours des naufragés. Par deux fois, une partie de sa voilure est déchirée par le vent. Il la rétablit et s'acharne à rejoindre les lieux du sinistre. Dressé par le courant, il lutte avec une rare énergie pour se porter vers les canots de sauvetage de Saint-Pierre et de Kérity qu'une lame énorme avait chavirés alors qu'ils se portaient eu secours de deux bateaux de pêché en perdition. A réussi, malgré la tempête, à sauver plusieurs vies humaines. Bel exemple de devoir et de dévouement.

D'autre part, les récompenses suivantes ont été attribuées aux sauveteurs désignés ci-après pour reconnaître le magnifique exemple d'abnégation, de courage et de dévouement qu'ils ont donné le 23 mai 1925 en se portant par mer démontée et en pleine connaissance des dangers qu'ils courraient , au secours des bateaux de pêche Berceau-de-Saint-Pierre et Saint-Louis.

Équipage du cotre « Gérald-Samuel » :
Médailles de vermeil. MM. Le Gall Eugène Marie, 36 ans, patron inscrit au Guilvinec n°10855 ; Le Gars Joseph-Marie, 34 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°10926.
Médailles d'argent de première classe. Guégaden Louis-Marie, 35 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°10913 ; Riou Pierre-Jean-Marie, 47 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°10385 ; Le Gall Jean-Louis Alexandre, 33 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°10959 ; Le Pape Baptiste, 18 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°9449.

Équipage du cotre « Arche-d' Alliance » :
Médaille de vermeil. Larnicol François Joseph Marie, 38 ans, patron inscrit au Guilvinec n°10737.
Médailles d'argent de première classe. Gourlaouen Guillaume Marie, 51 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°5580 ; Le Corre Sebastien, 41 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°10612 ; Gourlaouen Pierre, 31 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°11073 ; Pochic François Marie, 20 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°5653 ; Tanter Thomas Yves, 20 ans, matelot inscrit au Guilvinec n°11664.
Médaille d'arpent de deuxième classe. Gourlaouen Yves Marie*, 15 ans, mousse, inscrit au Guilvinec n°9397.

Équipages des canots de sauvetage :
Médaille de vermeil. Coïc Corentin, 52 ans, sous-patron, inscrit au Guilvinec n°5601 (sauvetages antérieurs).
Médailles d'argent de première classe. Gourlaouen François, 38 ans, canotier inscrit au Guilvinec n°10730 (sauvetage antérieur) , Stéphan Nonna Marie, 25 ans, canotier, inscrit au Guilvinec n°11342 ; Kérisit Joseph, 23 ans, canotier, inscrit au Guilvinec n°573 ; Stéphan Thomas, 32 ans, canotier inscrit au Guilvinec n°11007; Bouguéon Michel, 23 ans, canotier inscrit au Guilvinec n°470 ; Tanneau Jean-Marie, 40 ans, canotier, inscrit au Guilvinec n° 10652; Drézen Jean-Marie, 44 ans, canotier inscrit au Guilvinec n°10444(sauvetages antérieurs).


(*) Remarque KBC Penmarch :

Contrairement à l'annonce du journal, Gourlaouen Yves Marie, mousse, a 15 et non 25 ans, car né en 1910.

LA MER REJETTE DES CADAVRES A PENMARC'H

Quimper, 8 juin. Trois nouveaux cadavres de la catastrophe de Penmarc'h viennent d'être rejetés sur les grèves, ce sont ceux de Pierre Carval et Guillaume Cossec du canot de sauvetage de Saint-Pierre et celui de François Legars du canot de Kérity.



L'OUEST-ECLAIR DU 16-08-1925

LA REMISE SOLENNELLE DES RECOMPENSES
AUX HEROÏQUES SAUVETEURS DE PENMARC'H
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UNE EMOUVANTE CEREMONIE S'EST DEROULEE HIER
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Penmarc'h, 15 août (de notre envoyé spécial). Les douleurs, nos populations maritimes bretonnes les connaissent certes plus que toutes autres en France. Le paysage synchronise avec l'âme bretonne, si rude par moments et se livrant si peu. Parfois, l'horizon s'éclaircit, les yeux profonds et triste deviennent un instant rieurs. C'est que le ciel s'est découvert. Un moment de joie a déridé l'âme du Breton.
La chapelle de la Joie à mi-voie entre Eckmühl et Saint-Guénolè, commémore de son granit ces liesses fugitives. Aujourd'hui la nature est complaisante. Le soleil resplendit et donne aux vieilles pierres un aspect riant. La foule bigarrée se presse ; des forains ont dressé leurs baraques multicolores que des peintres s'empressent de noter. Au-dessus de la foule se dressent les coiffes des bigoudens.
Dans un enclos, ceux qui furent à la peine vont être à l'instant à l'honneur.

La remise des décorations

Les officiels arrivent. De nombreuses personnalités les accompagnent. Au banquet, nous les retrouverons.
Après avoir serré la main de tous les braves qui sont réunis là, M. Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine Marchande, prend la parole au nom du gouvernement. Il rappelle en termes émus l'historique des faits, la réception du télégramme laconique qui annonçait la catastrophe et auquel on avait peine il croire. Malheureusement, après confirmation, il n'y avait plus de doute possible.
« Vous avez pensé, mes chers compatriotes, que cette cérémonie devait coïncider avec une des fêtes locales les plus aimées de votre région, avec un de nos vieux pardons bretons, celui de Notre-Dame de la Joie. Vous pourrez lui ajouter désormais un autre titre, celui de Notre-Dame de l'Honneur. Puis le Ministre fait l'apologie des vaillants, des titans qui, luttant contre les éléments, trouvèrent la mort pour avoir tenté d'arracher à la mer la proie qu'elle convoitait.
Après un éloge de la presse, parisienne et régionale, le Petit Journal, l'Œuvre, la Dépêche et l'Ouest-Éclair, qui dès la première heure ouvrirent spontanément leurs colonnes pour les souscriptions en faveur des victimes, il assure la population côtière de ses efforts pour arriver à améliorer par des travaux la défense de la côte, des biens et des flottilles contre la mer.
Puis a lieu la remise des décorations. La musique de Guilvinec, sous l'habile direction de M. Gléhen, son chef, qui avait dès le début joué la Marseillaise, ouvre le ban.
M. l'amiral Cazenave, major général du port de Brest, assisté de son officier d'ordonnance, décore les trois légionnaires. Le Gall, Larnicol et Coïc, dont nous avons si souvent parlé et relaté les actes de courage. L'instant est émouvant. Leur face, tannée par les embruns et le soleil reflète l'émotion qu'ils ressentent au moment de l'accolade.
Puis c'est le tour des hommes des équipages à qui les parlementaires présents remettent leur médaille.
Mais l'instant le plus poignant, c'est certes celui où l'on voit s'avancer les veuves et les orphelins qui viennent recevoir des mains du brave Kerloch, ancien patron du canot de sauvetage de Saint-Pierre-Penmarc'h et chevalier de la Légion d'honneur, les décorations posthumes de ceux qui ne reviendront plus.
C'est fini. Musique en tète, un cortège se forme pour se rendre au banquet.

Le banquet

A l'hôtel Mauguérou1, cinquante convives environ assistaient au banquet fort bien servi. A la table d'honneur que présidait M. Daniélou, nous reconnaissons MM. Berteil, secrétaire général du Finistère, remplaçant M. le Préfet en congé ; M. l'amiral Cazenave, major général ; M. l'abbé Trochu ; MM. Dupuys, professeur d'un lycée de Paris ; le docteur Le Coz, conseiller général de Pont-l'Abbé ; Le Bail fils, avocat ; Garnier, directeur de l'usine Cassegrain ; Borel, du Petit Journal, et ancien chef de cabinet de M. Loucheur ; Pillet, administrateur de l'Inscription maritime de Guilvinec ; commandant Le Blouch, commandant d'armes de Quimper ; Toullec, juge de paix de Pont-l'Abbé ; Cognet, de la Société Centrale de Sauvetage ; Larnicol, maire de Penmarc'h ; Le Bail. député ; Fenoux, sénateur ; Bouilloux-Lafont, vice-président de la Chambre des Députés ; Jade, député, président de la Défense des intérêts maritimes ; Bronkorst. administrateur de l'Inscription maritime de Douarnenez ; le lieutenant de vaisseau officier d'ordonnance de l'amiral Cazenave ; Villet, chef de cabinet de M. Daniélou. Aux autres tables avaient pris place les sauveteurs, les nouveaux légionnaires. Nous reconnaissons là pas mal de personnalités, dont M. Fravollo. adjoint au maire de Penmarc'h, etc

Les discours

Quelques instants avant les toasts, la musique de Guilvinec vient jouer devant les fenêtres des airs bretons. Ce concert fut fort apprécié.
Puis M. Daniélou ouvrit la série des toasts en donnant la parole à M. Larnicol, maire de Penmarc'h.
Le sympathique maire, organisateur de cette cérémonie, rendit hommage à ceux qui n'hésitèrent pas il se précipiter au devant du danger pour arracher à la mort leurs camarades en péril
« C'est un bel exemple de solidarité, dit-il, auquel un marin breton ne faillit jamais. M. l'amiral Cazenave lui succède. En chef, il glorifie le marin, celui qui pratique toujours la charité, diront les uns, la solidarité, diront peut-être les autres, mais qui, quel que soit le vocable qu'on emploie a toujours le même but. Nous, leurs chefs, dit-il, nous les connaissons tous. Leurs pères pratiquèrent l'honneur, les bons fils en sont les dignes héritiers, qu'ils ne faillissent jamais.
« Voila Messieurs, ce que l'amiral Grout, préfet maritime, empêché de venir, m'avait chargé de vous dire pour lui. Quand on parle du marin, c'est toujours avec admiration. Quand le silence succéda aux applaudissements, M. Daniélou donna la parole à M. l'abbé Trochu.
« C'est au nom de la presse républicaine, sans distinction de nuances, que M. l'abbé Trochu salue les victimes et les sauveteurs à l'honneur aujourd'hui.
« En épinglant sur la poitrine de ces trois braves la Croix dont l'honneur rejaillit sur tous nos braves Bretons, le Gouvernement de la République couronne dignement, dit-il, les vœux et l'effort de la Presse parisienne et régionale qui, à la première annonce de l'horrible catastrophe, fit entendre un appel émouvant en faveur des orphelins.

Après avoir parlé du patrimoine moral dont la France a raison de s'enorgueillir plus que de ses immenses richesses naturelles, héritage d'un long passé religieux et que la République doit s'efforcer de gérer avec soin pour demeurer fidèle à sa mission, M. l'abbé Trochu s'exprime en ces termes :

« Il ne reste plus au ciel tellement d'étoiles que les Français puissent se payer la fantaisie dangereuse d'en éteindre les feux.

« Les hommes sont fermement attachés au régime démocratique et conçoivent une autre ambition que celle qui consisterait à endormir la misère du peuple au bruit de vieilles chansons.

« Ils ont la volonté d'éveiller en lui, d'abord le sentiment de la justice et, par delà le sentiment de justice, celui d'une fraternelle bonté qui lui permettra de goûter, dans une civilisation embellie, la part de bonheur à laquelle son labeur lui donne droit ».

Et M. l'abbé Trochu termine en levant son verre, au nom de la Presse, en l'honneur des généreux souscripteurs des journaux parisiens et régionaux : le Petit Journal, L'Œuvre, La Dépêche, L'Ouest-Éclair, grâce auxquels, si toutes les larmes ne sont pas séchées, il y aura un peu moins de misère sur ce coin de Bretagne.
De chaleureux applaudissements saluèrent celte péroraison.

Puis M. Coguet, de la Société de Sauvetage, remercia tous ceux qui, après la catastrophe vinrent en aide aux sauveteurs. Il rappela les faits en quelques mots, parla de l'organisation de sauvetage dans la région, disant qu'il y avait 115 canots, dont 21 à moteur, mais que l'on voulait faire mieux. Il incita a faire des demandes, disant que, bien que cela coûtât cher de donner satisfaction aux désirs quelquefois nombreux de la population côtière, la société ferait toujours ce qu'elle pourrait.
Ensuite il informa les sauveteurs qu'un canot à moteur leur serait bientôt donné.

M. Fénoux, sénateur, au nom de ses collègues, prit ensuite la parole :
« Je serai bref, dit-il. C'est au nom de mes collègues du Sénat que je rends aujourd'hui un hommage attristé à la mémoire des braves que leurs pauvres veuves et orphelins ne reverront plus. Le courage est monnaie courante chez le marin breton que le monde entier admire. Je m'incline bien bas et je bois à leur honneur, à leur courage et à leur dévouement sublime.
Le doyen des députés, M. Le Bail, prononça quelques paroles au nom de ses collègues.
Après avoir rendu lui aussi hommage à la vaillance des marins, il leva son verre en l'honneur des sauveteurs et de la municipalité de Penmarch.

M. Daniélou termina les toasts par quelques mots remerciant les donateurs et toutes les forces nationales qui contribuèrent au soulagement de nos populations éprouvées. Il exprima tous ses regrets de voir M. Bronskorst, directeur de l'inscription maritime, prendre bientôt sa retraite

« Vous savez tous ce que M. Bronskorst a fait pour vous. Vous allez malheureusement perdre presque un père. Je suis heureux de vous annoncer que M. Bronskorst ne vous quittera pas. Il pense poursuivre l'œuvre, à laquelle il présida pendant de longues années en restant parmi vous.

Nous qui connaissons bien cette noble figure qu'est le Directeur de l'Inscription Maritime, nous sommes sûrs d'être les interprètes de tous les Marins en disant qu'il leur manquerait s'ils ne l'avaient pas près d'eux.
H. LE PEILLET.

(1) Lire Moguérou


L'OUEST-ECLAIR DU 18-08-1925

LES HEROS DE PENMARC'H

Nous avons rendu compte avant-hier de l'émouvante cérémonie qui s'était déroulée à Penmarch à l'occasion de la remise des décorations aux sauveteurs de la catastrophe du 23 mai.
Le représentant du Gouvernement a épinglé sur la poitrine des survivants les croix et médailles que leur avait méritée leur bravoure. Les veuves de ceux qui sont morts en voulant sauver leurs camarades étaient la pour recevoir les décorations décernées aux maris qu'elles pleurent.
Les différents orateurs ont glorifié cette phalange de marins bretons qui tout naturellement, tout simplement, avec un déconcertant mépris du danger, avec un extraordinaire courage ont exposé leur vie, l'ont sacrifiée. Les noms de ces modestes héros méritent de passer à la postérité. Nous les avons publiés au fur et il mesure de l'attribution des récompenses. Voici aujourd'hui la liste complète des sauveteurs de Penmarc'h. Ils sont nombreux et leur nombre est éloquent. Il prouve que chez nous tout marin a l'âme d'un héros.

Chevaliers de la Légion d'honneur

M. LE GALL (Eugène-Marie), patron du cotre de pêche Gérald-Samuel, Le Guilvinec n° 10.855
« Au cours de la violente tempête du 23 mai 1925, étant rentré au port, a fait rallier son équipage et a repris la mer avec son cotre de pêche et son annexe. A lutté contre les éléments avec un rare courage, son bateau étant désemparé après avoir talonné sur une roche, a réussi, avec son annexe a porter assistance au plus fort de la tourmente, aux équipages des bateaux de sauvetage de Kérity et de Saint-Pierre-Penmarch qu'une lame énorme avait chavirés alors qu'ils se portaient au secours de deux bateaux de pêche en perdition. A réussi malgré une mer démontée, à sauver plusieurs vies humaines. Bel exemple de devoir et de dévouement.

M. Larnicol (François-Joseph-Marie), patron du canot de pêche Arche-d'Alliance, Le Guilvinec n° 10.737
« En rentrant de la pêche le 23 mal 1925 par le chenal de la Jument, a aperçu derrière lui un canot qui venait de sombrer dans les brisants. Malgré la tempête qui faisait râge, a viré de bord immédiatement, pour se porter au secours des naufragés. Par deux fois, une partie de sa voilure est déchirée par le vent. Il la rétablit et s'acharne à rejoindre les lieux du sinistre. Dressé par le courant, il lutte avec une rare énergie pour se porter vers les canots de sauvetage de Saint-Pierre et de Kérity qu'une lame énorme avait chavirés alors qu'ils se portaient eu secours de deux bateaux de pêché en perdition. A réussi, malgré la tempête, à sauver plusieurs vies humaines. Bel exemple de devoir et de dévouement.

M. Coic (Corentin), patron pécheur, 35 ans de service.
Lors du sinistre de Penmarch du 23 mal I925, sous-patron du canot de sauvetage de Kérity, précipité à la mer, a refusé par deux fois de se laisser sauver, disant qu'il en a de plus jeunes que moi et moins résistants à sauver d'abord, donnant ainsi un exemple tout particulièrement émouvant de solidarité et de courage.

Médailles de sauvetage

Équipage du côtre « Gérald-Samuel » :
Médailles de vermeil. M. Le Gall Eugène, 36 ans, patron ; M. Le Gars Joseph, 34 ans, matelot.
Médailles d'argent de première classe. MM. Guégaden Louis, 35 ans, matelot ; Riou Pierre, 47 ans, matelot ; Le Gall Jean, 33 ans, matelot ; Le Pape Baptiste, 18 ans, matelot.

Équipage du cotre « Arche-d' Alliance » :
Médaille de vermeil. Larnicol François, 38 ans, patron.
Médailles d'argent de première classe. MM Gourlaouen Guillaume, 51 ans, matelot ; Le Corre Sebastien, 41 ans, matelot ; Gourlaouen Pierre, 31 ans, matelot ; Pochic François, 20 ans, matelot ; Tanter Thomas, 20 ans, matelot.
Médaille d'argent de deuxième classe. Gourlaouen Yves, 15 ans, mousse.

Équipage des canots de sauvetage :
Médaille de vermeil. Coïc Corentin, 52 ans, sous-patron (sauvetages antérieurs).
Médailles d'argent de première classe. MM. Gourlaouen François, 38 ans, canotier (sauvetage antérieur) , Stéphan Nonna, 25 ans, canotier Kérisit Joseph, 23 ans, canotier ; Stéphan Thomas, 32 ans, canotier ; Bouguéon Michel, 23 ans, canotier ; Tanneau Jean-Marie, 40 ans, canotier, Drézen Jean-Marie, 41 ans, canotier (sauvetages antérieurs).

Médailles de sauvetage à titre posthume

Canot de sauvetage de Saint-Pierre-en-Penmarch
MM. Berrou Jean-Marie, 32 ans, patron ; Tanniou Vincent, 43 ans, sous-patron (sauvetage antérieur) ; Larnicol Jean, 69 ans, matelot (sauvetages antérieurs) ; Calvez Alain, 38 ans, matelot (sauvetages antérieurs) ; L'Helgouarch Jean, 29 ans, matelot ; Carval Pierre, 29 ans, matelot ; Cossec Guillaume, 33 ans, matelot ; Calvez Laurent, 27 ans, matelot.

Canot de sauvetage de Kérity
M. Le Gars François, 39 ans ; M. Cloarec Thomas, 27 ans, matelot ; M. Jezegabel Henri, 35 ans, matelot ; M. Coupa Laurent, 25 ans, matelot ; M. Kerloch Henri, 40 ans, matelot ; M. Stéphan Yves, 30 ans, matelot ; M. Tanniou Pierre-Marie, 26 ans, malelot.

Remarque KBC Penmarch :
Cet article est une redite de l'article du 9 Juin 1925, augmenté de la Légion d'honneur de Corentin Coïc et de la liste des médailles distribuées à titre posthume.